Éditorial – Pouvoir, impulsivité et chaos… L’instauration d’une nouvelle norme en matière de leadership?

Prendre des décisions, c’est la preuve concrète que l’on détient le pouvoir et donc, le leadership. Aujourd’hui, la prise de décision est de plus en plus souvent une pure affirmation de la force que l’on pense pouvoir exercer sur le monde qui nous entoure. Le terrible retour en arrière que nous sommes en train de vivre peut être résumé comme l’exercice ultime des pleins pouvoirs.
Restons lucides… La période actuelle est ‘inspirante’ pour nombre de leaders qui n’attendaient que cela : que nos sociétés soient pilotées par des majorités qui prônent le passage en force, l’agressivité débridée et l’acceptation des dégâts collatéraux. L’important, c’est d’agir. Et même si les décisions manquent de fondement, elles ont le mérite de faire bouger les lignes. Vraiment? Est-ce le projet collectif dans lequel nous voulons nous inscrire ?

Le nombre de décisions erratiques est en augmentation. L’autorité semble devoir privilégier l’impulsivité, aux dépens de l’analyse et de l’anticipation des risques. Il y a de la casse à tous les niveaux, c’est évident. Des modèles économiques s’effondrent. Des fossés sociaux se creusent. Des travailleurs dégustent. Et les prédateurs* – parmi lesquels figurent ceux que l’on appellent les conquistadors de la Tech – se partagent le monde et ses richesses. Normal?

L’affirmation des pleins pouvoirs puisque personne ne conteste vraiment…

Un patron, ça décide. Il est (bien) payé pour cela. Sa position suffit à donner toute la légitimité nécessaire aux choix qu’il pose. Voilà quelle est la conviction à l’origine du retour de ces ‘bons vieux’ leaders autocratiques, retour qui nous préoccupe vraiment, au point de l’évoquer régulièrement dans notre exercice éditorial.

Nous voulons regarder cela aujourd’hui à l’aune de notre (absence de) réaction face à ce phénomène… Nous accordons une place trop importante et un pouvoir incroyable à des leaders auto-désignés. Sur quels fondements repose cette confiance aveugle envers des dirigeants dopés à l’égo trip ? Cela reste un mystère.

Ce pouvoir doit être accompagné, tantôt par le challenge, tantôt par le soutien. C’est le double rôle des partenaires sociaux et des instances de gouvernance que nous sommes en train de décrire ici. Et Lorsque ceux-ci n’interviennent pas malgré leur responsabilité clairement engagée, il faut organiser la résistance à l’interne.

Argumentation et pédagogie, synonymes de lenteur ?

Quelle que soit la motivation – sens de l’urgence ou réparation des erreurs du passé, par exemple – , l’autorité s’exerce dans la prise de décision impulsive. La vitesse est essentielle. Le temps de la réflexion est écoulé. Il faut agir et nous verrons bien quelles seront les conséquences.

A contrario, les travaux à mener en matière d’argumentation des décisions, d’anticipation des risques et de soutien pédagogique afin d’obtenir l’adhésion sont rayés de la carte. Ils sont considérés comme des processus longs et fastidieux, alors que le collaborateur lambda qui tenterait de s’y soustraire serait cloué au pilori pour un évident manque de professionnalisme. Une parfaite contradiction que nous peinons à expliquer, sauf à faire appel à une forme de génie qui nous échappe… et à laquelle nous ne croyons absolument pas.

Il y a deux raisons pour lesquelles cette méthode consistant à passer en force existe : la peur et la paresse. Nous ne voulons pas affronter les profils dominants car nous anticipons un retour de bâton douloureux. Et puis, pourquoi donc s’embêter avec cette lutte de pouvoir ? Laissons la foule se lasser de son bienfaiteur suprême, même si les dégâts seront colossaux.

Le temps pour l’entreprise de s’affirmer comme un lieu de partage et de convivialité

Ce n’est évidemment pas acceptable. Un collectif humain ne peut être le jouet d’un psychopathe, peu importe sa position hiérarchique d’ailleurs car il faut rappeler ici que ces leaders totalitaires n’occupent pas forcément le sommet de l’organisation.
Nos entreprises privées et publiques, grandes et petites, sont des lieux de partage et de convivialité qui doivent s’affirmer en tant que telles. Les personnes qui y travaillent méritent non seulement le respect de manière inconditionnelle, mais aussi le droit d’être protégées contre les errements et décisions hystériques de quelques fous furieux qui fonctionnent au narcissisme.

Jean-Paul Erhard

*A lire – L’heure des Prédateurs de Giuliano Da Empoli (Ed.Gallimard)

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