Pour qu’une organisation et que le collectif puissent fonctionner, il faut quelques règles, même minimales. Puis, il faut les respecter. Et il faut encore que l’on s’entende sur ce que l’on fait lorsqu’elles ne sont pas respectées. Problème : notre rapport à la règle est contrarié. Elle nous convient tant qu’elle s’adapte à nos besoins. Elle est à la fois contraignante et indispensable.
Alors, celles et ceux qui sont parmi nous en charge de veiller à leur mise en application n’ont pas toujours un rôle enviable. La question de la semaine – et la réflexion partagée qui l’accompagne – est donc la suivante : qui est le mieux placé pour distribuer les bons points, prendre les sanctions qui s’imposent et… surtout, pour transgresser les règles lorsqu’elles s’avèrent manifestement ridicules ?
Nombre de professionnels RH s’interrogent quant à leur rôle en matière. A part quelques esprits légèrement obtus, on ne choisit pas la voie du people management pour jouer au gendarme. Au contraire, le rôle consiste en priorité à créer des opportunités, à faire bouger les lignes et à transformer nos entreprises. Et pourtant, vers qui se tourne-t-on lorsque des problèmes de discipline et d’intégrité apparaissent ? Ben oui, cela se termine quasi systématiquement dans le confort austère du bureau du DRH. Voyons comment nous pouvons positiver ce fardeau…
Intérêt collectif versus intérêts individuels
La première règle dans un collectif consiste à privilégier l’intérêt du groupe avant les intérêts particuliers (lire : individuels). Notre principal point de blocage reste aujourd’hui cette foutue tendance à considérer que ces intérêts sont incompatibles… Non, non et non.
Lorsque les intérêts sont contraires, le temps est venu de se séparer. Et si ce constat d’incompatibilité se multiplie auprès d’un nombre de plus en plus important de collaborateurs, cela signifie que les normes et règles selon lesquelles le groupe évolue sont inadaptées. Il est temps de les adapter.
Se pose ensuite la question des exceptions… Devons-nous répondre aux problématiques individuelles lorsque le règlement, la procédure, la politique interne… ne le permettent pas. Bien sûr que oui. Cela peut arriver. Mieux: cela doit arriver ! D’une part, lorsque les demandes sont légitimes et empreintes de bon sens. D’autre part, parce que cela crée des déséquilibres et c’est de cette manière que l’on met une organisation en mouvement.
Et qui prend la responsabilité de sortir du cadre ?
Mais qui va prendre l’initiative qui consiste à déroger au règlement? Nous pensons que ce rôle appartient aux responsables RH justement. A tout le moins, c’est vers ces derniers qu’il faut se tourner lorsque la question se pose et que les équipes sont en attente d’une nouvelle proposition. La vision RH est nécessaire pour garantir la cohérence de fonctionnement de l’ensemble d’une organisation.
Répondre à la demande d’un travailleur pour qui les horaires, la politique de mobilité ou la composition du package de rémunération ne nous oblige pas à prendre les mêmes dispositions pour les autres collaborateurs. Cela nous impose uniquement d’écouter quels sont les besoins spécifiques de chacun et de rester créatif pour essayer de leur trouver des solutions.
Cela semble simple et cela ne l’est évidemment pas. Il faut être ou se sentir (très) libre pour pouvoir incarner la conformité et, en même temps, être l’instigateur de la disruption tellement nécessaire pour faire avancer nos organisations. Une posture exigeante et enivrante à la fois.
Laisser faire n’est pas une option
Jusqu’ici, tout va bien donc… Mais nous avons toutes et tous dans nos rangs quelques petits coquins qui aiment flirter avec la ligne rouge. Tester et dépasser les limites reste leur occupation favorite. Cela génère du désordre bien sûr. Et le chaos n’est pas supportable dans la durée. Aussi, de temps en temps, il faut intervenir en endossant le costume du grand justicier.
L’absence de réaction est impossible dans le sens où elle constitue toujours une forme de blanc-seing. Ce que l’on attend de nos dirigeants, et particulièrement des experts RH, dans ces conditions consiste à agir vite et dans la nuance. C’est un formidable défi.
La complexité et la beauté du People Management se trouvent dans notre aptitude à évoluer dans des registres qui semblent opposés, à réconcilier des contraires apparents.
Pour y arriver, il semble essentiel de se libérer de quelques carcans. Il n’est pas nécessaire de choisir entre les exigences de conformité à la règle et les besoins de créativité / d’innovation dans nos entreprises.
Pouvoir être à la fois le garant du règlement et le moteur du changement. Ne jamais oublier que le management a pour vocation première de générer de l’enthousiasme… et que l’ambition nous invite à devenir les dépositaires de l’harmonie collective.
Jean-Paul Erhard