« Le privé, avec son libre marché, sa concurrence et sa chasse au profit, doit en être tenu à l’écart. » Il n’y a généralement pas de nuance dans les prises de position affichées par le PTB (Parti Travailliste Belge) qui rencontre un engouement certain au sud du pays. La lecture du mensuel partisan, Solidaire, présente un regard tranché sur l’évolution du secteur non-marchand. Autant savoir…
Le PTB défend résolument le maintien des soins, du bien-être et de la culture dans des mains publiques, et leur financement par des deniers publics.
Dans l’édition de juin de sa publication, Solidaire, le parti travailliste allume les mesures gouvernementales : « le secteur du non-marchand est particulièrement mis à mal. L’austérité et la poussée vers les privatisations mettent la santé publique en danger. Des soins de qualité, durables et financièrement accessibles sont pourtant trop précieux que pour les laisser au privé. En mars, plus de 15 000 manifestants du non-marchand défilaient dans les rues de Bruxelles, au moment où un nouvel accord social pour les cinq années à venir allait être négocié. Les travailleurs et leurs syndicats réclament plus de salaire et plus d’embauches. Depuis des années, les travailleurs du non-marchand ne reçoivent plus d’augmentations salariales significatives et, en raison du sous-financement, le manque de personnel est de plus en plus alarmant, entraînant ainsi une pression croissante du travail. »
« Le secteur protestait également contre les plans de la ministre fédérale de la Santé publique Maggie De Block (Open Vld) qui veut supprimer les jours de congé – ou de réduction du temps de travail – dont bénéficient les gens de plus de 45 ans. Début 2000, en échange de l’octroi de ces jours de congé supplémentaires, le secteur avait laissé tomber une augmentation salariale. Tout le monde connaît les histoires révoltantes des maisons de repos où le coût des trois repas quotidiens ne peut dépasser trois euros par personne. Où les histoires sur la réutilisation des langes afin de comprimer les coûts dans les institutions de soins privées. En Flandre, quelque 15 000 personnes nécessitant beaucoup de soins occupent des lits sous-financés, avec un personnel soignant qui s’excuse en permanence parce qu’il a à peine le temps de dispenser les soins les plus nécessaires. Des personnes âgées sont parfois confinées 18 heures durant dans leur lit parce que les équipes manquent d’effectifs. »
Sortir de l’impasse de la concertation sociale.
Le PTB affirme que le gouvernement rejette les revendications des travailleurs et de leurs syndicats en faveur de moyens publics supplémentaires. « La concertation sociale sur ce nouvel accord est dans l’impasse. Les négociations initiées en janvier n’ont pas encore progressé d’un millimètre. C’est le début d’un long combat. En juin, une nouvelle journée nationale d’action est prévue. Lors de son contrôle budgétaire, le gouvernement vient de libérer 15 millions d’euros, juste avant les négociations. Combien de nouvelles embauches cela représente-t-il ? Ou d’augmentation salariale ? Avec 15 millions, ont peut embaucher 375 nouvelles personnes. Alors qu’aujourd’hui, rien que dans les soins aux handicapés, il manque 2 000 personnes… »
« La réalité est que les gouvernements de notre pays ne veulent pas libérer de moyens pour le non-marchand. Depuis des années, les gouvernements successifs s’activent à transférer leur mission sociale vers le privé, vers le marché. Soins, bien-être et culture ne sont pas à leur place dans la logique libérale. Les dépenses publiques qui ne rapportent pas aux millionnaires, aux banquiers et aux multinationales doivent être supprimées. On appelle cela « dégraisser l’État ». C’est un processus qui dure depuis des années déjà. Le budget du non-marchand n’a plus été indexé à plusieurs reprises, malgré les besoins croissants. De plus en plus, les autorités font appel au privé pour financer les besoins du non-marchand. »
La ruée vers le privé.
Et il énumère les exemples de ‘privatisation’ larvée ainsi que leurs impacts sur la qualité des prestations. « Les grandes multinationales et les entreprises belges se ruent sur les soins. Prenons Orpea (une multinationale française) et son homologue belge Armonea (aux mains d’AB InBev et de la famille de Spoelberch). Cela aboutit à des soins à deux vitesses. D’un côté, vous avez des institutions pour les travailleurs, de l’autre, des institutions pour les riches. Le seul hôtel cinq étoiles d’Anvers a été racheté par Orpea, qui en a fait une maison de repos. Avec des prix de plus de 3 000 euros par mois. Mais on y est toutefois soigné par un personnel avec des gants blancs. De même, les tâches socioculturelles sont de plus en plus « soumissionnées », sous-traitées via des appels d’offres. Tout le monde peut participer à ces appels d’offres : celui qui propose le prix le plus bas se voit accorder la mission. Les autorités communales d’Anvers, sous la direction de la N-VA, ont octroyé l’accueil des sans-logis à la firme de surveillance G4S. Le centre de psychiatrie médico-légale d’Anvers a été confié à Sodexo. »
« Avec ces appels d’offres, les soins sociaux sont à la merci du privé. C’est une menace pour la qualité des soins. Une antenne pour les sans-logis se construit sur la confiance ; comment peut-on faire rimer cela avec des appels d’offres, ce qui implique que, tous les trois ans, une autre entreprise pourra prendre le relais dans l’organisation des soins ? »
Visions sociétales opposées
L’analyse des évolutions du marché portée par le parti d’extrême gauche se poursuit en évoquant le financement personnalisé ainsi que le recours aux concepteurs de projets en vue d’élaborer de nouvelles infrastructures de soins. Ce sont au final deux visions de société qui s’opposent.
« Dans toute cette histoire, deux visions concernant les soins, le bien-être et la culture s’opposent. D’une part, la vision de l’argent, de la concurrence, de la marchandisation, de la privatisation et de la commercialisation. La vision d’une société où l’on investit en % et où le profit est considéré comme ce qu’il y a de meilleur. D’autre part, la vision d’une société solidaire, avec de puissants leviers structurels comme les soins, le bien-être, la culture, l’enseignement, les transports publics… accessibles à tous. Qui ne font aucune distinction en fonction de l’épaisseur du portefeuille de l’usager. Ces leviers renforcent la cohésion sociale de la société.
Certains partis de « gauche » ne voient aucun inconvénient à faire appel au privé pour les soins de santé. Groen déclare que « l’État doit veiller à la qualité des soins en imposant des normes. Qu’importe qu’il s’agisse du public ou du privé ? » Le PS et le sp.a avaient déjà entamé la marchandisation des soins de santé. En 2013, le gouvernement Di Rupo approuvait la cession du Centre psychiatrique médico-légal de Gand à Sodexo. »
Source : Solidaire.org