Editorial – Avis aux géants de la Tech: l’obsolescence programmée, cela n’existe pas en matière de People Management.

La Tech passe en mode diète. La plupart des acteurs majeurs qui font tourner la planète digitale viennent d’annoncer des licenciements massifs. 18.000 personnes concernées chez Amazon, 11.000 chez Facebook, 10.000 chez Microsoft, 12.000 chez Google, et tout récemment quelques 600 collègues chez Spotify… Plus de 160.000 licenciements dans le secteur au cours des douze derniers mois. En cause, une conjoncture économique peu favorable (non, sans déconner?) et la diminution des recettes publicitaires. Bref, c’est comme si l’obsolescence programmée faisait partie de l’ADN de la Tech et qu’elle s’appliquait aussi en matière de gestion de ses collaborateurs. Erreur grossière. Vraiment grossière…

Il semble que les géants de la Tech s’appliquent une règle simple, voire stupide, de réduction de 5% à 8% des effectifs environ, comme si cela devait être écrit quelque part dans le manuel de gestion du changement (petit condensé d’ironie et de cynisme)… « Ces entreprises traversent une phase d’attente et, dans une telle phase, il s’agit de mettre en suspens les projets les moins prometteurs ou les plus risqués qui avaient déjà fait l’objet d’embauches mais qui ne vont plus être perçus comme prioritaires le temps que durera ce choc récessif et inflationniste », explique Julien Pillot, économiste du numérique à l’INSEEC en France.

L’innovation au congélo, une ineptie ?

On pouvait croire que cette vieille recette était rangée aux oubliettes. L’idée même qui consiste à geler l’investissement en matière d’effectifs susceptibles de renouveler les contours de l’entreprise est pour le moins surprenante. Plus encore, d’ailleurs, dans le chef d’organisations appartenant à la Tech dont la raison d’être est justement de proposer des solutions innovantes à leurs clients et partenaires.
Or, c’est évidemment dans le potentiel RH de l’entreprise que germent les nouveautés du marché et des organisations. C’est dans le temps et l’espace que l’on offre à nos collaborateurs que vont naître les solutions de demain. Les acteurs de la Tech sombrent-ils eux aussi dans le règne définitif du court terme? Aussi peu probable que cela puisse paraître, nous ne pouvons l’exclure…
Comment décoder ces décisions, partant du constat partagé de l’importance cruciale de parier sur l’innovation lorsque les temps sont durs? Difficile à comprendre en effet, à moins que la crise et la possible récession ne soient utilisées comme des prétextes diablement utiles pour adapter des structures de coûts sur lesquelles nous avons perdu le contrôle…

Le sentiment de revanche, pas forcément un bon moteur.

Pour rendre les licenciements plus acceptables, les boîtes Tech nous précisent que près de 80% des personnes concernées retrouvent un job dans les trois mois qui suivent (dont la moitié en moins d’un mois d’ailleurs). La belle affaire. Sur le marché du travail, cela donne des collaborateurs qui cultivent, d’une part, la déception voire le dégoût vis-à-vis d’un employeur en qui ils ont cru lorsqu’ils ont signé leur contrat de travail et, d’autre part, un sentiment de revanche ainsi que l’envie de démontrer qu’ils valent mieux qu’un formulaire C4 aussi abrupt.
Globalement, l’impact en ce qui concerne notre relation au travail est évidemment négatif. Comment croire encore dans les principes d’engagement, de loyauté, d’expérience collaborateur… lorsqu’un employeur profitable se déleste d’un nombre aussi important de ses travailleurs? Pas évident pour les autres (employeurs) de recoller les morceaux derrière et d’inspirer un collègue frustré par son entreprise précédente. Peut-on alors ‘jouer’ sur cette envie de démontrer que l’on méritait mieux que cela? Peut-être, oui… Ce qui n’est à priori pas un sentiment noble peut se transformer en énergie créatrice. Il faut en tout cas prévoir une phase de ‘réparation’, longue parfois, pour repartir sur une relation de confiance mutuelle.

Toujours parier sur la capacité d’apprentissage et de réinvention.

Il nous faut enfin parler d’obsolescence programmée. Le concept appartient à l’univers même du secteur technologique. Et ça fonctionne comment? La première phase consiste à investir lourdement pour développer de nouvelles solutions, applications, abonnements, etc… Phase 2: le temps de la commercialisation avec une offre attractive pour acquérir une base clients significative. Puis vient la phase n°3 qui correspond à la rentabilisation de tous ces efforts et à l’optimisation des ressources disponibles pour tirer les fruits de l’investissement de départ. Le cycle est connu et il prévoit sa propre fin puisque lorsque la solution proposée ne ‘fonctionne’ plus, elle est considérée comme obsolète, trop coûteuse à entretenir et elle valse directement à la poubelle. Il y a fort à craindre que les géants de la Tech n’appliquent cette séquence infernale à leur propre People Management, ce qui est à la fois intolérable et absurde. L’obsolescence programmée n’existe pas en RH. Nous y parions au contraire et dans tous les cas sur l’acquisition continue de nouvelles compétences, sur l’adaptabilité sans limite de l’être humain, sur l’intelligence, sur la capacité de rebond, sur l’alchimie et la coopération qui permettent d’explorer des territoires inattendus… Le business model de la Tech et ses penseurs l’auraient-ils subitement oublié? Allez, on reprend ses esprits, on réembauche tout ce petit monde fissa, on s’engage avec sincérité pour le maintien de notre corps social et on repart ensemble pour de nouvelles aventures.

Jean-Paul Erhard

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