Au final, il suffit de poser la question aux travailleurs pour savoir ce qu’ils attendent vraiment, ce qu’ils appellent de leurs voeux au-delà de tout… La réponse est sans doute plus simple que ce que nous pourrions imaginer.
Quelle est la particularité de la communauté RH? Elle regroupe les professionnels qui s’interrogent le plus sur leurs pratiques, sur leur valeur ajoutée et forcément, sur leur propre raison d’être. Elle est composée de profils qui sont, pour la plupart, soit idéalistes – et il faut l’être pour rester sur l’idée qui consiste à privilégier l’humain dans toutes les situations – soit indignés face aux douleurs que peut générer notre société et le monde du travail.
Elle est en permanence à la recherche du graal, de LA formule qui va nous permettre de comprendre comment l’entreprise fonctionne et surtout comme elle pourrait, demain, mieux répondre encore aux exigences de ses parties prenantes. Pour cela, les RH et People Managers sont les premiers (les seuls ?) à se poser la question à plusieurs millions d’euros qui consistent à savoir ce que veulent les gens…
Chaque année, une nouvelle proposition émerge et concentre les énergies. Celle qui nous dit : « Voilà, nous y sommes. Nous avons enfin compris. Ce que veulent les travailleurs au plus profond d’eux-mêmes, c’est ceci ! »
Peu importe le concept phare, en fait : Empowerment, bien-être ou bonheur, développement personnel, responsabilisation, engagement sociétal… C’est la tendance du moment.
Bien sûr, avec le recul et les années qui s’enchaînent, difficile de s’empêcher de sourire face à la succession des concepts révolutionnaires et nouveaux paradigmes qui bousculent les 1001 façons d’assurer le management humain dans l’entreprise.
Le constat n’est pas aussi cynique qu’il pourrait paraître. Il y a une dimension vertueuse dans cette dynamique de renouvellement. Globalement, nos connaissances augmentent et les initiatives qui naissent au fil du temps permettent maintenir en éveil nos intelligences.
Toutefois, nous pouvons reconnaître qu’à force de répondre, année après année, de manière différente à la question portant sur les attentes des travailleurs, il est probable que nous passions à côté de la vraie réponse. Pourtant, il suffit de poser la question à l’ensemble des travailleurs que nous rencontrons pour savoir ce qui leur manque au quotidien. Et le plus étonnant dans tout cela, c’est que ceux-ci, dans un formidable élan de générosité, n’ont aucune peine à nous répondre lorsque nous tentons de comprendre ce dont ils ont vraiment besoin pour se réaliser pleinement… Vous voulez savoir ? Vraiment ?… Nos collaborateurs ont besoin de temps.
La seule denrée limitée.
Rine que ça ! Le temps est la seule variable parfaitement inélastique dans notre quotidien. La seule ressource vraiment limitée… Et c’est cela que veulent les travailleurs, cadres et ouvriers, dirigeants et syndicalistes, hommes et femmes,… Oui, ils veulent du temps, plus de temps. Pour quoi faire ?
En premier lieu, du temps pour soi. Chacun est le propre gestionnaire de son bien-être et de son bonheur, évidemment, à condition de ne pas s’oublier aux dépens de toutes les autres priorités qui envahissent nos journées.
Ensuite, du temps pour les autres – pour nos proches, notre famille, nos amis, nos collègues, nos partenaires… – car c’est au-travers de nos relations que nous nous réalisons.
Et enfin, du temps pour travailler aussi ! Il s’agit de retrouver de la qualité dans les tâches que nous menons, de bénéficier d’une réelle concentration lorsqu’il est fait appel aux compétences qui sont les nôtres, d’injecter de la nuance voire de la complexité aussi dans nos idées et nos ‘stratégies’…
Il y a quelques années, une célèbre marque automobile annonçait de manière assez juste : « Le vrai luxe, c’est l’espace. » Vous l’avez compris, nous vous invitons à réfléchir à ceci. Il est très probable que nous soyons passés dans l’autre dimension. Le temps est plus précieux que jamais et chacun de nos collaborateurs en a bel et bien conscience.
Le défi est immense.
En effet, nous sommes pressés de toutes parts.
Nous sommes plongés dans l’urgence par les prévisions alarmistes plus ou moins fondées.
Certaines sont incontestables, les bouleversements climatiques par exemple.
D’autres reposent sur des hypothèses non vérifiées, telles que le remplacement de la plupart des jobs par l’Intelligence Artificielle ou l’émergence de nouvelles fonctions qui n’existent pas encore ! Et il faudrait que nous prenions notre temps alors que tous nos environnements, privés et professionnels sont devenus autant de ‘plateformes brûlantes’?
(Re-)trouver du temps est une grande utopie dans une société qui n’est même plus celle de l’immédiat, puisqu’elle est carrément devenue celle de l’urgence!
Mais bon… Nous entrons dans la période des fêtes de fin d’année, propice à toutes les formes de générosité. Pensons donc à offrir du temps à celles et ceux qui nous entourent. Ce n’est pas une simple question d’argent. Le temps, aujourd’hui, représente avant tout la possibilité de penser et de construire un avenir meilleur, de réparer ce que nous avons abîmé, de se réjouir de ce que nous avons réussi. Le temps, c’est la première étape vers l’extase. Et cela n’a pas de prix.
Jean-Paul ERHARD