A lire dans votre Peoplesphere n°200 consacré aux CEO’s qui fondent leur stratégie de croissance sur le facteur Humain. Interview d’Alexandre Gérard, patron de Chrono Flex en région nantaise (France)
En digne représentant des patrons d’entreprises libérées, Alexandre Gérard ne pouvait être absent de notre dossier consacré aux CEO qui s’impliquent sans réserve en matière de People Management. Il faut en effet une énorme confiance envers les travailleurs pour décider de leur confier les ‘clés du camion’. Reste à comprendre comment piloter une entreprise qui s’est débarrassée des attributs du pouvoir?
L’histoire de Chrono Flex, entité de pointe au sein du groupe Inov-on piloté par Alexandre Gérard, est liée à la crise mondiale déclarée en 2008* (voir encadré). La transformation de l’entreprise et l’adoption d’une nouvelle philosophie de gestion sur le plan humain a débuté à ce moment précis en effet. Alexandre Gérard nous explique la génèse de la démarche: “Après 15 ans de belle croissance (de 1 à 300 personnes), la crise de 2008-09 nous a frappé de plein fouet. Moins 34 % de chiffre d’affaires sur un seul exercice. Pour sauver la boîte, il a fallu licencier. Ce fut un vrai traumatisme et, en ce qui me concerne, le déclencheur d’une véritable obsession : comment ne jamais revivre ça? Devoir licencier des collaborateurs qui ne performent pas dans l’organisation, pas de problème. Mais être amené à se séparer de collègues de valeur que l’on aime, avec lesquels nous avons réalisé des prouesses, c’est insupportable. »
Sur quels principes Alexandre Gérard allait-il donc refonder son organisation post-crise économique ? « Cela commence par un travail sur soi, à mon niveau donc, afin de permettre à l’organisation de changer. Ensuite, il faut veiller à créer, autant que faire se peut, un environnement ou les équipiers pourront se révéler. La clé de voûte du système ? La vision partagée et les valeurs. Et au cœur de l’organisation : la confiance. Pour y arriver, il faut que je sois à une certaine distance de l’organisation. Pas trop proche afin de laisser de l’espace (qui se traduit généralement par de la prise d’initiative) et pas trop loin pour assurer mon rôle de gardien. »
Gérer les égos
Les objectifs poursuivis par le CEO sont identiques à ceux qui sont à l’agenda de la plupart de ses pairs : renforcement de l’engagement des collaborateurs, développement de l’agilité de l’organisation, amélioration des performances économiques. Rien de bien nouveau là-dedans… Mais c’est la recherche de pérennité qui est en jeu et l’assurance que l’entreprise a bien tiré les enseignements de la période trouble qu’elle vient de traverser. Les principes à l’origine de l’entreprise libérée sont faciles à comprendre. Leur mise en œuvre n’est pas évidente pour autant. «L’ego et le poids culturel sont assurément les premiers freins dans la mise en place des ce type d’organisation», reprend Alexandre Gérard. «Un autre point est qu’il faut se connecter à l’intelligence émotionnelle dans le cadre du boulot pour animer ce type de d’organisation, ce qui est un véritable challenge pour un très grand nombre de dirigeants. »
Dix-huit mois de préparation ont été nécessaires pour notre interlocuteur, entouré de son premier cercle composé de huit managers. «Ce travail dans l’ombre a permis d’officialiser la démarche en janvier 2012 et d’aller plus loin dans notre mutation.»
Perspectives d’évolution ?
Dans le cadre de l’entreprise libérée, synonyme d’une organisation ‘plate’, la question des perspectives d’évolution que l’entreprise peut à ses collaborateurs se posent rapidement… Les responsabilités étant partagées, comment le dirigeant peut-il encore répondre aux aspirations des travailleurs en matière de développement personnel. Alexandre Gérard répond : «Grandir veut-il dire devenir chef ? Je ne suis pas sûr de cela. Il n’existe pas à ma connaissance de lien entre bonheur et pouvoir. Si grandir veut dire ‘faire le job que j’aime’, ‘pouvoir me réaliser’, ‘apprendre de nouvelles choses’, ‘innover’, ‘inventer’, ‘décider par moi même car on me fait confiance… Alors, nous sommes en capacité de proposer un vrai parcours de vie à chaque collaborateur, sans exception.» Ce qui constitue un progrès énorme puisque l’évolution n’est plus ‘réservée’ uniquement à celles et ceux qui exercent une forme de responsabilité. «Pour notre part, nous invitons chaque équipier qui souhaite tester sur une nouvelle idée de Business de se lancer au cœur de l’écosystème du Groupe Inov-On. »
Question de pouvoir
La formule de l’entreprise libérée ne convient pas à tout le monde, nous le savons déjà. Certains travailleurs ont besoin d’un encadrement et d’une hiérarchie au sens traditionnel. Ils sont prêts à fonctionner dans une structure stable (une forme qui tend à disparaître aujourd’hui…). Difficile pour ceux-ci de performer dans un environnement qui cultive la prise d’initiative et de responsabilité en permanence. « Mais nous savons que tout le monde est capable. Les gens achètent leur maison, leur voiture, prennent des décisions tous les jours. Ils sont donc en capacité d’agir de la même manière quand ils sont au boulot. Les seules personnes qui éprouvent des difficultés dans ce nouveau contexte, ce sont celles qui ont besoin d’exercer leur pouvoir sur d’autres ! »
Il peut arriver de voir la confiance accordée à priori à un collaborateur mise à mal. Mais cela ne semble pas de nature à mitiger l’orientation ‘People’ de la stratégie du groupe : «Ce type de chemin est long. Il s’inscrit dans la logique de la courbe d’apprentissage. Si un équipier n’a pas encore réussi, comment puis-je l’aider à grandir afin qu’il trouve la solution la prochaine fois ?» poursuit Alexandre Gérard.
Et maintenant ?
L’entreprise libérée n’est pas un état. C’est un chemin. Avec 300 personnes, 40 team leaders et 4 animateurs de groupe, la structure d’Inov-On est forcément amenée à évoluer. Alexandre Gérard confirme : « Nous allons nous organiser en cercles. Le premier est consacré à l’Innovation, le deuxième au Business et le troisième à l’Organisation. Nous allons aussi introduire un système de parrainage directement inspiré de ce qui existe chez Gore. Ensuite, nous voulons mener un processus d’autoévaluation axé sur trois dimensions : le savoir-être, le savoir-faire et le savoir-voir. » Chaque collaborateur prend donc en charge sa propre évaluation et celle de son équipe. Mais en quoi consiste cette troisième dimension, le savoir-voir ? « Il s’agit de développer notre capacité de nous projeter dans le futur, de développer une vision et d’envisager la manière d’y contribuer. Nous voulons par ce biais avoir un impact positif sur la contribution de chacun à la vision d’ensemble. »
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