Editorial – « Au secours ! Y’a trop de monde au bureau, j’arrive pas à bosser… » (ou de l’urgence à retrouver rapido le goût de l’effort collectif).

Trop de bruit… Trop de mouvement… Trop de gens… Nos travailleurs se plaignent des interférences qui viennent entraver leur travail quotidien lorsqu’ils sont amenés à se retrouver dans les quatre murs du bureau. Que se passe-t-il? La configuration de nos espaces de travail nuit-elle gravement à leur efficacité et à la bonne exécution de leurs tâches quotidiennes? Ou ont-ils tout simplement perdu l’habitude d’évoluer dans un environnement où il arrive que des collègues viennent les interrompre régulièrement? Il semblerait que les traces laissées par la pandémie et l’adoption de nouvelles méthodes de travail soient plus profondes que nous ne le pensions. On décode cela ensemble?

La collaboration est difficile. Nous avons, pour bon nombre d’entre nous et par moments sans doute, apprécié le confort et la quiétude du travail à distance, protégés de la sur-sollicitation par autrui dans un environnement de travail partagé. C’est ce qui rend le retour au bureau souvent compliqué, parfois insupportable. La tension monte souvent dans les open spaces ou dans les couloirs. Voici trois raisons – parmi d’autres – pour lesquelles la cohabitation tend à devenir un défi en soi.

Cruelle diminution de notre capacité de concentration
Le (retour au) bureau perçu comme un lieu et un moment de convivialité? D’accord, mais… Nous avons développé des habitudes de communication ‘isolées’ qui cadrent mal avec la vie commune au sein d’un même espace. Les notifications des messageries instantanées, des réunions planifiées et des réseaux sociaux ont remplacé définitivement les appels téléphoniques qui pouvaient tomber lorsque nous sommes en train de travailler. Elles sont nettement plus nombreuses et semblent toutes exiger une réponse immédiate (ce qui n’est évidemment pas le cas). Cette dictature de l’instantané a un impact direct sur notre aptitude à ‘rester focus’ plus de quelques minutes sur une tâche voire sur un sujet. Ainsi, de façon plus ou moins volontaire selon les cas, nous sommes toutes et tous devenus des surfers qui passent d’une vague à l’autre sans jamais vraiment plonger dans le fond d’un dossier. Certains s’en sortent très bien, d’autres font illusion (pendant combien de temps) et les derniers souffrent atrocement dans ce zapping professionnel continu.

Un réflexe d’auto-défense face à l’épuisement professionnel
Dans le contexte actuel, plaçant le bien-être et la gestion de l’intégrité physique et mentale de nos collaborateurs au premier rang des priorités, les irruptions soudaines dans notre ‘espace professionnel vital’ sont perçues comme autant d’agressions. A minima, il s’agit d’un manque de respect élémentaire.
Celles et ceux qui dénoncent les perturbations multiples auxquelles elles/ils sont confrontés manifestent un réel agacement. « Comment est-il possible que mon travail soit si peu reconnu que les uns et les autres se sentent autorisés à polluer ma réflexion sans même prévenir? »
Tous témoignent en tout cas de la forte et indéniable augmentation du risque d’épuisement professionnel que nous aurons à gérer au cours des moins qui viennent. Nous sommes loin aujourd’hui de la quête de convivialité et de lien social que nous mettions en évidence lorsque la pandémie et les confinements tiraient en longueur. Le réflexe de repli sur soi (et de protection vis-à-vis des éléments extérieurs) est solidement ancré dans notre gestion du temps de travail.

Retrouver le goût de l’effort collectif
Dans nos bulles respectives – que celles-ci soient localisées à la maison ou dans quelque tiers lieu susceptible de nous accueillir -, nous avons ‘grâce à la pandémie’ pu consacrer l’énergie nécessaire à l’atteinte de nos objectifs dans une période de crise.
Il a fallu serrer les coudes. C’est ce que nous avons fait.
Il a fallu se réinventer pour s’adapter à de nouveaux modes de travail. C’est ce que nous avons fait…
Il a fallu trouver d’autres moyens de rester connectés aux collègues désormais lointains. C’est ce que… (hésitation…) Non. Sincèrement, nous n’y sommes pas. Au contraire, nous pensons que l’égoïsme est un des grands vainqueurs de la transformation de nos habitudes contrainte par le covid.

Faut-il mettre en place de nouveaux codes pour interagir sur le lieu de travail? Devrions-nous planifier les plages d’échange à la minute afin de préserver les phases de concentration intense? L’espace/temps consacré au travail devrait-il être segmenté afin que les instants dédiés au collectif et ceux consacrés à soi-même soient clairement définis? Peut-être… Et cela pourrait intensifier le recours fréquent aux experts et méthodes éprouvées en matière d’efficacité personnelle. Les Marie Kondo du temps de travail vont sans doute se multiplier rapidement.

Le remède profond est ailleurs cependant. Nous avons besoin de retrouver rapidement le sens de l’effort collectif, en reconsidérant l’intérêt de celui-ci ainsi que la valeur (les valeurs?) que nous offrent les moments de partage. Offrir une place de choix à la disponibilité et à la générosité dans notre rapport aux autres ne reste-t-il pas la meilleure solution?

Jean-Paul Erhard

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