Editorial – Nos entreprises assistent aujourd’hui à la mort annoncée du middle management: une position intenable qui est devenue inutile.

C’est ce que l’on appelle un dommage collatéral. Difficile de prétendre en effet que nous ne l’avions pas vu venir. Avec l’émergence des organisations plates et/ou collaboratives, le management intermédiaire était inévitablement condamné à souffrir voire à disparaître. Nous y sommes. Notre pronostic? Le middle management est en train de vivre ses dernières heures. Il s’éteint progressivement, en conséquence directe de la fin de la relation d’autorité et de la généralisation des outils de coopération horizontale. Pas de quoi se réjouir lorsqu’on pense aux personnes concernées… Faut-il s’inquiéter aussi quant aux effets long terme que cette évolution peut avoir dans nos organisations?

Nous avons déjà évoqué souvent la souffrance de celles et ceux qui se trouvent entre le marteau et l’enclume. Autrement dit, celles et ceux qui représentent le management intermédiaire (aka le middle management) et qui se démènent à ce titre entre la direction et la ‘base’… La ‘libération’ de l’entreprise et le repositionnement de la prise de décision à un niveau aussi proche que possible du client ou de l’expert de terrain a rendu très inconfortable la position des managers de proximité.

Pouvoir ne rime pas forcément avec autorité.

A l’échelon ’sociétal’ (que nous adorons évoquer comme vous le savez), la disparition des corps intermédiaires est de plus en plus évidente, jour après jour. Elle est considérée comme un danger pour le bon fonctionnement de nos démocraties. Pourquoi? Parce qu’elle signifie avant tout l’absence de tampon entre le sommet et la base. Il n’y a plus d’amortisseur. Les chocs sont brutaux, violents, douloureux (pour tout le monde). Nous pouvons observer le même phénomène dans nos entreprises, sans surprise d’ailleurs (rappelez vous, nos boîtes sont totalement perméables à la société civile!). Le middle management permettait justement d’amortir les décisions et les remontées du terrain. Sans lui, ce sont des lignes de communication directe qui relient sans filtre des niveaux d’organisation dont les réalités sont parfois voire souvent très éloignées ou inconnues. Et nous assistons à un enchaînement ininterrompu de clashs et d’incompréhensions.
Nos middle managers doivent comprendre que pour réussir la mise en place d’une structure plate, il est bien nécessaire d’intégrer en amont la transformation profonde du paradigme de ‘pouvoir’ dans l’entreprise. Il ne suffit plus d’avoir un accès privilégié à l’information pour être en capacité de l’exercer. Il convient désormais d’être en capacité de réunir des profils différents qui acceptent d’endosser des responsabilités au sein d’un collectif que l’on a pu fédérer autour d’objectifs partagés. Le pouvoir ne fonctionne définitivement plus à coups d’arguments d’autorité. Il passe aujourd’hui selon nous par la mobilisation des individus en quête de développement personnel ET d’expériences collectives.

En première ligne face à la génération TocToc

Nous parlons de transformation de la société et de nos entreprises. De paradigmes bouleversés. De managers perdus face à des comportements surprenants… A qui la faute? Serait-ce le fait d’une génération (les moins de 25 ans) qui entre sur le marché du travail et qui ne s’informe désormais que via les réseaux sociaux voire par le biais des influenceurs, et ce avec une capacité de concentration plutôt faible?
Quoi que nous en pensions, c’est comme ça. Première conséquence ‘marrante’ de cette évolution auprès des nouvelles générations: la résurgence des thèses conspirationnistes et de concepts étranges nous rappelant par exemple que la Terre est plate…
Il n’y a pas de mépris dans ce constat. Car cette génération est aussi celle qui ne doute de rien (une belle arrogance!), qui montre une capacité d’indignation que ses parents n’ont pas affichée, qui semble donner une vraie place à l’environnement dans ses habitudes de consommation (à vérifier sur le long terme, bien sûr…). Bref, elle est certainement aussi paradoxale que les autres mais surtout, elle parvient à désemparer son management dans sa capacité à passer quasi instantanément d’un amour infini à l’indifférence cruelle. Elle s’attache aussi vite qu’elle se détache, ce qui lui confère souvent un caractère insaisissable. Séduisante et détestable à la fois. Une génération impossible à ‘manager’? Ou, peut-être, une génération qui refuse d’être managée? Il y a fort à parier que l’évolution aille bien au-delà d’une simple tendance générationnelle. Quel que soit notre âge, nous acceptons difficilement de remettre nos certitudes et nos vérités en question. Dans la sphère privée comme dans notre environnement professionnel. Comment fédérer lorsque les positions des uns et des autres sont figées? Oui… Le job de manager devient vraiment très compliqué à incarner.

Une résurrection possible?

C’est l’heure de prendre les paris. La vie économique étant faire de cycles, est-il possible / probable que nous assistions tôt ou tard au retour d’un bon vieux management à l’ancienne? Nous ne le pensons pas. Même si le modèle de management hiérarchique ‘classique’ va perdurer encore quelques années dans nombre d’entreprises (en fonction de leur culture et de leur degré de perméabilité aux influences extérieures), les fonctions dites de middle management souffrent trop actuellement pour être en mesure de survivre. C’est à ce niveau en effet que l’on peut observer le plus grand nombre de ruptures, sous forme de départ, de burn-out ou de désengagement entre autres. La messe est dite.
Demain, nos organisations pourraient être pilotées par un nombre réduit de directrices et de directeurs aux compétences multiples, aux agendas hypertrophiés et à l’énergie débordante. Quelle sera leur espérance de ‘vie’ dans la fonction? Limitée sans doute. Ce n’est pas grave en soi: puisque le nombre de places au sommet est compté, autant que le rotation y soit plus rapide qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Car, managers inspirants et inspirés, forcément solitaires, toutes et tous seraient bien inspirés de se souvenir que nul n’est irremplaçable.

Jean-Paul Erhard

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