La Belgique comptera bientôt un demi-million de malades de longue durée. Les deux causes principales des trajets de réintégration sont les problèmes en lien avec le système locomoteur (bas du dos, épaules, cou, etc.) et les problèmes psychologiques. Pourtant, seuls deux tiers des trajets de réintégration y sont liés. Selon les chiffres du Service Externe de Prévention et de Protection au Travail Mensura, en 2021 aussi, près de la moitié des trajets de réintégration (48,15 %) ont débouché sur une déclaration d’incapacité médicale de la part du travailleur. Le reclassement externe forcé reste souvent lettre morte pour les trajets de réintégration réclamés par l’employeur qui mènent à une incapacité médicale.
« L’an dernier, nous avons ouvert en tout et pour tout un seul dossier », déclare Louis Kemps, PDG de l’agence d’intérim ITZU. Mensura et ITZU demandent que l’évaluation de la réintégration soit davantage axée sur les possibilités restantes et que le caractère non contraignant de l’offre de reclassement soit ajusté.
À partir de l’analyse de 6 434 trajets de réintégration en 2021, Mensura constate le maintien des tendances suivantes : « Pour les cinq dernières années, on remarque une diminution considérable, mais l’incapacité médicale reste le verdict de près de la moitié des trajets de réintégration (48,15 %) », explique Dr Gretel Schrijvers, directrice générale de Mensura. « Nous constatons une tendance inverse chez les travailleurs qui peuvent reprendre leur ancienne fonction, mais ne sont pas en mesure d’en occuper une autre durant leur période de convalescence. En 2017, ce chiffre était toujours de 4,43 %, l’an dernier, il atteignait 15,6 %. La pandémie n’a – jusqu’à présent – pas eu d’influence visible sur l’évolution des chiffres. »
Le nombre total des décisions aboutissant à une incapacité médicale reste élevé, mais derrière ce phénomène se jouent souvent des raisons qui ne sont pas purement médicales. Selon Dr Schrijvers : « Les chiffres actuels prennent aussi en compte les travailleurs qui ne sont plus actifs depuis des années et n’ont plus de lien avec l’employeur. Ils reçoivent une allocation de la mutuelle, ce qui, par définition, ne change pas à la fin d’un trajet de réintégration. Même quand un travailleur est à nouveau jugé apte au travail, l’employeur doit établir un plan pour permettre son retour. Dans le même temps, l’accord du travailleur est nécessaire. Dans les situations conflictuelles sur le lieu de travail, cela n’arrive pas toujours. »
Insuffisance de la réglementation sur le reclassement externe
Pour Louis Kemps, PDG d’ITZU, l’approche actuelle pour soutenir les travailleurs en incapacité médicale est insuffisante. « Depuis le 7 avril 2019, tout employeur qui lance un trajet de réintégration débouchant sur une incapacité médicale est obligé de proposer au travailleur malade de longue durée un trajet de reclassement externe. Les coûts sont à charge de l’employeur et le travailleur est libre d’accepter cette offre ou non. Dans les faits, ce trajet est rarement utilisé. Dans certains cas, le travailleur peut avoir trouvé un nouvel emploi par lui-même, mais il est clair que la législation est bien trop peu contraignante. En 2021, moins de 2 % des accompagnements de reclassement externe proposés ont été mis en place. Malgré de bonnes intentions, cette mesure n’est qu’une coquille vide. »
Louis Kemps affirme que pour pouvoir financer ce système, les mesures actives ne peuvent pas être facultatives. « Avec une obligation, on élimine le point critique de démarrage de l’accompagnement. »
D’après les taux de satisfaction en matière de reclassement externe, 95 % des travailleurs sont satisfaits de l’accompagnement. Le reclassement externe peut donc contribuer à une diminution efficace et qualitative du nombre de malades de longue durée. En collaboration avec le service de prévention externe, notre secteur peut contribuer de façon importante au maintien de la finançabilité de la sécurité sociale.
Comment faire évoluer cela ? Louis Kemps : « À cause du caractère optionnel de la mesure de reclassement externe, l’incapacité médicale devient en pratique un point final plutôt qu’un point de départ pour un changement de carrière. Chaque année, entre 15 et 20 000 travailleurs disparaissent du marché, car leur contrat de travail est interrompu pour des raisons médicales. Notre société peut-elle tolérer cela ? Le travail permet de donner du sens et d’accéder à des contacts sociaux. Quiconque peut fournir un travail utile en bonne santé doit être aidé de la meilleure manière possible. Et si un petit coup de pouce est nécessaire, nous devons le donner. »
Prévention et contact rapide avec le médecin du travail
L’accord du gouvernement fédéral ambitionne d’atteindre pour 2030 un taux d’emploi de 80 %. Dans ce contexte, Mensura insiste sur l’importance de se concentrer sur la prévention. Dans l’idéal, les problèmes psychologiques et du système locomoteur peuvent être évités. Et s’ils surviennent malgré tout, une détection rapide peut empêcher qu’ils dégénèrent. « La formation et la sensibilisation sont ici les mots clés. Dans les questions psychosociales, un tabou entre encore souvent en jeu : nous n’admettons pas facilement nos faiblesses et nous pensons tout devoir résoudre nous-mêmes », explique Dr Gretel Schrijvers.
Si un problème de longue durée survient quand même, alors le service externe propose un contact le plus rapide possible avec le médecin du travail. « Les chances de réintégration diminuent progressivement avec le temps. Aujourd’hui, l’employeur ne peut lancer ces trajets qu’après quatre mois. Le travailleur, lui, peut déjà demander un trajet de réintégration après un jour et le médecin-conseil de la mutuelle après deux mois. Pourtant, dans près de la moitié des cas, c’est l’employeur qui lance le trajet de réintégration. Nous plaidons pour qu’un contact avec le médecin ou l’infirmier du travail soit prévu après quatre semaines de maladie. »
« La législation sur la réintégration comporte beaucoup de bons éléments, mais – tout comme la réglementation sur le reclassement externe – elle a besoin d’être révisée ou affinée », précise Dr Gretel Schrijvers. « Plutôt que de laisser les médecins du travail déterminer ce qu’un travailleur ne peut plus faire, nous devrions nous préoccuper de ce qu’il peut toujours faire. »