Éditorial – Nos entreprises au cœur d’une société violente: quand la crise et le chaos deviennent la nouvelle normalité.

Vivre ensemble. On a toujours trouvé ce slogan franchement excellent. C’est une parfaite expression de la mission dont s’emparent celles et ceux qui veulent fédérer autour d’un projet commun. C’est aussi la formulation simple de ce qui reste notre principal défi quotidien. Aujourd’hui, une parole, une attitude, un geste peuvent suffire pour heurter les sensibilités d’un groupe de personnes voire de l’ensemble d’une communauté. Nos entreprises aussi sont à fleur de peau. Comment en sommes-nous arrivés à un tel niveau d’hyper-sensibilité ? Et surtout, nos collègues sont-ils préparés à vivre et à travailler ensemble dans cette atmosphère conflictuelle ?

Face à la violence qui caractérise notre société – dans ses relations, ses débats, ses tensions… -, le choix consistant à privilégier le ‘vivre ensemble’ devrait s’imposer. Cela vient d’où, le vivre ensemble? Ce n’est pas le groupe RTL qui l’a imaginé pour séduire ses audiences. A l’origine du ‘concept’ même, qui trouvons-nous? Aristote, un de nos chers philosophes antiques, ceux-là même qui ne nous ont quasiment rien laissé à inventer à part des polémiques.
Déjà, il y avait cette intuition forte – et terriblement actuelle – qu’il faut déployer de grands efforts pour réussir à faire corps, à créer du collectif. Parce que les oppositions et les conflits sont partout, dans la vie quotidienne comme au boulot. Conséquence : il faut se battre à chaque instant. Pour gagner et réussir, bien sûr… Mais aussi pour se défendre contre les agressions qui se multiplient. Pour faire face au monde cruel qui est notre aire de jeu désormais et à la violence ambiante, nous avons besoin de combattants.

Tous les sujets sont sensibles désormais…

Pourquoi donc est-il devenu dangereux de s’exprimer sur quasiment toutes les thématiques? Pourquoi devons-nous développer des trésors d’imagination pour trouver l’argumentation qui conviendra à tout le monde ? Dans la plupart des cas, cela donne des messages ‘tièdes’, ultra convenus qui ne ‘réveillent’ personne. Et à l’inverse, cela génère un clash systématique dès que l’on formule une position forte ou différente.
Pourquoi ? Parce que notre postulat de départ est devenu le rejet de l’autre. ‘Si tu n’es pas d’accord avec moi, tu es un danger et un ennemi potentiel’. Aussi caricatural que cela puisse paraître, c’est là que se trouve l’origine de nos angoisses. Nos interactions sont souvent féroces, malgré le discours général ambiant autour de la bienveillance. Et donc, il n’y a plus d’aire de repos sur le long de la route. Autant le savoir : nous sommes engagés dans un combat continu que ce soit pour faire valoir nos idées ou pour lutter contre les dérives telles que la discrimination, la haine ou l’abus de pouvoir.

Le risque d’anesthésie générale de nos organisations qui nous guette…

Dans l’entreprise, comme dans n’importe quel groupe ou association au fond, ces tensions palpables provoquent l’immobilisme ou le chaos.
Dans le premier cas de figure, il est logique que chaque travailleur, chaque manager, chaque dirigeant prenne ses précautions puisqu’il y a un risque de vexation lors de la moindre décision et/ou intervention. La prudence imposée par les conflits potentiels est de nature à bloquer toute forme d’initiative. Notre rôle consiste donc à revenir sans relâche sur la nécessité de décider et d’agir. C’est à la fois dingue… et indispensable. Remettre nos organisations en mouvement va demander une énergie folle.

Gérer le chaos permanent

A l’autre extrême, nous devons également nous préparer à gérer la succession des crises… Il s’agit peut-être de l’évolution la plus significative à laquelle nous sommes toutes et tous confrontés aujourd’hui : nous venons d’une période où il était ‘acquis’ que le changement serait la seule constante, pour nous diriger désormais vers une nouvelle réalité où c’est la crise qui est installée comme seule (quasi)certitude. Il faut s’accrocher. Nos collègues déjà fragilisés par la fatigue accumulée seront invités à poursuivre le combat afin de trouver les moyens de ‘survivre’ en milieu hostile. Les crises, comme nous le savons, présentent à la fois l’avantage de nous forcer à revenir à l’essentiel et l’inconvénient de générer des dommages collatéraux. Elles confirment aussi le règne prolongé de la logique de compétition alors que nous avions rêvé d’entreprises collaboratives.

Pensons donc à équiper nos collaborateurs afin qu’ils puissent tout simplement faire face, sereinement, au chaos permanent. Former et soutenir des ‘combattants tranquilles’ (on espère que vous aimez les oxymores…) : une mission que nous n’attendions peut-être pas et qui semble s’imposer pour supporter la violence qui s’installe.

Sommes-nous préparés à cela ? Manifestement non. C’est pour cela que nos collègues décrochent les un.e.s après les autres, sous des formes diverses. La crise en mode continu est exténuante. Le chaos – ou a minima, la sensation de chaos parfois – qu’elle provoque nous soumet à rude épreuve. Elle nous contraint aussi à accélérer notre transformation et notre apprentissage. Et la nécessité pour affronter la violence des échanges et faire face au chaos permanent consiste sans doute à transformer nos ‘collaborateurs fragiles’ en ‘combattants tranquilles’.

Jean-Paul Erhard

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