Le Conseil Central de l’Économie (CCE) a publié des chiffres importants concernant le coût salarial horaire moyen en Belgique ainsi que dans les trois pays voisins: l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. La conclusion des organisations syndicales ne s’est pas fait attendre: selon ces derniers, il y a de la marge pour des augmentations substantielles de salaires en Belgique!
La loi du 26 juillet 1996 révisée en 2017 prévoit que le Conseil central de l’économie fasse un rapport sur trois mesures du handicap salarial :
- le handicap absolu des coûts salariaux;
- le handicap absolu des coûts salariaux corrigé pour le niveau de productivité;
- le handicap des coûts salariaux corrigé pour les diminutions de cotisations patronales et les subsides salariaux en Belgique et dans les États membres de référence depuis 1996.
Ces indicateurs complètent l’estimation du handicap des coûts salariaux, publiée dans le Rapport technique, qui est utilisée pour estimer la marge maximale disponible pour l’évolution des salaires en Belgique.
La réaction des organisations n’a pas traîné. Du côté de la CSC, le premier commentaire porte sur « les calculs effectués avec un logiciel truqué ».
La Loi sur la norme salariale de 1996, modifiée en 2017 par le gouvernement Michel, stipule qu’à partir de 1996, le coût salarial horaire en Belgique ne peut pas évoluer plus rapidement que la moyenne des coûts salariaux horaires aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Le CCE estime que, en vertu de la méthode de calcul durcie en 2017, l’écart salarial «officiel» par rapport à 1996 sera de 1,8% à la fin de 2024.
Toutefois, le coût salarial horaire moyen réel des entreprises est nettement inférieur au coût salarial horaire utilisé pour établir la comparaison avec nos pays voisins. Les subventions salariales et certaines réductions de cotisations patronales ne peuvent pas être prises en compte dans cette analyse. C’est la résultante du fameux «logiciel truqué».
Les calculs effectués sans logiciel truqué
Le CCE calcule également la différence salariale réelle en tenant effectivement compte des subventions salariales et des réductions de cotisations sociales. La CSC souligne alors que le rapport du CCE stipule que ces subventions salariales et ces réductions de cotisations sociales sont en constante augmentation et représentent actuellement 5,6% de la masse salariale. C’est vingt fois plus qu’en Allemagne (0,24%) et cinq fois plus qu’en France (1,22%) ou aux Pays-Bas (1,01%).
Si l’on tient compte de ces éléments, on constate que le coût salarial horaire moyen belge en 2022 est inférieur de 3,8% au coût salarial horaire moyen des pays voisins. Étant donné que les salaires belges ont pris de l’avance par rapport aux salaires des pays voisins en raison de l’indexation automatique des salaires en 2022 et 2023, on peut s’attendre à ce que notre écart par rapport aux pays voisins se creuse encore dans les années à venir, car ces derniers effectuent actuellement un mouvement de rattrapage.
Pour effectuer une comparaison équitable, il faut également tenir compte de la différence de productivité entre notre pays et les pays voisins. En effet, un travailleur belge est nettement plus productif que son homologue allemand, néerlandais ou français. Si l’on considère le coût salarial horaire par rapport à la productivité horaire, un travailleur belge est 2,8% «moins cher» que son collègue étranger, malgré un coût salarial horaire belge plus élevé.
Le syndicat chrétien veut donc rappeler qu’ill existe bel et bien une marge pour des augmentations salariales substantielles dans notre pays. « Les bénéfices historiquement élevés affichés par les entreprises en attestent. Le rapport du CCE montre que la rentabilité (nette) des entreprises belges est aujourd’hui nettement supérieure à la moyenne des trois pays voisins; seules les entreprises néerlandaises sont encore légèrement plus rentables que les entreprises belges. En Belgique, la loi très rigide sur la norme salariale maintient cependant l’évolution salariale dans un carcan artificiel. Les marges de négociation minimales – voire inexistantes – générées par cette loi rendent impossibles les négociations salariales sectorielles, qui garantissent que tous les travailleurs bénéficient de l’amélioration de la prospérité. Les employeurs appliquent alors une augmentation salariale individuelle – illégale au sens strict – pour fidéliser leurs travailleurs.
Nous notons également que grâce au système d’indexation automatique des salaires, le pouvoir d’achat et la consommation intérieure sont restés stables. Ce qui a même permis à notre économie de croître de 1,5% l’an dernier. Par rapport aux pays voisins, cela représente une croissance plus forte de 1,3 point de pourcentage. Avec des négociations salariales équitables dans un cadre équilibré, notre économie se porterait encore mieux. »
La FGTB a elle aussi réagi d’emblée en rappelant qu’il faut en finir avec les rapports catastrophistes sur notre « coût salarial ». La loi de 96 (loi sur la norme salariale) se révèle une fois de plus dépassée. Il est urgent de la démanteler pour que les syndicats retrouvent la liberté de négocier de vraies augmentations de salaires.
Le syndicat socialiste affirme qu’il existe une marge pour des augmentations salariales dans un avenir proche. En effet, le handicap des coûts salariaux calculé selon la loi ne tient pas compte des subsides salariaux ni des réductions de cotisations. Si l’on tient compte de ces éléments, les coûts salariaux belges semblent avoir augmenté de près de 4 % plus lentement depuis 1996 que dans les pays voisins.Pour le prochain gouvernement, une réforme de la loi de 1996 devrait être une priorité absolue, car le calcul du handicap salarial n’est pas un indicateur fiable de notre compétitivité. Le gouvernement belge a été réprimandé par l’Organisation internationale du travail (OIT) à cause de cette loi.
Sources: CCE – Rapport 2023 sur le handicap des coûts salariaux – CSC – FGTB