La congestion du trafic est l’un des défis majeurs que doivent relever conjointement les gouvernements de notre pays. La fiscalité actuelle du transport, caractérisée par des taxes forfaitaires sur la voiture et des subventions élevées aux voitures-salaires et aux transports publics, n’est plus adaptée à la réalité et mériterait d’être réformée. Le Bureau fédéral du Plan s’est penché sur une réforme fondamentale. Celle-ci introduit une taxe kilométrique intelligente qui aligne parfaitement le système fiscal sur les coûts de congestion et d’environnement.
Actuellement, la fiscalité du transport se compose pour l’essentiel de prélèvements forfaitaires (soit toujours les mêmes prélèvements, indépendamment du lieu et de la période de déplacement où des coûts sociétaux sont générés) comme les droits d’accise et la taxe annuelle de circulation. Une différenciation géographique mineure s’applique aux camions uniquement, dans le
cadre de la redevance kilométrique. D’un autre côté, d’importants subsides sont octroyés aux transports publics et à plusieurs types de déplacements domicile-lieu de travail.
Cette fiscalité contraste avec la réalité où le trafic génère d’importants coûts externes pour la société aux heures de pointe et dans les grandes agglomérations. Les coûts de la congestion, surtout, sont fortement différentiés dans le temps et dans l’espace.
À titre d’illustration, nous comparons les externalités de congestion et d’environnement liées à certaines périodes et zones avec les prélèvements actuellement réalisés sur les voitures particulières. Cette comparaison est opérée pour les agglomérations de Bruxelles et d’Anvers, aux heures de pointe, et sur les autoroutes en dehors de ces agglomérations aux heures creuses. Dans les deux agglomérations, aux heures de pointe, les coûts externes dépassent largement les prélèvements. En revanche, un automobiliste empruntant l’autoroute en dehors des agglomérations, aux heures creuses paie légèrement trop de taxes, du moins du point de vue de la congestion et de l’environnement.
Les effets d’une réforme d’envergure.
Au moyen du modèle PLANET, nous avons calculé les gains de bien-être potentiels liés à l’introduction d’une taxe kilométrique intelligente qui aligne parfaitement le système fiscal sur les coûts de congestion et d’environnement. De plus, les tarifs des transports publics sont adaptés à leur coût réel et les subsides aux transports publics, déplacements domicile-lieu de travail et voitures-salaires sont supprimés.
Le nouvel équilibre après réforme allie durées de déplacement plus courtes, baisse du recours aux transports publics et augmentation des modes actifs (marche et vélo). Le nombre de kilomètres parcourus en voiture reste pratiquement constant :plutôt que de réduire le recours à la voiture, une tarification correcte favorise une meilleure répartition des déplacements en quatre-roues.
Selon nos estimations, une telle réforme rapporterait à la société 2,3 milliards d’euros par an de gains de bien-être, dont 1,3 milliard de gains en temps pour les usagers de la route et 100 millions de gains environnementaux. Le dernier 900 millions représente les gains résultant de la meilleure allocation des moyens vu les moindres besoins de subventionnement.
Un tel paquet de mesures, qui inclut notamment une baisse des subsides aux transports en commun, soulève la question de son acceptation politique et sociétale.
Des éléments non pris en compte…
Cette étude se fonde sur une définition restrictive des coûts de congestion. Nous calculons uniquement le coût du temps perdu pendant les trajets. D’autres effets de la congestion pourraient toutefois être envisagés.Les embouteillages créent également des coûts dus à la nécessité de modifier des rendez-vous : retard dans les livraisons ou annulations de rendez-vous.
Nous savons également que la proximité géographique des entreprises les unes par rapport aux autres est un avantage pour elles. Les effets dits d’agglomération ont des incidences positives sur la productivité et donc sur les salaires. Toutefois, la congestion peut mettre en péril ces avantages. Bruxelles et Anvers, surtout, pourraient en pâtir.
De plus, nos capacités de modélisation actuelles ne permettent pas des différentiations temporelles très fines pour la tarification au kilomètre. Une différentiation plus fine entre périodes de déplacement devrait pouvoir mener à la disparition totale des embouteillages, sans pour autant que le coût total pour l’utilisateur n’augmente.
Vu ces considérations, nos estimations doivent être considérées comme des valeurs minimales. Force est donc de constater que différents instruments existent pour faire évoluer la mobilité et mieux prendre en compte ses coûts pour la société et l’environnement.
Source: Bureau Fédéral du Plan