Le Conseil a examiné le projet d’arrête royal soumis par la ministre M. De Block, ministre des Affaires sociales, concernant la sécurité sociale des travailleurs et prévu en exécution de la mesure 22 du Deal pour l’emploi que le gouvernement a conclu le 31 août 2018. Ce projet d’arrêté royal accorde, à partir du 1er janvier 2019, une exonération de cotisations sociales aux indemnités complémentaires qui, dans le cadre de l’allègement de la charge de travail pour les travailleurs âgés, sont régies par une convention individuelle écrite.
Le Conseil constate que cette mesure est déjà modifiée avant d’avoir pu s’implanter sur le terrain. Il ressort en effet des chiffres des deux cellules stratégiques que, jusqu’à présent, seules trois commissions paritaires ont conclu une convention collective de travail à ce sujet et que sept travailleurs ont recours à la mesure.
Selon le Conseil, cette application limitée s’explique par le fait que la mesure n’est entrée en vigueur qu’au 1er janvier 2018, à un moment où la concertation sectorielle biennale pour la période 2017-2018 était déjà achevée. Une nouvelle adaptation au 1er janvier 2019 risque d’interférer avec le prochain cycle biennal de concertation sectorielle, qui ne débute que l’année prochaine pour la période 2019-2020.
Le Conseil considère que, lorsqu’elles sont prises au niveau sectoriel, les mesures visant à réduire la charge de travail des travailleurs âgés s’inscrivent dans une vision globale de la politique des fins de carrière. Or, la concertation sociale sectorielle n’a pas encore eu toutes ses chances dans cette matière.
Le Conseil est convaincu que la possibilité d’une concertation individuelle entre le travailleur et l’employeur n’offre pas les garanties d’atteindre l’objectif précité, et ce, certainement à présent que l’âge des emplois de fin de carrière est encore relevé.
Par ailleurs, le Conseil estime que la mesure déplace les conséquences d’une politique active en matière de fins de carrière vers le niveau individuel de l’employeur et du travailleur : d’une part, de l’employeur individuel, étant donné que les coûts salariaux augmentent, et ce, même si l’indemnité est exonérée de cotisations sociales ; d’autre part, du travailleur, qui, par rapport à l’emploi de fin de carrière d’1/5, n’obtient pas d’assimilation pour la pension. En outre, l’indemnité compensatoire nette risque d’être utilisée en tant qu’instrument d’optimisation fiscale.
Finalement, le Conseil souligne qu’en exécution du Pacte de solidarité entre les générations et dans l’optique de décourager une sortie prématurée du marché du travail, les indemnités complémentaires sont freinées par l’imposition d’une cotisation Decava, alors que le présent projet d’arrêté royal encourage précisément les indemnités complémentaires en accordant une exonération de cotisations sociales. La coexistence de ces deux logiques dans un même ordre juridique semble inconciliable.
En conséquence, le Conseil considère qu’il n’est possible d’envisager d’adapter le système qu’après une évaluation approfondie de cette réduction de cotisations, lorsque le système se sera suffisamment implanté par le biais de la concertation sectorielle. Il devra s’agir d’une évaluation approfondie ne portant pas uniquement sur le nombre de travailleurs concernés, mais aussi sur son impact budgétaire et son impact sur la charge de travail et l’allongement de la carrière des travailleurs.
Source : CNT – Conseil National du Travail