Manque d’ambition et focus exclusif sur le marché local, l’économie wallonne souffre de la taille limitée de ses entreprises. Comment expliquer le problème de croissance de celle-ci?L’enquête menée par EY auprès d’un échantillon d’entreprises wallonnes (petites, moyennes et grandes) et auprès d’une série de ‘serial entrepreneurs’ révèle que les entreprises wallonnes restent encore trop souvent dans leur zone de confort en se développant uniquement sur leur marché local, avec des clients qu’elles connaissent.
La croissance est un véritable enjeu de société pour la Wallonie. Dans un contexte de vieillissement de la population, de finances publiques encore fragiles et de concurrence internationale accrue, la croissance est essentielle pour permettre à la Wallonie de préserver son modèle social et assumer la transformation technologique de son économie. La croissance semble loin de constituer une évidence pour les entreprises et les entrepreneurs wallons. C’est ce que démontre la nouvelle étude menée par EY, qui a analysé un échantillon de PME et de grandes entreprises wallonnes afin d’identifier quels sont les freins à leur croissance. Cette étude a été complétée par une série d’entretiens qualitatifs avec d’entrepreneurs wallons aguerris, de professeurs d’universités et de représentants des pouvoirs publics wallons.
L’internationalisation n’est pas la priorité.
Certes, l’étude menée par EY montre que 9 entreprises wallonnes sur 10 ont l’ambition d’accroître leur chiffre d’affaires de manière significative à moyen terme. Mais lorsqu’on interroge ces mêmes entreprises sur les options stratégiques qu’elles comptent mettre en place pour croître, on ne peut que constater que ces options brident leur potentiel de développement. La plupart d’entre elles choisissent ainsi de se concentrer prioritairement sur des marchés et des clients connus, plutôt que de tenter l’aventure sur des nouveaux marchés, tant en Belgique qu’à l’étranger. L’internationalisation n’est clairement pas une priorité pour les entreprises wallonnes, notamment en raison de la barrière de la langue.
Plus étonnant : un grand nombre des managers et entrepreneurs interrogés soulignent que dans leur entreprise, il y a un choix conscient ou inconscient de ne pas chercher la croissance à tout prix. Autrement dit, beaucoup d’entreprises wallonnes font preuve d’une certaine timidité et font le choix délibéré de ne pas croître. « On ne peut que s’inquiéter des conséquences à moyen terme de cet attentisme pour la pérennité des entreprises concernées dans un environnement économique de plus en plus complexe et en constante évolution », souligne Marie-Laure Moreau, responsable Wallonie et associée EY.
Une culture favorisant peu l’entrepreneuriat
Quels sont les freins à la croissance cités par les entreprises wallonnes ? Sans surprise, les trois principaux facteurs cités sont le coût du travail, une fiscalité décourageante et une pénurie de talents. Si les choses semblent aller dans le bon sens pour les deux premiers facteurs cités, c’est surtout le troisième frein qui semble représenter l’enjeu le plus inquiétant pour la croissance future de l’économie wallonne. Il faut en effet des années pour ‘fabriquer’ des talents, en repartant de l’école primaire.
Un autre frein sur lequel il est plus difficile encore de travailler concerne le peu de culture entrepreneuriale en Wallonie. Les ‘serial entrepreneurs’ interrogés ont tous évoqué une culture wallonne favorisant peu la prise de risque, l’innovation et donc la croissance. C’est certainement pour cette raison qu’une entreprise wallonne sur deux dit ressentir un manque de reconnaissance de la société en général, même lorsqu’elle est un leader mondial sur son marché. De nombreuses « pépites » wallonnes expriment d’ailleurs clairement une volonté de discrétion, alors que leur exemple pourrait inspirer les entrepreneurs en herbe wallons.
La Wallonie doit soutenir davantage ses entreprises à fort potentiel
Comment faire pour créer un environnement plus favorable à la croissance ? Pour EY, la réponse se trouve dans l’éducation, la formation, l’aide à la création d’entreprises et les politiques de soutien à l’innovation, avec toujours l’objectif de continuer à développer l’esprit d’entreprendre et de mieux expliquer le rôle fondamental de la croissance dans l’évolution de la société wallonne.
Pour EY, il est également temps de prendre l’enjeu de la croissance à bras le corps en Wallonie en soutenant de manière plus structurée les entreprises à fort potentiel de croissance, afin d’en faire les « pépites » wallonnes de demain. « Nous pensons qu’il est temps de proposer aux entreprises wallonnes, dont le potentiel de croître a été validé, un programme régional de stimulation et d’accompagnement à la croissance », propose Marie-Laure Moreau, un programme qui ne peut se concevoir que sur base d’un partenariat entre les pouvoirs publics régionaux et le secteur privé.
Le ton est le même du côté de l’Union Wallonne des Entreprises. « Les politiques économiques des dernières décennies ont eu tendance à privilégier la création d’entreprises sans suffisamment s’intéresser à la croissance des entreprises », affirme Olivier de Wasseige, l’administrateur délégué de l’UWE. « Nos économies ont évidemment besoin de nouvelles entreprises, mais nous croyons qu’il faudrait un meilleur équilibre entre politiques de création et politiques de croissance. Notre sentiment est que la Wallonie devrait se doter d’un programme de soutien aux entreprises à fort potentiel. Mais à deux conditions : mener une réflexion approfondie, d’abord sur le processus de sélection des entreprises qui pourront bénéficier de ce programme, ensuite sur les supports qui seront proposés à ces entreprises. »