Après une décennie de croissance continue de l’emploi, plus de 1 150 emplois ont été perdus dans le secteur de la chimie et des sciences de la vie l’année dernière. Le chiffre d’affaires, les exportations et les investissements sont également en baisse. Les conflits commerciaux imminents et les tarifs d’importation (le secteur pharmaceutique et chimique représente jusqu’à 66% du total des exportations belges vers les États-Unis) exercent une pression supplémentaire sur la position concurrentielle affaiblie.
La fédération sectorielle essenscia appelle à l’urgence politique et demande des mesures concrètes pour réduire les coûts énergétiques, un nouvel état d’esprit en matière de réglementation et une stratégie industrielle offensive pour attirer davantage d’investissements : « Il faut agir maintenant ».
Le taux d’utilisation de la capacité de production dans le secteur belge de la chimie et des sciences de la vie est déjà inférieur à la moyenne décennale pour le 11e trimestre consécutif. Cette crise dure donc beaucoup plus longtemps que les précédentes. Cela se traduit également dans les chiffres. Le chiffre d’affaires du secteur a déjà subi une forte baisse de 14% en 2023 et continue de baisser de 0,5% pour atteindre 74,9 milliards d’euros. Sur 10 ans, le chiffre d’affaires du secteur a augmenté de 17% en termes nominaux, mais après correction de l’inflation il est en fait en baisse de 11% en termes réels.
Très vulnérable aux conflits commerciaux
Le commerce international est également en perte de vitesse. Au cours des deux dernières années, tant les exportations que les importations ont diminué d’environ 20%. Malgré cela, le secteur chimique et pharmaceutique reste le champion des exportations belges, représentant un tiers du total des exportations belges et une balance commerciale positive de 36 milliards d’euros, structurellement supérieure à la balance commerciale totale de la Belgique. L’Allemagne reste le principal partenaire commercial, mais perd du terrain, avec des exportations en baisse de 8% l’année dernière. Les exportations vers les États-Unis ont augmenté de moitié au cours des cinq dernières années, principalement grâce au secteur pharmaceutique. Le secteur est donc particulièrement vulnérable aux barrières tarifaires et à une éventuelle escalade du commerce mondial.
Première perte d’emploi depuis dix ans
Après une décennie de croissance continue de l’emploi, plus de 1.150 emplois ont été perdus en 2024, ramenant le nombre d’emplois du secteur à un total de 99.009 emplois directs. Les emplois ont été perdus principalement dans les secteurs de la chimie et des matières plastiques, à forte consommation d’énergie. Les entreprises pharmaceutiques ont tout de même enregistré une modeste création de 83 emplois supplémentaires. Malgré les pertes d’emplois, la part du secteur dans l’emploi industriel total s’élève à plus de 20%. Au cours de la dernière décennie, près de 11.000 emplois ont été créés, principalement grâce à la forte croissance du secteur pharmaceutique. Au cours de la même période, l’emploi dans le reste du secteur manufacturier a diminué de près de 10.000 emplois.
Les investissements stagnent, les dépenses de R&D continuent d’augmenter
Les investissements ont également stagné pour la première fois depuis longtemps, avec une baisse annualisée de près de 2% pour atteindre 3,8 milliards d’euros. Cela représente 36,5% de l’ensemble des investissements industriels en Belgique, mais rompt nettement avec le taux de croissance annuel de près de 8% enregistré au cours de la dernière décennie. Il y a aussi des nouvelles positives : sous l’impulsion des secteurs pharmaceutique et biotechnologique, les dépenses en R&D augmentent pour atteindre le chiffre record de 6,8 milliards d’euros. Cela plaide en faveur de la poursuite du renforcement des mesures de soutien à l’innovation à différents niveaux politiques.
La confiance des entreprises reste particulièrement faible
Cependant, la confiance des entreprises dans le secteur reste historiquement basse. Les coûts de l’énergie constituent le plus grand casse-tête. Les prix du gaz en Europe sont encore 3,5 fois plus élevés qu’aux États-Unis, ce qui représente un surcoût annuel de plusieurs dizaines de millions d’euros en fonction du profil de consommation. Il faut également tenir compte de la domination croissante de la Chine dans l’industrie chimique. La capacité de production chinoise de six composants essentiels, tels que l’éthylène ou le propylène, a augmenté de 72% depuis 2020. Par rapport à 2000, elle est même multipliée par un facteur de 14. Les conflits commerciaux en cours menacent également de détériorer davantage l’environnement économique et de remodeler fondamentalement le commerce mondial globalisé.
Jan Remeysen, président essenscia et CEO BASF Anvers : « Ces chiffres économiques annuels n’incitent certainement pas à l’optimisme, mais ils ne doivent pas non plus nous plonger dans la pessimisme. Nous devons surtout les utiliser comme un levier pour créer une urgence politique. Il est temps de passer de l’élaboration de plans d’action remplis de bonnes intentions à des mesures politiques efficaces ayant un impact direct sur l’amélioration de la compétitivité. L’accent doit être mis sur la réduction des coûts de l’énergie, un changement de mentalité en matière de réglementation et un climat d’investissement plus favorable. Les problèmes liés aux permis et la forte augmentation des coûts salariaux et énergétiques mettent à mal notre réputation internationale en tant que lieu d’investissement privilégié pour la chimie et les sciences de la vie. Les investisseurs ont besoin d’un signal montrant que notre pays joue pleinement la carte de l’industrie à tous les niveaux politiques. »
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia: « La position concurrentielle de l’industrie européenne est soumise à de fortes pressions et l’industrie belge de la chimie et des sciences de la vie en subit également les coups. Pourtant, d’un point de vue relatif, nous résistons un peu mieux que la plupart de nos pays voisins. L’industrie pharmaceutique, en particulier, reste forte, mais elle est confrontée à une incertitude croissante en raison des tensions géopolitiques dans le commerce mondial. Une accélération et une concrétisation de la politique industrielle sont nécessaires, car entre-temps, plus de 40 % de la valeur ajoutée du secteur est consacrée à des coûts énergétiques élevés et à un alourdissement du coût de la réglementation. La maîtrise de ces coûts devrait être la première priorité politique, par exemple par une réduction immédiate des tarifs de transmission pour l’industrie. »
Source: Essenscia