La nouvelle vague de restructurations que nous venons de traverser – fort à parier qu’elle n’est pas terminée – nous invite à repenser les modèles économiques à privilégier pour nos entreprises. Les entreprises coopératives restent des exceptions dans l’économie de marché. Toutefois, certaines parviennent à réconcilier les objectifs de profit et de développement des relations humaines.
La coopérative namuroise Damnet fête ses 15 ans. Nous avons partagé son expérience et sa philosophie managériales à l’occasion de notre dossier Peoplesphere n°196 (voir ici). Son CEO, Jérome Herman, témoigne de l’intérêt du modèle coopératif dans le contexte actuel :
« En cette période de crise, où le citoyen ne voit plus les monde économique et de l’entreprise qu’à la solde du capitalisme et des actionnaires avides de bénéfices, où le travailleur vit dans la crainte d’une délocalisation ou d’une fermeture arbitraire comme récemment encore chez Caterpillar, nombreux sont ceux partis à la recherche de modèles d’organisation qui concilient à la fois l’efficacité économique et la préservation des relations sociales. Dans cette optique, les coopératives sont revenues sur le devant de la scène. En Belgique, Damnet – société spécialisée dans l’installation et la maintenance de réseaux et parcs informatiques – célèbre en ce mois de septembre ses 15 ans d’existence et se veut être un exemple moteur de l’opportunité que représente le modèle coopératif. »
Le Directeur général de l’entreprise présente un bilan très positif : « Nous pouvons non seulement dire que nous avons créé un endroit où il fait bon travailler, mais nous avons aussi montré que nous étions capables de créer de l’emploi, de faire évoluer nos activités et de faire reposer tout cela sur un modèle démocratique (un homme, une voix) et pérenne (bonne structure financière). C’est aussi 15 années durant lesquelles nous avons construit une clientèle en nous reposant uniquement sur le bouche-à-oreille et la notoriété, nous avons le plaisir de souligner que nous avons une relation avec nos clients qui va au-delà d’une simple relation client/fournisseur, qui est une vraie coopération. »
Tous associés !
Tous les travailleurs deviennent associés à partir de minimum un an d’ancienneté. Le DG poursuit : « Ceci génère une implication très forte dans le projet d’entreprise et dans le souci de la qualité du service proposé au client. Le principe de décision est une personne, une voix (au contraire du principe habituel : une part, une voix). A l’heure de la globalisation, l’image que le monde économique et les autorités politiques ont des coopératives doit changer, et pas dans une simple revendication idéaliste. Les coopératives sont des entreprises consacrant la primauté de l’être humain sur la croissance et le profit à tout prix, tout en fonctionnant selon une logique d’efficacité économique et de libre entreprise. Elles se fondent sur des valeurs humanistes, offrant le visage d’une économie démocratique, empreinte de justice sociale et de respect pour l’environnement. »
A l’évidence, le modèle répond à diverses aspirations sociétales. Jérôme Herman confirme : « Je pense que le modèle coopératif pourrait bel et bien être reconnue à l’avenir comme un modèle d’entreprise à même de concrétiser la « responsabilité sociale des entreprises » dont on parle tant de nos jours. Mais ce regain d’intérêt pour les coopératives ne tient pas seulement à des considérations d’ordre éthique. La crise économique et financière qui secoue le monde depuis maintenant plus de cinq ans a mis en évidence les excès du système économique en place et la nécessité de le refonder sur de nouvelles bases. A cet égard, le modèle coopératif pourrait être porteur de solutions, les coopératives ayant démontré leur résilience à la crise. En effet, différentes études ont montré que ces entreprises avaient beaucoup mieux résisté à la crise de 2008-2009. D’autres études ont mis en évidence le fait que parmi les entreprises coopératives peu d’emplois ont été perdus et que peu de fermetures d’entreprises ont été observées suite à la crise. Ne recherchant pas le profit à tout prix et n’étant pas liées aux fluctuations de la bourse, les coopératives sont perçues comme des employeurs responsables. Les délocalisations et les licenciements collectifs restent exceptionnels. »
En Belgique francophone, l’ensemble des acteurs convergent pour reconnaître l’économie sociale comme un troisième secteur d’activités économiques, distinct des secteurs privé et public, regroupant notamment les sociétés coopératives et/ou à finalité sociale. L’économie sociale représentait (chiffres 2013), en Belgique francophone, 1525 entreprises, dont 364 coopératives, et fournissait 56777 emplois. Au niveau mondial, il existerait 761221 coopératives et mutuelles, regroupant 813,5 millions de membres, fournissant 6,9 millions d’emplois (Unrisd, 2014). Rien qu’au sein de l’UE, 2 millions d’organisations d’économie sociale emploient 11 millions de personnes (6% des travailleurs).
Et de conclure : « Face aux transformations des marchés et à une concurrence accrue, le modèle coopératif, loin d’être figé, a toujours su faire preuve d’un remarquable sens d’adaptation et d’innovation. Par la stabilité financière, la qualité de service et la performance économique qu’il garantit, le système coopératif constitue donc un véritable modèle d’avenir non seulement pour l’économie, mais aussi pour un développement plus durable et une justice sociale. Les coopératives sont donc des entreprises pour un monde meilleur. Aujourd’hui nous avons besoin d’un cadre favorable qui permette plus facilement la création et le développement de sociétés coopératives et participatives. »