Sociologie de l’emploi de la population bruxelloise: comment sortir durablement des spirales négatives?

Une nouvelle recherche menée par HIVA – KU Leuven analyse la carrière des Bruxellois.
Comment se déroule-t-elle? Qui trouve plus facilement un emploi de qualité et durable? L’HIVA, l’institut de recherche sur le travail et la société affilié à la KU Leuven, a examiné ces questions et fournit pour la première fois, une image détaillée du recrutement et de l’évolution des carrières des Bruxellois.

Avec un large échantillon couvrant la période de 2009 à 2019, les chercheurs et chercheuses de l’HIVA ont utilisé pour la première fois des données sur la situation familiale, comme l’intensité du travail dans le ménage – combien de personnes travaillent au sein de la famille ? – et la position d’une personne au sein de sa famille. Autre première : l’HIVA a également analysé les familles monoparentales, donnant pour la première fois des chiffres détaillés sur ce groupe vulnérable. Quelles sont les conclusions de ce rapport ?

L’emploi mène à l’emploi : un cercle vertueux

Il est frappant de constater qu’une grande partie des Bruxellois ne sont pas passés d’un emploi à un autre, mais étaient plus susceptibles d’être sans emploi ou inactifs (percevant un revenu d’intégration, par exemple) avant le recrutement. Ceci est important car les résultats de l’analyse indiquent un lien fort avec la qualité et la durabilité des carrières : par exemple, l’étude constate que les Bruxellois qui sont au chômage avant d’être recrutés sont plus susceptibles d’occuper des emplois de courte durée avec des horaires flexibles et irréguliers. En revanche, les personnes qui travaillaient déjà et qui effectuent un changement d’emploi retrouvent plus souvent des emplois à temps plein, avec des contrats à plus long terme.

Parmi les Bruxellois qui cherchent un emploi ou qui reçoivent un revenu d’intégration et ont ensuite trouvé un emploi, environ 44 % ont toujours un emploi trois ans plus tard. Les Bruxellois qui avaient déjà un emploi avant le recrutement (et qui changent donc d’emploi) sont 74% à être toujours employés trois ans plus tard, un pourcentage bien plus élevé. De plus, les Bruxellois qui travaillaient déjà avant le recrutement sont aussi ceux qui ont le moins de chances d’être au chômage ou inactifs 3 ans plus tard, quel que soit leur niveau d’éducation, leur origine ou leur secteur d’emploi.

En résumé, si vous avez un emploi, vous avez beaucoup plus de chances d’avoir encore un emploi (différent) plusieurs années plus tard. Si vous alternez souvent des périodes d’emploi avec des périodes de chômage ou d’inactivité, vous avez plus de chances d’être confrontés à des périodes de chômage et à une carrière souvent moins durable.

La formation, un ticket d’entrée sur le marché (bruxellois) du travail

Un quart des Bruxellois récemment embauchés ont un faible niveau d’instruction et 46 % ont un niveau d’instruction élevé. Les Bruxellois sans diplôme du secondaire sont plus susceptibles de se retrouver dans des emplois à court terme avec des horaires irréguliers, d’être inactifs pendant plus longtemps avant le recrutement et d’être au chômage ou inactifs trois ans après le recrutement, quel que soit le secteur dans lequel ils sont employés.
Les chercheurs d’emploi bruxellois peu qualifiés et les Bruxellois inactifs constituent un groupe particulièrement vulnérable et ont moins de chances de trouver leur place sur le marché du travail. En revanche, les profils hautement qualifiés trouvent beaucoup plus facilement leur chemin vers le marché du travail, même s’ils étaient initialement sans emploi.

Les parents célibataires avec de jeunes enfants sont en difficulté

Les célibataires et les parents isolés sont plus susceptibles d’être inactifs pendant une longue durée avant le recrutement. C’est certainement le cas lorsque le parent isolé a un enfant de moins de 12 ans. Dans ce cas, seuls 20 % environ des parents isolés ont travaillé sans interruption au cours des deux années précédant le recrutement. Ce pourcentage double lorsque l’enfant a plus de 12 ans. ​
En outre, les célibataires et les parents isolés sont plus susceptibles de se retrouver dans des emplois de courte durée (moins de 3 mois), alors que les partenaires d’un couple trouvent des emplois plus durables d’un an ou plus. Les célibataires et parents isolés ont également plus de chance d’être au chômage ou inactifs 3 ans après leur recrutement.

