À partir du 1er janvier 2025, le statut – ouvrier ou employé – ne pourra plus être un critère de différenciation pour les plans de pension complémentaires. Une approche passive de ce trajet d’harmonisation pourrait coûter environ 1 milliard d’euros par an aux entreprises belges selon les calculs du spécialiste des RH Mercer. Si elles veulent éviter de devoir accepter des plans désavantageux par manque de temps, elles feraient bien de mettre en place une stratégie adaptée et d’entamer la concertation sociale le plus rapidement possible. L’impact de la pandémie se fera en effet sentir encore longtemps, il est donc essentiel pour les entreprises de vite obtenir un aperçu des coûts de l’harmonisation des plans de pension.
La loi du 5 mai 2014 interdit de faire encore une distinction entre les ouvriers et les employés pour la constitution de leur pension complémentaire après le 1er janvier 2025. Si l’employeur ne fait rien d’ici là et ne propose qu’un plan de pension complémentaire aux employés, les ouvriers pourront prétendre au même régime que ces derniers. Les patrons qui offrent différents plans aux employés et aux ouvriers risquent quant à eux de se voir obliger d’affilier les ouvriers (qui bénéficient généralement du plan le moins avantageux) au plan réservé aux employés (qui bénéficient généralement du plan le plus avantageux).
Cela ne signifie toutefois pas que l’on doit proposer le même plan à tous les collaborateurs. Il est permis de verser des primes différentes, en fonction par exemple du titre ou du salaire. Plusieurs plans de pension peuvent également continuer de coexister, mais sur la base d’autres critères que le statut d’employé ou d’ouvrier. Pour certaines entreprises, cette modification de la loi peut représenter une opportunité de mettre fin aux plans existants et d’en instaurer un plus neuf ou plus moderne.
Le groupe RH Mercer appelle les entreprises à travailler avec une approche complète, et à ne pas intervenir uniquement au niveau du plan de pension. « Établissez une nouvelle classification de fonctions englobant tous les travailleurs – ex-employés et ex-ouvriers – en utilisant un système de pondération composé de critères homogènes, tels que l’expérience ou la responsabilité. Une entreprise peut ainsi déterminer les avantages complémentaires (plan de pension inclus) par niveau », explique Thierry Laloux, Senior Benefits Consultant chez Mercer.
Actuellement, pour les ouvriers, une prime équivalente à 1 % de leur salaire est versé dans un plan de pension. Pour les employés ayant un revenu comparable, la prime est en moyenne de 3 %. Au bout de 45 ans, ils reçoivent par conséquent respectivement 5 et 15 mois de salaire. Cette inégalité (si elle est basée uniquement sur le statut) doit donc être supprimée. Pour les entreprises occupant un nombre élevé d’ouvriers, le prix de cette harmonisation risque d’être élevé. Mercer a calculé que cette opération pourrait coûter plus de 1 milliard d’euros par an à l’ensemble des employeurs. Par ouvrier, la cotisation patronale augmenterait en moyenne de 850 euros par an.
Les entreprises faisant partie d’un comité paritaire où un plan sectoriel existe devront bien entendu en tenir compte. Très vite, dès le 1er janvier 2023, une solution devra être trouvée à ce niveau. « Une attitude attentiste peut cependant se révéler contre-productive », explique Thierry Laloux, « car l’heure tourne et cela finira par devenir urgent. Certains secteurs disposent déjà d’une vision claire, les entreprises seraient donc bien avisées de suivre les négociations de très près. Nous constatons que de nombreuses entreprises ne se sont pas encore attelées activement à cette harmonisation obligatoire. L’expérience nous apprend qu’il faut facilement deux à trois ans pour définir et implémenter ce processus. Si l’on y ajoute les élections sociales de 2024, on peut dire qu’il est grand temps de mettre en place une approche au niveau de l’entreprise. »
Qui plus est, le report (trop) lointain de l’instauration de cette harmonisation peut également faire grimper les coûts. « Négocier avec les syndicats alors que l’échéance approche a inévitablement un prix. En commençant à temps, vous disposerez d’une certaine marge de négociation. Plus la date butoir approchera, plus le syndicat essaiera d’obtenir le meilleur plan possible. »
Il ne faut pas oublier l’impact du coronavirus. Non seulement l’attention de beaucoup d’entreprises risque de se porter en premier lieu sur les conséquences du Covid-19, ce qui fera passer d’autres questions importantes, comme l’harmonisation obligatoire, au second plan. Thierry Laloux : « Les coûts liés à cette harmonisation représentent également un risque supplémentaire pour de nombreuses entreprises. Seront-elles capables de les supporter ? Les perspectives économiques ne sont actuellement pas favorables. C’est pourquoi nous recommandons tout de même aux entreprises d’évaluer l’impact de l’harmonisation au plus vite et d’entamer les discussions avec les syndicats. Elles éviteront ainsi les mauvaises surprises après le 1er janvier 2025. »
Source: Mercer