Une nouvelle analyse comparative de la Banque nationale de Belgique (BNB) met en évidence des risques importants pour la soutenabilité de la dette publique élevée et croissante de la Belgique, et ce même si des pays comme la France, l’Italie, les États-Unis et le Japon affichent des ratios dette publique/PIB plus élevés.
La question de la soutenabilité de la dette a récemment repris de l’importance en raison des taux d’endettement public élevés au niveau international. En Belgique, le ratio dette publique/PIB -104% en 2024 – est considérable. Ce chiffre est parfois relativisé dans le débat public par l’évocation d’autres économies avancées présentant des ratios de dette publique aussi élevés, voire plus élevés, comme la France, l’Italie, les États-Unis et surtout le Japon. Toutefois, leurs ratios d’endettement plus importants ne signifient pas que la dette publique belge est moins vulnérable. En effet, la soutenabilité de la dette ne se limite absolument pas au seul niveau actuel de la dette ; l’évolution future de la dette est, également, un élément crucial.
Dans ces cinq pays, des indicateurs budgétaires clés tels que les besoins de financement brut, les niveaux de la dette publique et la dynamique de la dette suggèrent des risques sérieux pour la soutenabilité de la dette. D’autres facteurs de risque y apparaissent en général moins préoccupants, tandis que les États-Unis et le Japon disposent de caractéristiques uniques qui atténuent considérablement les vulnérabilités budgétaires.
Une analyse de la soutenabilité de la dette dans 5 pays
En Belgique, les risques à court terme pour la soutenabilité de la dette sont relativement faibles dans l’ensemble. Toutefois, les besoins de financement brut élevés, de l’ordre de 20% du PIB chaque année, représentent une vulnérabilité majeure. Dans le même temps, la position extérieure globale nette positive du pays permettrait d’utiliser l’épargne privée pour financer la dette publique en période de tensions. À moyen terme, en revanche, la tendance à la hausse prévue de la dette publique belge au cours de la prochaine décennie (à politiques gouvernementales inchangées) est préoccupante. Cette situation reflète le déficit actuel élevé, ainsi que la hausse des charges d’intérêt et des coûts liés au vieillissement, en dépit des réformes adoptées en 2025 qui ont permis de réduire ces derniers d’environ de moitié à long terme.
Les risques de soutenabilité de la dette publique de la France apparaissent similaires à ceux de la Belgique. Néanmoins, des vulnérabilités additionnelles spécifiques découlent de l’instabilité politique intérieure et du succès relativement plus faible des efforts d’assainissement passés, avec des dérapages budgétaires, par exemple, au cours des deux dernières années.
Contrairement à la Belgique, les principaux défis par rapport à la soutenabilité de la dette publique en Italie sont liés au poids historique de cette dette, combinée à une croissance économique structurellement faible. L’effet boule de neige des taux d’intérêt augmente en effet automatiquement le ratio de la dette publique du pays, ce qui signifie que l’Italie doit dégager des excédents primaires pour stabiliser son ratio d’endettement. Il s’agit d’un avertissement pour la Belgique, qui souligne le rôle crucial d’une croissance économique robuste pour la soutenabilité de la dette.
La dynamique de la dette est la plus préoccupante aux États-Unis, vu que c’est dans ce pays que le taux d’endettement public devrait augmenter le plus, principalement en raison de déficits primaires élevés et persistants. Si la vive croissance économique est censée permettre aux États-Unis de soutenir un plus haut niveau de dette publique, l’alourdissement de la charge d’intérêts devrait annuler les effets de la croissance sur le taux d’endettement. Le pays est également confronté à des risques de soutenabilité à court terme en raison de besoins de financement brut annuels considérables, qui représentent environ 40% du PIB, ainsi que du déficit courant de sa balance des paiements. À plus long terme, la hausse des coûts liés au vieillissement accroîtra les pressions budgétaires. Cela dit, en tant que fournisseur de l’actif sûr préféré au niveau mondial et de la monnaie de réserve internationale, les États-Unis jouissent d’un statut spécial qui réduit considérablement leurs coûts de financement et accroît leur capacité d’endettement … du moins, pour le moment.
Enfin, le ratio d’endettement public record du Japon, proche de 240% du PIB, fait peser des risques élevés sur la soutenabilité de la dette et s’accompagne de besoins de refinancement énormes, ce qui rend la dette du pays sensible aux chocs de taux d’intérêt. Le ratio d’endettement devrait se réduire dans un premier temps (à politiques inchangées), mais reprendre une trajectoire ascendante à mesure que le différentiel favorable entre les taux d’intérêt et la croissance s’inversera et que les déficits primaires persisteront. Alors que la Banque du Japon a longtemps maintenu les taux d’intérêt à un bas niveau, les anticipations d’inflation sont actuellement orientées à la hausse. L’accent se porte ainsi plutôt sur l’ampleur des hausses de taux d’intérêt et sur la mesure dans laquelle la Banque du Japon tolérera l’inflation. Les actifs financiers considérables détenus par le gouvernement japonais constituent un tampon substantiel et l’importante base d’investisseurs nationaux contribue à atténuer les risques liés à la soutenabilité. Relativiser les risques de soutenabilité de la dette publique belge en se référant simplement au ratio d’endettement du Japon, qui lui est plus de deux fois supérieur, reflète donc une vision très partielle de la situation relative.
Pas de menaces imminentes, mais…
Dans l’ensemble, aucun des cinq pays ne semble être confronté à des menaces imminentes relatives à la soutenabilité de la dette, mais à moyen et long termes, le gonflement persistant des ratios d’endettement à partir de niveaux déjà élevés n’est pas soutenable. En outre, dans un environnement international marqué par la hausse des taux d’intérêt, l’incertitude (géo)politique et l’accroissement des émissions d’obligations souveraines, le sentiment du marché peut changer brusquement, déclenchant potentiellement des pressions sur les liquidités et rendre immédiates les préoccupations de solvabilité à moyen terme. Cet élément souligne l’importance pour les décideurs politiques de s’engager à mener des politiques budgétaires crédibles et prudentes, tant à court qu’à moyen et long termes.
Source: BNB

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