Dialogue, alignement, motivation… La communication occupe une place centrale dans la sphère du People Management. Elle fait définitivement partie du périmètre d’une fonction RH ou P&O qui se respecte. Elle tend également à en devenir un des volets les plus compliqués à gérer. Pour quelles raisons? Parce que chacun.e considère qu’il a définitivement raison et que les avis différents ne valent pas grand-chose et, bien souvent, que le temps perdu à écouter les promesses non tenues et explications alambiquées du management et consorts aurait pu être mieux utilisé… Prenons quelques instants pour redéfinir comment nous pouvons investir le terrain de la communication au profit de l’intérêt collectif et des attentes individuelles. Trois défis à relever : la vérité, le respect et l’envie.

Les adeptes de la technique du renversement narratif se multiplient.

C’est au fond la méthode la plus simple pour ne pas avoir à justifier les raisons du désaccord. Le renversement des normes et de la réalité est pratique courante désormais.
Exemple? La Russie n’a pas envahi l’Ukraine. Elle a dû agir en désespoir de cause face aux dangers qui se multiplient au bord de ses frontières et pour sauver ses populations opprimées. Autre exemple, plus proche du terrain peut-être? Ce collègue n’a pas eu la promotion qu’il méritait parce qu’on l’a vu prendre un verre avec l’ex-compagne du responsable du département et non parce qu’il a foiré les trois derniers inventaires mensuels…

Comment pouvons-nous encore nous aligner sur une vérité partagée, que d’aucuns appellent ‘objective’, alors que les faits sont contestés et que les responsabilités sont inversées de manière systématique… Nous ne parvenons que rarement à nous entendre sur la lecture de ce qu’il s’est effectivement passé. Même les données chiffrées sont elles aussi soumises à l’interprétation pour en donner des lectures très personnelles.
Il n’y a qu’un seul remède à ce jour pour survivre dans l’ère des contre-vérités : le temps. Il faut de la persévérance et de la patience, soutenues par un art consommé de la répétition, pour que la communication puisse remplir son rôle d’éclaireur.

Le dialogue doit toujours rester possible.

Deuxième terrain sensible à appréhender : le respect. Nous savons que toutes les sensibilités sont exacerbées. Chaque mot (chaque geste aussi) comporte aujourd’hui sa part de risque. Voilà ce qui rend le dialogue continu à la fois dangereux et indispensable.

La communication doit être inclusive et fédératrice. L’objectif simple et ultra-prioritaire est de préserver coûte que coûte notre capacité à travailler ensemble. Pourtant, c’est souvent par le biais de nos messages que nous détruisons des équipes au lieu de les consolider. Il suffit ‘’d’oublier’’ un département dans une démarche de reconnaissance ou de ne pas impliquer un collaborateur dans un partage d’informations pour que le ressentiment s’installe.

Que se passe-t-il ensuite? L’expression d’un manque de respect est alors un terrible signal d’alarme. Lorsqu’un.e collègue manifeste sa déception voire son dégoût quant à la manière dont elle/il a été traité, nous savons qu’il faudra investir du temps et des arguments pour recoller les morceaux.
Il y a dès lors une exigence absolue, celle qui consiste à prendre sans cesse l’initiative qui permettra de poursuivre la conversation. Continuer à se parler, même lorsque c’est compliqué. Chercher sans relâche des zones de convergence.

Et quand l’amour n’est plus là ?

Il peut en effet arriver que le feu soit éteint. Que l’envie ait disparu. Quelles sont alors les bonnes raisons de rester ensemble ?
Il y a bien sûr des ‘motivations’ alimentaires (et elles sont respectables). Pas d’autre choix, il faut bien gagner sa croûte. Chaque manager doit être capable de les entendre et de composer avec des collaborateurs présents par nécessité.

Ensuite, l’envie est parfois remplacée par la rage, nourrie par un profond sentiment d’injustice. Ce qui peut donner lieu à une opposition féroce et à des échanges tendus. Sur le plan de la communication, voici peut-être la configuration la plus intéressante car c’est dans le débat que naissent souvent les meilleurs compromis.

Et enfin, la perte d’intérêt peut aboutir au vide absolu. Le néant. L’indifférence totale et définitive. Seule cette dernière peut s’avérer vraiment problématique car son pouvoir de contamination est redoutable.

Les efforts à déployer pour tenter de maintenir le dialogue avec et entre les collègues sont immenses. Autour de nous, il y a des travailleurs engagés, désabusés, offensés… et bien d’autres encore, avec des attentes à rencontrer. L’expérience collaborateur qui guide la plupart des stratégies RH aujourd’hui ne tient pas sans une pratique experte de l’art de la communication. Une mission essentielle : entrer en dialogue avec chacun.e, dans une démarche tantôt collective, tantôt individuelle. Et entretenir cette conversation à tout prix. A partir de là, tout devient possible.

Jean-Paul ERHARD