‘No talk tuesday’. Voilà le nom de l’initiative imaginée par Delta Lloyd Life afin de promouvoir le retour d’une forme de concentration sur le lieu de travail. Autant vous dire que celle-ci suscite un peu de scepticisme à l’heure où la communication (de plus en plus rapide et intense) et la dynamique collective ont démontré leur absolue nécessité pour le bon fonctionnement de nos organisations.
« Pouvoir travailler toute une matinée sans être dérangé, cela semble une utopie aujourd’hui », explique chez Delta Lloyd Life. « L’entreprise a lancé l’expérience No Talk Tuesday, durant laquelle les employés ont l’occasion de se déconnecter et de ne pas être joignables le mardi avant-midi (éteindre son gsm, son téléphone de bureau, ne pas planifier de meetings,…) et peuvent travailler sereinement, en étant concentrés. L’expérience a montré le besoin et la plus-value de tels moments de calme sur le lieu de travail. Cependant il semblerait qu’un principe unique “one-size-fits-all” ne corresponderait pas à chaque culture d’entreprise. La personnalisation et la sensibilisation sont les mots clés. » Elke Van Hoof, professeur et spécialiste du burn-out, analyse l’évolution du projet et formule quelques conseils destinés aux employeurs, pour assurer le succès de ce concept prometteur.
Trop de stimuli au bureau
Selon l’étude « En Quête Nationale de Santé » menée par l’assureur au cours de l’année dernière auprès de 1000 travailleurs, « il semblerait que 60% des travailleurs aient suffisamment d’énergie pour être productif au cours de la dernière partie de la journée, et 40% ont l’impression de ne jamais être prêts. Les heures les plus productives semblement souvent être les heures qui se situent avant et après la journées de travail, car les employés peuvent, lors de ces moments, travailler sans être dérangés. Cela vous est familier? Chaque employé a déjà vécu le cas : vous voulez enfin vous occuper du projet qui figure depuis des jours au planning, mais vous devez d’abord lire 50 courriels, dont la moitié sont finalement superflus. Lorsque vous avez finalement traité cette longue liste de courriels, dix nouveaux courriels arrivent subitement. Entre-temps, le téléphone n’arrête pas de sonner, tandis que les collègues ne cessent d’entrer et sortir, parce qu’ils ont une question à poser. Avant de vous en rendre compte, la journée de travail est presque finie, et vous n’avez toujours pas terminé ce projet. Il s’agit d’un phénomène omniprésent, auquel l’employé belge est de plus en plus confronté : l’accessibilité perpétuelle. De nos jours, tout et tous sont connectés en permanence. »
Précédemment, l’entreprise a mis en place des initiatives originales pour améliorer la santé physique de ses collaborateurs (yoga au travail, espace fitness, accompagnement professionnel des collaborateurs par le biais de tests physiques). Désormais, elle œuvre également au bien-être mental de ses collaborateurs avec No Talk Tuesday.
« Cette initiative vient des États-Unis, où les collaborateurs ont l’opportunité de travailler en silence le mardi pendant une demi-journée, sans être dérangés par leurs collègues. Pendant quelques heures, tous les stimuli sont éliminés et les collaborateurs peuvent se concentrer sur leur travail. Selon l’étude « En Quête Nationale de Santé », près de la moitié des employés belges est soumise à un stress régulier et 66% se montrent positifs vis-à-vis des initiatives telles que No Talk Tuesday. C’est pourquoi nous avons lancé notre propre expérience. Notre objectif ultime ? Permettre à nos employés de travailler efficacement et tranquillement, afin qu’ils rentrent chez eux satisfaits et détendus. En sa qualité d’employeur, l’entreprise souhaite non seulement collecter des données mais aussi contribuer activement à une meilleure santé de ses employés », déclare Davine Dujardin, porte-parole.
En pratique, « pendant trois mardis du mois de mars, il a été demandé aux employés d’éteindre leur téléphone et de fermer leur boîte e-mail au cours de la matinée. Pendant quelques heures, les collègues ne pouvaient pas se déranger en se posant des questions superflues. Pendant ce temps, chacun pouvait travailler séparément dans le calme et la concentration. Au cours du mois de mars, trois mardis matins ont été bloqués dans les agendas. Les réunions et les appels ont été prévus à d’autres dates. Un questionnaire a été distribué aux participants avant et après la matinée de silence. »
Quel rôle pour l’employeur ?
«Au travail, les gens sont submergés de stimuli, à présent : le téléphone fixe, le GSM, un flot de courriels, des collègues qui parlent ou qui désirent poser une question. Nous remarquons qu’il est, dès lors, difficile de se concentrer. Grâce à No Talk Tuesday, nous voulons aider nos employés à travailler de manière efficace et calmement, de sorte qu’ils ne subissent pas de stress et qu’ils puissent rentrer chez eux en étant contents, à la fin de leur journée de travail. Nous sommes heureux de constater que beaucoup de nos collaborateurs ont jugé que ce projet apportait une plus-value», explique-t-elle encore.
Le professeur en psychologie de la santé et spécialiste du burn-out, Elke Van Hoof, confirme l’importance d’une bonne communication intensive pour la réussite d’un tel projet : « Nous vivons à une époque où la multiplicité et la rapidité de l’information a créé l’illusion d’accessibilité absolue. Cela signifie que nous ne sommes pas habitués à ce qu’une personne ne soit plus directement disponible pour nous. Pour mener à bien ce type d’interventions, il convient d’organiser au préalable une bonne campagne d’informations. Idéalement, celle-ci sera aussi attrayante et inspirante. Le message, de même que la perspective, sont donc essentiels. Quand pouvons-nous attendre un feed-back ? Souvent, les collègues ne voient aucun inconvénient à patienter, si cela permet d’améliorer la qualité du travail. »