Editorial – Inégalités à l’intérieur de nos entreprises et dans le monde du travail… Soyons attentifs à la réalité quotidienne de nos collaborateurs, parfois bien différente de la nôtre…

Une des erreurs à ne pas faire lorsque l’on appartient à la sphère des People Managers * consiste à croire que nos références socio-culturelles et grilles de lecture du quotidien sont celles qui conviennent pour tous les travailleurs. Ce n’est pas le cas. Nos ‘habitudes’ et notre environnement propre nous amènent parfois à occulter la réalité concrète de celles et ceux qui travaillent avec nous, à des niveaux de responsabilité divers. Nombre d’entre nous sommes des privilégiés, dotés d’un cadre de pensée sélectif’ qui n’est pas représentatif de la vie quotidienne de la majorité.

Il est bon de s’en souvenir lorsqu’il s’agit de comprendre pourquoi tel travailleur est démotivé, pourquoi un autre collaborateur est inquiet ou encore pourquoi une équipe peut se montrer réticente au changement… Comment penser et agir afin d’éviter de projeter nos intentions sur des collègues qui ne partagent absolument pas nos schémas de pensée?

Ni sociologues, ni psychologues…

Nous n’avons pas rencontré beaucoup de professionnels RH qui ont suivi (subi ?) un cursus initial en sociologie, et qui disposeraient à ce titre d’une lecture fine des dynamiques actuelles dans notre société. Pourtant, c’est bien là l’enjeu. Il est importantissime de comprendre l’environnement dans lequel nous évoluons si nous voulons comprendre ce qui anime nos travailleurs. C’est une compétence en soi mais rares sont les professionnels RH qui disposent des qualifications requises. Les psys sont nettement plus nombreux dans les communautés des People Managers et mieux équipés pour décoder les pensées profondes et les réflexes de nos semblables. Sans garantie pourtant quant à la pertinence de ce type d’évaluation.
Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas tellement d’une formation approfondie en sociologie ou en psychologie. C’est plutôt d’une éthique de travail qui consiste à ne pas projeter nos standards sur la vie des autres. En soi, ceci est sans doute plus proche de la philosophie, dans le sens où nous devrions rester ‘connectés’ aux attentes et besoins de nos collaborateurs. Et cela participe d’un rapport définitivement ouvert aux autres et à leurs préoccupations.
Développer cette forme de bon sens intrinsèque correspond toutefois à acquérir une compétence nouvelle, qui prévoit que nous commencions par nous libérer des idées reçues et autres préjugés, puis que nous passions en mode ‘vis ma vie’ avec chaque travailleur en quête d’écoute ou d’accompagnement.

Réduire voire corriger les inégalités

Une des problématiques que nous rencontrons par ailleurs dans nos entreprises est la domination générale exercée par le principe de méritocratie. Même s’il ne s’agit pas ici de le remettre en cause, nous pouvons réaliser que, dans le long terme, celui-ci peut créer de véritables fossés entre les travailleurs. C’est le danger de l’individualisation. Non seulement, cela génère de l’égoïsme. Mais aussi, cela renforce les inégalités si nous ne veillons pas à aider les collègues qui souffrent, peu importe que l’origine du ‘mal’ soit privée ou professionnelle.
Au fond, la question qui se pose aux People Managers est peut-être la suivante: pouvons-nous nous satisfaire d’appliquer le principe du « marche ou crève! » dans nos organisations? Cela peut sembler caricatural… Mais les déclarations d’intention en matière d’entraide et de solidarité au sein de nos équipes se heurtent souvent à une réalité moins ‘chaleureuse’… Les situations de vulnérabilité sont nombreuses dans l’entreprise aujourd’hui. Et elles concernent désormais tous les niveaux de responsabilité. L’une des missions clés de la fonction RH consiste d’après nous à assurer une approche collective nettement plus inclusive que celle que nous avons connue jusqu’à présent. Sans cette dimension collective, l’écart va se creuser de manière irrémédiable entre celles et ceux qui réussissent et les autres. Et nous ne pouvons tout simplement pas nous le permettre.

Absorber la misère du monde au risque de s’y noyer?

Nous sommes, toutes et tous et à des degrés divers, des éponges… Question donc : à force d’entendre (et peut-être d’absorber) les complaintes de nos collaborateurs, quel est le risque de s’y perdre? Un être normalement constitué peut difficilement rester de marbre face aux difficultés que rencontrent ceux qui nous entourent. Il est possible de faire face, de tenir le coup en société, voire d’afficher une forme de distance pour se protéger. A terme toutefois, les problèmes – y compris lorsqu’il s’agit de ceux des autres – s’accumulent jusqu’à ce que cela déborde. Faut-il se renoncer alors à les entendre? Non. Faut-il se prémunir en développant une carapace imperméable? L’option que nous retiendrons consiste plutôt à développer un modèle d’intelligence situationnelle digne du caméléon. Être capable d’adopter les références et d’intégrer les problématiques de ses interlocuteurs devrait devenir la ’soft skill’ principale à acquérir d’urgence.

Dans la lignée des paradoxes multiples qui animent notre marché du travail, nous retiendrons celui-ci: dans nos positions managériales, nous sommes à la fois déconnectés de la réalité parfois dure des travailleurs de première ligne et chargés d’assurer l’inclusion et la mixité sociale. Nous savons que cette capacité à intégrer la diversité de notre société dans nos entreprises est un atout considérable. Au-delà, c’est véritablement une responsabilité fondamentale. Ceci étant, confier ce rôle à des dirigeants qui ont parfois perdu le contact avec ce que les travailleurs doivent gérer dans des vies pas forcément joyeuses, certains pourront penser que c’est un combat perdu d’avance… Au contraire, cela nous oblige, à quelque niveau que ce soit, à tendre l’oreille, et parfois même, à tendre la main.

Jean-Paul Erhard

 

* Note pour plus tard : refaire la liste des 7 péchés capitaux RH asap. Qui sait… Cela pourrait rendre service ponctuellement à l’une ou l’autre d’entre nous. Le rendez-vous est pris.

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