Au cours de ces derniers mois, nous avons été souvent sollicités par des organisations qui constatent un manque de courage managérial au sein de leurs équipes en charge de la gestion quotidienne des activités. Absence de décision face à l’incompétence, pas de feedback en cas d’erreur, zéro prise de risque lorsque les solutions ‘classiques’ ne marchent plus… Ce sont les symptômes les plus fréquents des comportements qui freinent sévèrement notre efficacité. Et nous avons tendance à ramener la question du courage managérial à un manque (ou un excès !) de testostérone, sans en faire une problématique de genre. C’est loin d’être suffisant. Voici une autre piste que nous vous invitons à explorer…
Prendre et assumer les décisions, c’est sans doute la tâche première de n’importe quel manager, à quelque niveau que ce soit. Pourtant, cette capacité à trancher et à porter la responsabilité d’un choix semble devenir une denrée rare. Il faut écouter les premiers concernés, à savoir les décideurs eux-mêmes… Les contraintes et risques juridiques et les pénuries de talents sont régulièrement cités lorsque nous essayons de comprendre pourquoi nous sommes en panne de courage. Quoi d’autre encore?
Confiance de l’organisation, confiance dans l’organisation
‘Si je prends cette décision, la direction et mes collègues vont-ils me suivre?’ Ce questionnement est légitime car nous savons à quel point le manque de solidarité au sein des équipes dirigeantes est un problème récurrent. Le besoin de soutien et d’alignement est permanent.
Le courage est en effet ce que nous pourrions appeler une ‘compétence collective’. Il vient aisément quand on est ensemble. En cultivant la discipline et la cohérence dans l’action, il devient facile de poser des choix forts et audacieux puisque la confiance entre le manager et son organisation grandit de jour en jour.
Pouvoir sanctionner en restant un manager bienveillant
Le management souffre également, même si cela peut sembler paradoxal, de l’impératif de bienveillance qui règne dans notre société et qui anesthésie parfois nos prises de décision. Nous voudrions toutes et tous évoluer dans un environnement où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… Mais nous n’y sommes pas vraiment, c’est un sérieux euphémisme.
Dans nos entreprises, chacune et chacun mérite le respect et la préservation de son intégrité physique et mentale. Y compris les toxiques, les menteurs, les escrocs et tous les autres… qui méritent également que leurs comportements peu appropriés dans le cadre du projet commun soient sanctionnés dès que cela s’impose. La contradiction apparente entre le management positif et la chasse aux imposteurs peut et doit être levée rapidement.
Entrer sans réserve dans une logique de dialogue et de débat
Enfin, il nous apparaît chaque jour davantage que le courage managérial grandit avec la maîtrise du verbe. Il y a quelques mois déjà, nous avons évoqué l’importance d’ouvrir et d’entretenir le dialogue dans nos organisations où les non-dits sont encore trop nombreux. Provoquer les débats et s’engager dans la conversation avec les collègues reste énergivore. Au-delà, cela s’avère épuisant sur le plan émotionnel. Or, les mots – et surtout les arguments qu’ils portent – sont indispensables pour expliquer, convaincre, défendre, contredire, etc…
Sans dialogue ni débat, nos entreprises et nos collaborateurs peuvent avancer mais ils ne se comprennent pas. C’est pourquoi nous devons prendre la parole (et notre courage à deux mains pour l’occasion).
Nous aimerions tendre vers une société où le licenciement et l’éloignement du marché du travail n’auraient plus droit de cité. La problématique du courage managérial y serait peut-être très secondaire. En attendant (et pour quelques années encore, nous sommes prêts à prendre les paris), nous pouvons continuer à promouvoir et faciliter l’exercice plein et entier de nos responsabilités. Et rappeler que le courage, ce n’est pas seulement une question de caractère. C’est aussi une question d’environnement et de culture partagée au sein de nos organisations. La réponse est en nous et la solution, quant à elle, est dans le collectif, comme toujours.
Jean-Paul Erhard