Éditorial – La Grèce, Samsung et le monde du travail…

6 jours par semaine ! Voilà ce qui réunit ce trio improbable. D’un côté, un pays européen passé à deux doigts de la faillite et considéré comme un des moins productifs du Vieux Continent avec une économie corrompue. De l’autre, un géant industriel sud-coréen intransigeant sur ses standards de performance même en période de crise. Et au centre de leurs préoccupations comme des nôtres, la question du temps de travail…
Ce n’est pas indécent d’évoquer l’hypothèse d’une semaine de 6 jours, même dans nos contrées où l’option retenue pour trouver un meilleur équilibre entre bien-être et performance tend à réduire le temps de travail. Au fond, la question que nous voulons poser est souvent la même : pourquoi pas ?

Entre un vieux pays européen considéré comme flemmard (cliché n°1) et un géant industriel asiatique qui bafoue les droits des travailleurs et particulièrement de ses cadres (cliché n°2), il y a bel et bien un enjeu lié à trouver une réponse à l’équation économique. Nos organisations ne génèrent pas assez de moyens pour financer à la fois leur fonctionnement, leur croissance et leur contribution à la solidarité sociétale. Or, ces trois missions doivent être remplies.

Se résoudre à accepter enfin qu’il faut travailler plus ?

Le travail serait une expérience sociale et paisible s’il n’y avait pas ce foutu impératif qui consiste à générer du revenu. La création de richesse reste centrale. Et que cela nous plaise ou non, elle est directement corrélée au nombre d’heures que nous y consacrons collectivement. Les entreprises, les institutions et les états qui veulent augmenter la durée du travail hebdomadaire ont compris que c’est le (seul ?) moyen d’aller chercher du profit pour survivre, pour renaître ou pour grandir tout simplement.

L’approche convient bien aux profils travaillomanes. Elle est à l’évidence nettement moins adaptée à celles et ceux qui veulent privilégier d’autres voies telles que la décroissance ou le droit à la paresse. Il n’y a pas de jugement de valeur ici. Libre à chacun.e de développer sa propre thèse. A condition de respecter aussi la liberté d’entreprendre et de construire des équipes qui s’organisent volontairement de manière différente pour atteindre leurs objectifs.

L’augmentation du temps de travail sur base volontaire, pourquoi pas ?

Nous connaissons les arguments des opposants immédiats au principe même d’un temps de travail augmenté : ce sont les droits des travailleurs qui sont en danger. Ils ne peuvent évidemment pas être remis en cause. En l’occurrence, les cadres de Samsung n’ont pas vraiment le choix (sauf celui de quitter un employeur qui les dégoûte), l’entreprise n’ayant découvert le fait syndical qu’au début des années 2010. Le passage aux 6 jours est un impératif économique décrété par la direction et qui exige la mobilisation générale. On ne discute pas. Peu transposable donc…

Dans nos contrées, sur base d’une démarche volontaire – et à condition de montrer une attention réelle envers les risques d’épuisement – nos organisations peuvent-elles introduire un nouveau schéma horaire permettant de travailler 6 jours par semaine. Bien sûr !
En soi, ce n’est pas plus complexe à gérer que l’accumulation des congés thématiques, des horaires personnalisés, des formules à temps partiel… Et compte tenu de l’évolution naturelle de toutes nos activités qui se déploient désormais 24h/24, 7 jours sur 7, la formule peut faire du sens. Reste alors la question de la rémunération… La Grèce opte à priori pour une sur-rémunération de 40% pour la journée hebdomadaire supplémentaire. Principe simple et attractif mais supportable dans la durée?

Sans doute la preuve aussi que la semaine de 5 jours, au fond, ce n’est pas idiot…

Ce débat qui oscille entre la semaine de 4 jours et la semaine de 6 jours nous réjouit. Avant tout, et avec un minimum d’un bon sens terrien, nous pourrions en déduire que la semaine de 5 jours n’est peut-être pas aussi obsolète que cela ! Pure logique arithmétique…

Ensuite, c’est notre capacité à imaginer et à gérer de la flexibilité qui est en question. Le paradigme a changé : il ne s’agit plus d’organiser sa vie privée dans les plages horaires laissées libre par notre activité professionnelle. Il s’agit désormais d’offrir tous les moyens de se construire un équilibre sur-mesure et de ne renoncer à rien. Nous méritons toutes et tous un double épanouissement, personnel et professionnel et les employeurs sont investis d’une part de responsabilité dans la réalisation de cet objectif intégré. La gestion de la flexibilité nous oblige à organiser des équipes au sein desquelles certain.e.s ont besoin de repères stables et d’autres sont en quête de variété. Rien d’insurmontable en définitive…

Au travers de la question du temps de travail, nous avons intérêt d’éviter que cela ne soit un affrontement (stérile) entre des modèles de société qui s’affrontent. Si nous entretenons la création sans nuance de deux camps opposés, avec d’une part ceux qui aiment le travail et d’autre part ceux qui le subissent, nous nous dirigeons à coup sûr vers des conflits insolubles.

L’enjeu consiste à offrir à chacun.e un cadre adapté à ses besoins et à ses capacités et de préserver la possibilité de le faire évoluer avec le temps, en fonction des événements et des aspirations qui changent.

Ce n’est pas sans risque. La personnalisation de la relation de travail introduit de grandes inégalités entre les travailleurs. Elle convoque dès lors, et sans attendre, l’absolue nécessité de renforcer le collectif. C’est le cœur de notre métier de People Manager, plus que jamais.

Jean-Paul Erhard

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