L’épargne-carrière est déjà entrée dans les moeurs malgré l’absence de cadre légal: les employeurs y sont favorables pour autant que les coûts salariaux n’augmentent pas.

Près de 70 % des employeurs voient l’épargne-carrière comme une opportunité, à condition que les frais salariaux n’augmentent pas. 1 entreprise sur 3 offre actuellement à ses collaborateurs la possibilité « d’acheter » d’une manière ou d’une autre du temps, bien qu’il n’existe pas encore de cadre légal à cet égard. Elle permet à ses travailleurs d’acheter des jours de vacances supplémentaires avec leur salaire, un bonus ou une prime, voire d’épargner des heures supplémentaires ou des congés extralégaux. L’entreprise répond ainsi aux désirs de son personnel de s’absenter plus longtemps de son travail à un moment donné de sa carrière.

L’épargne-carrière est une réalité. Et pas seulement dans les commissions paritaires qui travaillent à une structure visant à l’encadrer. Il s’agit de l’un des éléments de la loi sur le travail faisable et maniable de 2017. Elle crée un cadre dans lequel des accords peuvent être conclus afin d’offrir aux travailleurs la possibilité d’épargner, au cours de leur carrière, un crédit d’heures ou de jours et d’utiliser le solde épargné en temps voulu tout en conservant leur salaire. L’épargne-carrière est donc, en quelque sorte, un assouplissement du droit de s’absenter du travail.

30 % des participants ont répondu par l’affirmative à la question : « Peut-on déjà, d’une manière ou d’une autre, “acheter” du temps dans votre organisation ? »

Amandine Boseret, conseillère juridique chez Acerta, déclare : « Si vous vous demandez comment les employeurs répondent actuellement à la demande des travailleurs de s’absenter plus longtemps de leur travail, la majeure partie d’entre eux se tourne toujours vers des solutions qui ont fait leurs preuves telles que le crédit-temps et le congé parental. Toutefois, il existe également des solutions plus créatives : convertir la prime de fin d’année en jours de vacances supplémentaires par exemple, éventuellement en tant qu’élément d’un plan cafétéria (un package salarial flexible et personnalisé). »

67,6 % sont disposés à introduire l’épargne-carrière

En plus de s’intéresser à la situation actuelle, Acerta a également interrogé les membres de son panel sur l’avenir de l’épargne-carrière. 67,6 % sont ouverts au concept.

Les employeurs voient en l’épargne-carrière une alternative au crédit-temps et au congé parental, ainsi qu’un moyen de répondre aux souhaits de leurs travailleurs, d’augmenter la rétention et de favoriser leur employabilité. « Les options qui s’offrent au travailleur s’il désire s’absenter de son travail pour une période plus courte sont limitées. Le congé parental, même avec des conditions d’application plus souples, demeure tout de même une absence plus longue et moins flexible, ce qui ne constitue pas le scénario le plus souhaitable pour de nombreux employeurs en période de pénurie sur le marché du travail. Il n’est dès lors pas surprenant que les employeurs voient l’épargne-carrière comme une opportunité. Ils sont d’ailleurs déjà nombreux à se pencher sur la question. »

Tant que les frais salariaux n’augmentent pas

L’épargne-carrière suscite le vif intérêt des employeurs, qui voient également en grand les possibilités de sa mise en œuvre. Un tiers d’entre eux pensent à 10 jours supplémentaires à épargner, près d’un quart sont prêts à aller jusqu’à 20 jours et 23 % n’imposeraient même pas de limite du nombre de jours.

Les employeurs ne sont pas non plus très contraignants au sujet du délai dont les travailleurs disposeraient pour prendre les jours épargnés : seulement 24 % des employeurs indiquent que les heures épargnées doivent être prises dans un délai de six mois ou d’un an ; 38 % d’entre eux n’ont pas l’intention d’imposer une date limite.

Utiliser les jours épargnés en fin de la carrière afin d’avancer la date de la pension constitue également une possibilité pour 85 % des employeurs. La seule réserve qu’ils émettent : cela ne doit pas impliquer une hausse des frais salariaux.

Une question importante, surtout si le temps épargné est transféré pour une longue période : qu’en est-il du salaire payé au moment où le travailleur prend effectivement son temps épargné ? Est-il payé selon le salaire qui était en vigueur au moment où ce temps a été gagné ou au moment de la prise du temps épargné ?
Amandine Boseret précise : « Les employeurs ne désirent pas s’éloigner du salaire payé au moment où les jours ont été épargnés. Si une augmentation de salaire intervient entre l’épargne et la prise des jours, l’employeur versera le salaire initial et non un salaire majoré. Nous estimons que leur réserve est justifiée. »

Bientôt une première CCT ?

Certaines commissions et sous-commissions paritaires – notamment la CP de l’industrie et du commerce du pétrole, la CP de l’industrie chimique, la CP 200 pour les employés et la CP du transport urbain et régional – ont inscrit l’épargne-carrière à l’ordre du jour de leurs réunions. Elles ont par conséquent l’intention de conclure une CCT ou à tout le moins d’offrir la possibilité d’engager des discussions à cet égard au niveau de l’entreprise[1]. D’autres nouvelles à ce sujet sont attendues vers le mois de septembre, lorsque le délai de six mois suivant la saisine aura expiré. Toutefois, entre 2017 et aujourd’hui, les employeurs et les travailleurs ont évidemment pu réfléchir à l’épargne-carrière, à leur disposition à l’introduire ou non et à la manière dont il faudrait s’y prendre.

Les candidats avec un « sac à dos » sont toujours les bienvenus.

Une réserve émise d’un point de vue théorique sur l’épargne-carrière était que le système pourrait un jour bloquer le marché de l’emploi. Un employeur n’opterait pas pour un candidat qui a déjà épargné du temps ailleurs. Dans ce cas, les travailleurs se verraient obligés de rester chez leur employeur jusqu’à ce que leur « sac à dos » soit épuisé et que leur temps épargné soit pris dans sa totalité. Cependant, la majorité des employeurs voient les choses différemment : 63 % d’entre eux auraient bel et bien embauché le candidat au « sac à dos ». Ils émettent là encore une réserve au sujet des frais salariaux : si le travailleur prend les jours qu’il a épargnés ailleurs, ce n’est pas au nouvel employeur de payer.

Amandine Boseret ajoute : « Le fait que les employeurs n’ont que rarement recours à l’épargne-carrière de manière spontanée est peut-être dû à l’absence de cadre légal. Elle peut pourtant représenter une solution (partielle) à certains défis. Nous constatons par exemple que l’option “vacances” est populaire dans un plan cafétéria – le travailleur réserve donc réellement une place pour le temps libre dans sa rémunération. La voie de l’épargne-carrière reste ouverte. Quiconque désire faire de l’épargne-carrière un avantage RH supplémentaire pour son entreprise ne doit pas attendre plus longtemps. »

Source : le panel d’ACERTA se compose de 679 membres soigneusement sélectionnés parmi des entreprises de petite, moyenne et grande taille. L’enquête a eu lieu entre le 17 juin et le 8 juillet 2019 et 113 participants y ont pris part. Les participants exercent les fonctions suivantes : CEO, directeur RH, HR business partner, manager RH ou responsable payroll.

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