Décidément jamais contents! Nos entreprises n’ont jamais autant investi en matière de prévention et de gestion de la santé de leurs collaborateurs. Et des voix s’élèvent pour dénoncer l’instrumentalisation du bien-être par le grand capital, qui ne recule devant aucune contradiction… Et de reprocher aux patrons de s’impliquer dans les questions du capital santé des travailleurs dans une logique de performance durable… N’est-ce pas simplement logique?
Et que répondre à celles et ceux qui contestent une approche intéressée? La réponse que nous voudrions leur donner est simple : ‘Oui, la démarche s’inscrit dans une recherche de rentabilité. Et alors?’
A part développer un sentiment de culpabilité dans le chef des entrepreneurs, voire leur désengagement vis-à-vis du sujet pourtant essentiel du bien-être, à quoi peut bien servir ce procès d’intention? La critique de ce que l’on appelle ‘l’idéologie néolibérale’ et du recours aux ‘nouveaux outils du capitalisme’ (développement de soi, coaching, espaces de relaxation…) est audible et même plutôt saine. Cependant, lorsqu’elle pointe la plupart du temps une tendance à l’individualisation, c’est là qu’elle se trompe sur les intentions de nos entreprises.
Retour sur investissement légitime et normal
La quête de rentabilité de l’investissement en matière de bien-être des travailleurs n’a rien d’inapproprié. C’est le principe même de la bonne gestion. Il aura sans doute fallu du temps pour y arriver mais la réalité du People Management nous montre désormais qu’il ne faut jamais choisir entre la performance et le bien-être. Ce sont les deux faces d’une seule et même pièce.
L’amélioration globale des conditions de travail, dans nos contrées privilégiées, n’est pas contestable. Et la recherche est continue en matière de solutions adaptées visant à garantir l’équilibre – instable, par définition – entre la vie privée et la vie professionnelle. Seuls quelques niais et autres idéologues butés persistent à s’opposer aux motivations sincères des dirigeants et des People Managers en ce qui concerne l’intégrité de leurs collègues.
Quiconque a expérimenté la réalité quotidienne d’une entreprise et de son management peut réaliser à quel point le décrochage d’un collaborateur pour des raisons de santé est vécu comme un échec. Défaut de prévention ou de remédiation, peu importe… La protection du corps social est une priorité, sociale et économique.
Prendre soin de soi, prendre soin des autres
Venons-en à présent à la question sensible de la responsabilité individuelle. La culture de la performance et de la réalisation de soi – soit un des fondements de ce foutu capitalisme – est-elle le moteur de nos organisations? Et nos entreprises sont-elles à l’origine du chacun pour soi ?
La raison pour laquelle la plupart des initiatives sont centrées sur une approche individualisée est double : d’une part, chacun.e est confronté à une situation particulière et, d’autre part, nous touchons rapidement à la sphère de l’intime.
Ceci étant, les stratégies qui sont déployées en matière de bien-être sont plus élaborées que cela. La dimension collective, passant notamment par l’importance et la qualité des relations, est centrale dans la plupart de nos organisations. Bien sûr, le travail sur soi est nécessaire pour comprendre les difficultés auxquelles chacun.e d’entre nous est confronté.e. Et nous savons, par ailleurs, que le développement d’une culture de solidarité, d’entraide et de vigilance mutuelle est indispensable, elle aussi.
Confiance envers l’engagement sincère du management
Il est temps, pour la paix des ménages et de la concertation sociale, que nous puissions toutes et tous faire crédit aux entrepreneurs et managers de leur implication réelle en matière de bien-être.
Sans hypocrisie. Sans naïveté. En veillant à toujours rester positif dans la façon d’appréhender un sujet qui requiert toutes les bonnes volontés du monde…
Nous serions bien inspirés de préserver la capacité d’agir du management sur le terrain du bien-être. Si celui-ci ne s’en préoccupe pas, il fait preuve d’une négligence intolérable. Et lorsqu’il le prend à bras-le-corps, il est coupable de récupération capitaliste! Allons…
Les travailleurs ont besoin d’entreprises et d’employeurs qui prennent des engagements forts. Dont celui qui consiste à investir dans la santé et la sécurité de celles et ceux qui viennent s’inscrire chaque jour dans un projet collectif. Voilà bien un terrain sur lequel le consensus est total. Prendre soin de soi, prendre soin de nos proches. Partout. Tout le temps. Fin de la discussion.
Jean-Paul Erhard