Dans le cadre de son cycle sur les fondements du leadership libérateur, PhiloMa a invité Max Meulemans, spécialiste belge de la spirale dynamique, à approfondir les apports de la spirale dynamique à la gestion du changement et à la transformation des pratiques managériales dans les organisations.
Les origines de la théorie se trouvent au début des années 50, lors d’un cours d’introduction à la psychologie, Clarence W. Graves, professeur à l’Union Collège de New York, est embarrassé d’être incapable de répondre à une question de ses étudiants : « Quelle théorie psychologique de la nature humaine est-elle la meilleure, puisqu’elles contiennent toutes, selon Graves lui-même, des éléments de vérité ? ». Cet embarras l’entraine à consacrer les 35 ans qui suivent, jusqu’à sa mort, à tenter de répondre à cette question. Ce faisant, il jette les bases d’une théorie que l’on nomme aujourd’hui « spirale dynamique ».
Selon Graves, la dynamique entre les questions existentielles et les connexions neuronales que l’on peut observer chez une personne (niveau micro), opère également au niveau des organisations et sociétés au sens large (niveau macro).
Ainsi, la théorie de Graves permet de « lire » non seulement l’évolution et la maturation d’une personne mais également toute l’histoire et l’évolution de l’humanité comme une « spirale dynamique » avec deux axes qui interagissent en permanence : l’axe de gauche représente l’environnement, le contexte, dans lequel la personne, l’organisation ou la société se trouve, ses conditions de vie, ses problèmes existentiels. L’axe de droite représente le système de valeurs profondes dans lequel la personne évolue ou qui prévaut dans une société donnée.
La théorie de Graves s’inscrit dans une vision dynamique de la nature humaine et des collectivités ou communautés qui s’adaptent en permanence et s’ouvrent à une complexité croissante.
Applications aux organisations
Prenez une organisation ou une entreprise et interrogez chacun de ses employés et managers quant à ce qui est ou devrait être le but ultime de l’organisation.
Chacune de ses réponses illustre en partie un système de valeurs profondes et pour lequel une ‘couleur’ tend à dominer plus que les autres. Or, il est possible que la ‘couleur’ qui domine chez un membre de cette organisation et la ‘couleur’ qui domine dans l’organisation diffère, de même que cette dernière peut différer de la ‘couleur’ qui domine dans la société dans son ensemble. Tout cela entraîne ce que la théorie nomme des ‘dissonances’ qui vont inévitablement provoquer des changements, soit dans le sens d’un passage à un nouveau système de valeurs, intégrant le système précédant ; soit en régressant, le plus souvent en l’exacerbant, au système de valeurs précédant…
Face à l’engouement actuel pour les nouvelles formes d’organisation du travail qui privilégient les principes d’auto-direction, de respect authentique et de développement personnel des collaborateurs, la spirale dynamique offre donc aux managers ‘libérateurs’ une grille d’auto-analyse de soi et de l’organisation qui permet d’avancer correctement, au rythme adéquat et dans la bonne direction.
Vu que la spirale dynamique s’applique également aux individus, elle permet aussi aux leaders ou managers de mieux comprendre comment ils fonctionnent et comment ils devraient fonctionner s’ils veulent pouvoir « libérer » leur organisation. Le leader libérateur / jaune sait jouer sur toute la palette des couleurs, afin de mettre en place une culture (de travail) dans laquelle chacun peut s’exprimer, mais jamais aux dépens des autres ou du groupe dans son ensemble. C’est ainsi que peuvent s’expliquer les comportements en apparence paradoxaux de leaders « libérateurs » qui instaurent des cultures ouvertes, de dialogue et de bienveillance mais qui peuvent aussi prendre des décisions rapides, dures et non-consensuelles (en écartant par exemple d’autorité des personnes qui nuisent volontairement au groupe) s’ils considèrent que la situation le requiert.
La spirale est donc là pour s’en servir et disponibles pour tous. Mais, inévitablement, les jaunes y seront naturellement plus sensibles. Si les lignes qui précèdent vous parlent, c’est donc que vous avez déjà pas mal de jaune en vous qui ne demande qu’à grandir. Et vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Contribution de Laurent Ledoux (Philosophie & Management).
Version complète de l’article dans l’édition n°215 de Peoplesphere (print).