De quoi parle-t-on le plus aujourd’hui lorsque l’on évoque le marché du travail ? Du chômage et des malades de longue durée… Et de la manière de sanctionner les personnes qui ne parviennent pas ou qui ne veulent pas (bien sûr, il y en a !) s’investir dans un boulot… Cela nous amène naturellement à nous questionner sur les perceptions que nous sommes en train de diffuser quant à l’investissement professionnel. Nous entrons dans une logique de réinsertion à tout prix sur le marché du travail, et ce de façon plus déterminée que jamais. Quel sera l’effet long terme de la démarche au sein même de nos organisations? Et n’est-ce pas la seule manière au fond de compenser les inégalités qui se creusent de manière mécanique? Réfléchissons ensemble…
Que va-t-il se passer dans les ateliers, les bureaux, les entrepôts, les commerces…? Imaginons l’impact sur le terrain du retour forcé d’anciens collègues éloignés du travail depuis longtemps déjà et de l’intégration nécessaire de personnes en manque de compétences et d’énergie. L’amélioration des statistiques nationales du taux d’emploi est nécessaire pour l’équilibre des dépenses publiques. Elle va toutefois peser lourdement sur les coûts de nos entreprises
Le signe d’une société inclusive… et contributive
Le principe à l’origine de la démarche volontaire de retour au travail est double : il est économique et philosophique à la fois. S’il fallait l’exprimer le plus simplement possible, nous dirions qu’il faut simplement que tout le monde participe. Ne laisser personne sur le côté, tant parce que cela permet d’accroître nos capacités de production que parce que le travail est un facteur de réalisation de soi qui reste déterminant.
Par ailleurs, nous ne pouvons nous voiler la face alors que les inégalités continuent de se creuser tout autour de nous. Il est hors de question de tomber dans l’indifférence. En clair, laisser moisir les malades de longue durée et les demandeurs d’emploi terriblement éloignés de la sphère professionnelle n’est plus une option (elle ne l’a jamais été). Quant aux moyens punitifs qui sont sur le point d’être mis en œuvre, reconnaissons que nous n’avons pas encore trouvé mieux.
Un marché du travail déprimé et parfois déprimant.
La situation que nous connaissons est aussi un constat d’échec affligeant. Souvent, le marché du travail apparaît déprimé et fatigué. Il génère encore beaucoup de souffrance et sur lequel les enthousiastes sont rapidement assimilés à des naïfs décidément trop crédules vis-à-vis des promesses de leurs entreprises.
Les difficultés s’amoncellent dans des domaines aussi divers que la santé mentale, l’engagement des cadres, l’absentéisme galopant, la menace sur les initiatives en faveur de la diversité… C’est dans ce contexte que nous devons réussir à réintégrer des collègues qui n’ont plus connu d’expérience collective depuis fort longtemps dans certains cas. Ce ne sera pas simple.
Des équipes qui devront réapprendre la solidarité et la générosité.
Ce que l’on tend à oublier en effet lorsque nous parlons de réintégration sur le marché du travail, ce sont les efforts dont nos organisations vont devoir redoubler pour absorber une main d’œuvre qui a besoin de soutien. Sans mobilisation des équipes en place, cela ne fonctionnera pas.
Il faut accueillir un potentiel de travail qui n’est pas exploité et s’emparer dans les faits d’une problématique de gestion et de santé publique beaucoup plus importante que nos préoccupations quotidiennes.
Il y aura des échecs, des conflits, des déceptions. Cependant, avec l’optimisme et la détermination qui nous caractérisent, nous allons forcément réussir à engager les équipes pour accueillir et veiller sur celles et ceux qui devront recréer des sensations collectives. C’est un superbe défi.
Jean-Paul Erhard