Après une décennie de croissance, le secteur biopharma-chimie temporise ses perspectives de recrutement et appelle à une politique industrielle volontariste. Il reste en effet toujours près de 2.000 emplois à pourvoir malgré un contexte incertain.
Représentant à lui seul près d’un quart de l’emploi manufacturier en Wallonie, le secteur de la chimie et des sciences de la vie a créé pas moins de 4500 emplois en l’espace de dix ans (2013-2023). Avec des chiffres pratiquement identiques en 2023 et 2024, l’emploi a atteint un palier après une décennie de croissance continue.
D’après le Baromètre de l’emploi mené par essenscia auprès de ses entreprises, l’année 2025 s’inscrirait dans la continuité avec un peu moins de 2000 emplois à pourvoir sur l’année. Les prévisions 2026 s’annoncent quant à elles plus frileuses en raison du contexte économique et géopolitique incertain, avec 25% d’offres d’emploi en moins par rapport à 2025. L’urgence d’une politique industrielle garantissant la compétitivité de nos entreprises n’est plus une question de rhétorique.
En 2024, les entreprises wallonnes du secteur de la chimie et du pharma employaient 30.367 personnes, auxquelles s’ajoutent 2,5 emplois indirects par emploi direct créé. Après une croissance continue observée entre 2013 et 2023 (+17%), l’emploi affiche en 2024 un statu quo pour la première fois en dix ans.
2024 et 2025, des crus classiques
Selon les résultats du baromètre de l’emploi mené par essenscia auprès de ses membres, les entreprises du secteur interrogées ont pourvu un peu plus de 2100 emplois en 2024, dépassant même légèrement les prévisions initiales. Parmi elles, près de 8 personnes sur 10 (78%) ont été engagées pour travailler dans le secteur biopharma ; le restant dans le secteur de la chimie et des matières plastiques.
Pour l’année en cours, les entreprises affichent des intentions de recrutement dans la lignée des années précédentes, avec un peu moins de 2000 jobs ouverts en 2025 (1.941), dont 80 % en pharma. Plus de la moitié d’entre eux concernent des métiers liés à la production (51%), largement devant le contrôle qualité (14%), la maintenance (8%), le QA/ Affaires réglementaires (6%) et la R&D (6%).
Au niveau de la qualification des profils recherchés, les résultats marquent une progression de la demande en bacheliers (40%) et en personnes dotées d’un certificat de l’enseignement secondaire supérieur CESS (33%). Viennent ensuite les niveaux de diplôme supérieurs de longue durée : master, ingénieur et doctorat (27%). Enfin, une offre d’emploi sur cinq ne requiert aucune expérience préalable, ce qui confirme l’accessibilité de nombreux postes ouverts, en particulier dans les métiers de la production.
Projections 2026 en baisse de 25% dans un contexte d’incertitudes
Si l’année 2025 ne semble pas indiquer de changement majeur dans les politiques d’embauche des entreprises du secteur, la température semble davantage tempérée pour l’année 2026. Si les prévisions de recrutement restent importantes, elles accusent néanmoins une baisse de 25% par rapport aux moyennes des précédentes années avec 1458 postes ouverts contre 1941 en 2025, tout en conservant une répartition sectorielle identique : 80% de jobs en pharma contre 20% en chimie. Sans surprise, les entreprises expliquent établir des scénarios prudents en raison des incertitudes géopolitiques qui prédominent et rendent les projections plus complexes. Elles citent également le ralentissement économique et l’arrêt de certaines activités, ainsi que les tensions sur les coûts de l’énergie et du travail.
Frédéric Druck, directeur d’essenscia wallonie-bruxelles : « Ce baromètre destiné à prendre la température du côté des entreprises démontre une nouvelle fois la force motrice du secteur du pharma et de la chimie dans l’économie belge et wallonne. Mais pour la première fois, il dévoile également des prévisions plus frileuses qu’à l’accoutumée. Après une décennie de croissance continue, et une vague importante d’investissements récents sur de nombreux sites de production et de logistique dans notre secteur, nous sommes arrivés à un palier dont il faut se préoccuper. Nos entreprises restent des employeurs dynamiques en Wallonie et à Bruxelles, mais elles abordent l’avenir avec prudence. Les incertitudes liées au contexte géopolitique actuel pèsent sur leurs projections et affaiblissent notre position concurrentielle face à des acteurs émergents comme la Chine ou plus protectionnistes comme les Etats-Unis.
Si nous voulons préserver une dynamique de créations d’emplois en Wallonie et en Belgique et maintenir notre leadership européen et mondial dans ces secteurs, il faut permettre à nos sites industriels de rester compétitifs avec la mise en œuvre concrète et urgente d’une politique industrielle régionale, fédérale et européenne volontariste, en ce compris le maintien en l’état des incitants fiscaux belges pour continuer d’attirer des projets de recherche et d’innovation sur notre territoire »
Rose-May Delrue, Talent Advisor chez essenscia wallonie-bruxelles: “Les résultats de notre baromètre emploi montre que les besoins du secteur en matière de talents restent élevés et que les profils recherchés et souvent difficiles à trouver concernent en grande majorité les métiers de production, qui ne nécessitent pas toujours d’expérience professionnelle préalable ou de diplôme universitaire. Talents et compétitivité vont de pair, en particulier dans le contexte économique actuel. Il est donc essentiel de promouvoir ce secteur auprès des jeunes et des demandeurs d’emploi, notamment via la promotion des filières STEM, l’intégration accrue de la réalité industrielle dans les cursus, et le développement de l’alternance et des stages en entreprise. »
Menée chaque année par essenscia auprès de ses membres pour connaitre leurs perspectives de recrutement, l’enquête Baromètre de l’Emploi 2025 a récolté les données d’entreprises représentant 66% de l’emploi du secteur. Le nombre réel de postes vacants dans le secteur est donc probablement encore plus élevé que les résultats.
Source: Essenscia