Editorial – Vivre avec peu. Travailler avec peu. La frugalité est-elle une bonne option pour aider nos collaborateurs à gérer l’incertitude?

La radinerie fonctionne. Elle est rentable. Nous avons des exemples d’entreprises et de groupes (souvent familiaux) qui ont érigé la stricte maîtrise des dépenses au rang de principe élémentaire de gestion. Dans ces organisations, les équipes apprennent à décider en fonction des ressources disponibles, à ne pas croire aveuglément aux modèles théoriques qui ne garantissent in fine aucun résultat et à prendre des risques uniquement lorsqu’ils sont calculés. Dans un monde qui bouge (vite) où la compétition est ouverte sur tous les fronts, la frugalité est-elle un frein au développement ou un choix stratégique salvateur? Et comment fonctionne-t-elle sur le plan de la motivation de nos collègues?

Notre économie est parfois décevante, notamment lorsque des projets dans lesquels nous avons cru se plantent lamentablement. Elle est aussi captivante tant elle offre une diversité de modèles quasi inépuisable. D’un côté, nous avons des start-ups qui crament plusieurs millions d’euros alloués par des investisseurs en quête de sensations et de l’autre, des entreprises qui (sur)vivent avec des moyens limités et peinent à attirer et retenir des talents forts malgré les enjeux essentiels qu’elles s’efforcent de rencontrer. Et au milieu de tout cela, nous avons des travailleurs qui se demandent quel est le modèle pertinent… Essayons de voir aujourd’hui si la gestion frugale peut répondre à leurs attentes.

Question ouverte sur notre rapport à l’argent…

Il y a une confusion fréquente entre la frugalité et la décroissance. Gérer de manière économe les moyens dont nous disposons dans l’entreprise ne signifie pas que les robinets sont fermés. Mettre le focus sur la limitation des dépenses est généralement interprété par les équipes comme l’entrée morose dans une période de vaches maigres. Ce n’est pas cela, la frugalité. Il s’agit d’un état d’esprit partagé par l’ensemble des troupes, et celui-ci tient davantage de la performance que de la décroissance. Il y a deux conditions préalables à remplir pour réussir. La première consiste à vérifier que nos collègues entretiennent un rapport sain à l’argent, ce qui reste assez facile à détecter lors du recrutement voire ultérieurement. La seconde est plus difficile à remplir : il faut en effet que nous ayons réussi à installer dans les esprits que chaque collaborateur gère son ‘budget’, et de manière générale toutes les ‘ressources’ qui lui sont allouées, comme s’il s’agissait de son propre argent ! Une évidence lorsque l’on appartient à une entreprise familiale. Un véritable exploit lorsque la distance entre le collaborateur lambda et le propriétaire de la boîte se compte en années-lumière…

Le risque de ne pas investir suffisamment au moment voulu.

L’éradication des dépenses inutiles ou inconsidérées est nécessaire aujourd’hui pour que nos entreprises retrouvent quelque avantage concurrentiel. Compte tenu de nos structures de coûts comparées à celles de la concurrence internationale, c’est par l’efficacité et par l’excellence de notre gestion que nous pouvons faire la différence. Cet état d’esprit ‘frugal’ s’impose donc.
Attention cependant… Il a également pour vocation de nous mettre en capacité d’investir puissamment lorsque les opportunités se présentent, avec une priorité évidente pour l’investissement sur les ressources existantes, à commencer par le développement des équipes et des collaborateurs. Evitons de nous cantonner aux ‘réflexes défensifs’… La frugalité peut (doit) en effet nous aider à poser les meilleurs choix lorsqu’il s’agit de se déployer, en mettant naturellement l’accent sur ‘l’interne’. Nous savons d’expérience que de nombreux trésors se ‘cachent’ dans nos armoires. Il suffit souvent de peu de choses pour qu’ils brillent à nouveau.

Vraiment besoin des signes extérieurs de richesse ?

Enfin, la maîtrise des dépenses exige que nous puissions nous libérer de l’orgueil et de bon nombre d’attributs réputés nécessaires pour afficher la réussite de l’entreprise.
Nous voulons bien sûr affirmer par là notre engagement en matière de durabilité. Mais il y a aussi une volonté de renoncer à l’expression du pouvoir et de l’ego. Demain, serons-nous alors toutes et tous des moines ayant fait vœu d’abstinence? Certainement pas. Si c’était le cas, nous devrions évacuer toute notion de plaisir associé à la réussite de nos projets et aux moyens divers et variés de la célébrer. Soyons raisonnables cependant : les dépenses excessives sont souvent l’expression d’un ennui profond ou d’un manque de compétences propres. Les entreprises qui placent l’économie des moyens au centre de leur stratégie parient résolument sur la créativité et les contraintes qui la stimulent.

Prôner un rapport maîtrisé à la consommation, refuser de céder aux sirènes du bling bling… Il n’y a aucun doute: l’approche frugale est bien dans l’air du temps. Comment la rendre plus populaire et veiller à la dissocier des principes de privation et de modération (salariale, entre autres) qui pèsent lourdement sur la motivation des troupes?
En confirmant chaque jour notre confiance envers les personnes qui composent l’entreprise aujourd’hui et envers leurs capacités à dépasser les limites des pratiques traditionnelles. Mais aussi, en partageant les fruits du succès lorsque l’heure de la récolte a sonné. S’engager à vivre et travailler avec des moyens limités devient très acceptable dès lors que les bénéfices de ces efforts sont partagés. Simple question de cohérence.

Jean-Paul Erhard

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