« Nous avons besoin de vraies solutions pour organiser la migration légale de main d’oeuvre. »

Supposons que vous soyez un employeur à la recherche d’un nouveau travailleur. Vous publiez une offre d’emploi, mais en raison de la pénurie de main-d’œuvre, vous ne trouvez pas de candidats et décidez donc de chercher à l’étranger. Cependant, attirer des travailleurs étrangers constitue un véritable défi en raison des longs délais de traitement du permis unique (permis combiné de séjour et de travail), pouvant durer jusqu’à six mois, et des conditions strictes qui y sont attachées.

Alors que les tracasseries administratives vous donnent mal à la tête, vous tombez sur l’annonce suivante : une entreprise portugaise peut vous fournir un travailleur brésilien en une semaine. Plus rapidement ET à moindre coût. Le choix est vite fait. Le problème est réglé, votre poste vacant est pourvu, la production de votre entreprise est rétablie et vous avez évité les interminables délais d’attente.

Détachement vs. permis unique

L’entreprise portugaise a recours à un système de détachement. Ce faisant, elle fournit des services plutôt que des travailleurs. C’est un système qui a ses propres mérites – pensez à ASML qui envoie temporairement des collaborateurs pour installer une machine -, mais le détachement est trop souvent utilisé comme une échappatoire pour éviter les longs délais de traitement du permis unique. Dans de nombreux cas, il y a transfert de l’autorité patronale, ce qui fait qu’il s’agit en pratique d’une mise à disposition illégale plutôt que d’un détachement. Qu’est-ce que cela signifie au juste ?

Dans notre pays, la mise à disposition est strictement réglementée. Le travail intérimaire est l’un des seuls moyens de transférer légalement l’autorité patronale à un autre employeur (l’utilisateur). Cela garantit une forte protection sociale au travailleur intérimaire : il reçoit le même salaire que celui auquel il aurait droit s’il était engagé en fixe chez l’utilisateur. En outre, il acquiert également des droits sociaux en Belgique. Ajoutons que l’intérim ne peut être organisé que par des entreprises disposant d’un agrément régional dans notre pays.

L’entreprise portugaise en question fait donc un usage abusif du détachement, ce qui correspond à de la mise à disposition illégale. Elle joue ainsi le rôle d’une entreprise de travail intérimaire sans être agréée. Or, c’est précisément en raison des longs délais d’attente pour obtenir le permis unique que les entreprises de travail intérimaire agréées en Belgique ne peuvent pas concurrencer ces détachements illégaux. En outre, le travailleur migrant n’a aucune garantie d’un salaire équivalent et ne se constitue pas de droits sociaux dans notre pays. L’utilisateur belge n’est souvent pas conscient de la fraude sociale qui est ainsi organisée.

Enfin, il est très difficile pour notre inspection sociale d’avoir un contrôle sur l’entreprise portugaise qui opère depuis l’étranger. L’exploitation sociale qui peut se produire dans cette zone grise conduit le politique à imposer des mesures de contrôle plus strictes et des charges administratives pour les filières légales. Ce qui a pour effet de rendre le détachement encore plus intéressant. On entre ainsi dans un cercle vicieux dans lequel les canaux de travail légaux perdent du terrain au profit des canaux illégaux. Et ces constructions privent les caisses de l’État de pas moins de 4 milliards d’euros de recettes.

Un débat de fond, loin des slogans

Federgon estime que le débat relatif à la migration de la main-d’œuvre mérite une discussion plus approfondie et plus nuancée que des slogans simplistes et des déclarations tranchées. Pourtant, notre pays, où bientôt une personne sur quatre sera pensionnée et où les pénuries sur le marché du travail sont déjà très marquées, ne peut se passer des travailleurs migrants. Les manques de main-d’œuvre sont actuellement criants.

Federgon appelle donc les prochains gouvernements fédéral et régionaux à développer une vision globale de la migration professionnelle afin qu’elle puisse se dérouler de manière ordonnée et légale, en se concentrant sur une procédure de permis unique plus rapide et plus simple et sur un renforcement de l’inspection sociale. Cela profitera non seulement à nos entreprises, mais aussi aux travailleurs et aux finances publiques. Ayons un débat de fond sur la migration de la main-d’œuvre, loin de tout slogan simpliste.

 

Source: Andreas Valkiers – Legal Director @Federgon

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