La réunion des ministres du Travail des pays membres de l’Union Européenne s’annonce compliquée. Lors des derniers échanges sur le sujet délicat du détachement des travailleurs, la France et l’Allemagne ont durci leurs positions sur la réforme des règles européennes au risque de braquer les pays de l’Est.
Encadré par une directive européenne datant de 1996, le détachement permet à une entreprise de l’UE d’envoyer temporairement en mission dans d’autres pays de l’Union ses salariés en payant les cotisations sociales dans le pays d’origine. Or, ce système est accusé d’encourager le « dumping social » entre entreprises. En mars 2016, la Commission européenne avait par conséquent proposé de réformer les règles, jugées d’autant plus obsolètes qu’elles avaient été formulées huit ans avant l’élargissement à l’Est de l’UE de 2004. Cette proposition de révision a dès le départ rencontré une forte résistance de 10 pays est-européens.
Le nouveau projet de l’exécutif européen prévoit d’aligner les rémunérations des travailleurs détachés -souvent employés dans le bâtiment, les abattoirs et les travaux agricoles- sur ceux de la main-d’oeuvre locale.
Alors que la directive de 1996 obligeait simplement les employeurs à leur verser le salaire minimum du pays où ils exercent, le texte de 2016 dispose qu’ils doivent toucher les mêmes avantages que leurs collègues du pays d’accueil, tels que le treizième mois, les primes de Noël, etc. La Commission prévoit aussi de limiter à deux ans leurs missions.
Limiter dans le temps.
Mais, pour la France et l’Allemagne, ce projet ne va pas assez loin. Paris plaide désormais pour limiter le détachement à un an. Paris veut également voir clairement affirmer que les nouvelles règles s’appliqueront au transport, et notamment au transport routier. La France soutient aussi les propositions de Malte de préciser que les frais de logement, nourriture et transport ne soient pas inclus dans la rémunération, afin d’éviter la pratique abusive de certains patrons de déduire ces dépenses de la paye de leurs salariés.
La perspective d’un accord entre les 28 ministres du Travail de l’UE a donc été reportée à leur prochaine réunion, prévue ce lundi 23 octobre. « Il y a de nouvelles propositions sur la table et il faut donc en parler. J’ai néanmoins confiance de trouver une majorité dans les mois qui viennent et d’avoir un accord à l’automne« , a déclaré la commissaire européenne, la Belge Marianne Thyssen, chargée de l’Emploi, en arrivant à Luxembourg.
Pour la Belgique (3e pays d’accueil des travailleurs détachés, c’est très important d’avoir un compromis« , déclarait le ministre belge du Travail Kris Peeters en juin dernier. Il expliquait craindre une « situation explosive » vis-à-vis des pays de l’Est après le durcissement des positions françaises. Or les 27 de l’UE ont besoin d’être unis à l’approche du début des négociations sur le Brexit avec le Royaume Uni.
En parallèle au conseil des ministres européens, la réforme de cette directive est discutée au Parlement européen. Pour être adoptée, avec d’éventuels amendements, elle devra recevoir le feu vert de ces deux institutions.
La France espère rallier cette fois une majorité à ses propositions le 23 octobre malgré les réticences de nombreux pays d’Europe de l’Est. «Je fais tout ce que je peux pour rendre possible un accord au prochain Conseil des ministres européens du Travail», le 23 octobre à Luxembourg, «et je pense qu’avec la bonne volonté de toutes les parties nous pourrons y arriver», a expliqué la commissaire belge Marianne Thyssen au cours d’une conférence de presse à Bruxelles.
Mme Thyssen a par ailleurs précisé que l’exécutif européen ferait au premier semestre 2018 des propositions concrètes pour créer une Autorité européenne du Travail, qui sera notamment chargée de mieux contrôler les conditions de mobilité des travailleurs, et donc du détachement. Une idée évoquée pour la première fois le 13 septembre dernier par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de son discours-programme sur l’état de l’Union européenne. « Il est absurde qu’il y ait une autorité bancaire qui veille à ce que les normes bancaires soient respectées (dans l’UE), mais qu’il n’y ait pas d’autorité commune du marché de l’emploi assurant la justice sur le marché intérieur. Nous la créerons », avait indiqué M. Juncker.
Source : RTBF – Libération