Les familles sans emploi sont particulièrement vulnérables

L’étude montre des différences importantes entre les familles où tout le monde a un emploi et les personnes issues de familles où personne n’a d’emploi. Les premières sont plus susceptibles de changer d’emploi sans interruption, sont hautement qualifiées et se retrouvent dans des secteurs plus stables, tandis que les personnes issues de familles où peu de membres travaillent sont plus susceptibles d’alterner des périodes d’inactivité ou de chômage avec un emploi, sont plus souvent peu qualifiées et ont plus de chances que la moyenne de trouver un emploi dans des secteurs plutôt vulnérables tels que le secteur des agences d’intérim et l’HoReCa.

Tim Goesaert, chercheur senior en éducation et marché du travail à HIVA-KU Leuven : « D’une part, nous constatons qu’un grand nombre de Bruxellois se retrouvent dans des secteurs plus vulnérables tels que l’HoReCa, le commerce de détail et l’intérim. Ils constituent une importante voie d’entrée pour les jeunes, les personnes peu qualifiées et les Bruxellois d’origine extracommunautaire, mais n’offrent pas toujours des perspectives de carrière favorables, avec des périodes consécutives de travail et de chômage et des emplois de courte durée. En revanche, les Bruxellois d’origine belge ou européenne et les personnes hautement qualifiées ont plus de chances de se retrouver dans des secteurs plus durables tels que la finance, l’ICT et l’administration publique. La conclusions la plus importante est sans doute qu’avoir un emploi augmente la probabilité de continuer à être employé à l’avenir, indépendamment de l’origine, du niveau d’éducation ou du secteur. »

Bernard Clerfayt, ministre bruxellois de l’Emploi et de la Formation Professionnelle : « Ce n’est pas neuf : plus on est éloigné du marché du travail, moins on a de chance de décrocher un emploi. Cette nouvelle étude le confirme. Mais surtout elle me conforte dans la voie choisie pour permettre à plus de Bruxellois de décrocher un emploi : miser encore plus sur la formation ! Et c’est grâce au bilan de compétences linguistiques, numériques et professionnelles complété d’un parcours de formation que les chercheurs d’emploi bruxellois pourront se profiler sur le marché de l’emploi et être rapidement embauchés. »

Cristina Amboldi, directrice générale d’Actiris : « Les résultats de cette enquête montrent que nous ciblons déjà les groupes les plus vulnérables, mais nous devons sortir au plus vite de la spirale négative qui menace certains bruxellois sans emploi. C’est ce que nous voulons faire avec les objectifs stratégiques de notre nouveau Contrat de gestion : un accompagnement sur mesure aussi bien pour les chercheurs d’emploi que les employeurs, avec une attention particulière pour les secteurs qui recrutent, entre autres. Nous allons également accompagner plus intensivement les chômeurs de longue durée en travaillant avec eux sur les freins qu’ils rencontrent dans leur recherche d’emploi, en mettant un accent sur le développement de leurs compétences. »

Cathy van Remoortere, directrice de la de la Direction Marché de l’Emploi et Inclusion d’Actiris : « Cette étude confirme de nombreux éléments que nous connaissions déjà ou que nous soupçonnions, mais il est particulièrement précieux de pouvoir les objectiver de manière aussi détaillée et sur une période aussi longue. En outre, de nouveaux paramètres tels que l’influence du travail au sein de la famille ou l’impact de la prise en charge de (jeunes) enfants sur une carrière ont été étudiés en profondeur pour la première fois. Les conclusions montrent que les défis sont et restent importants. Je tiens à remercier sincèrement les chercheurs de HIVA pour le travail accompli. »

 

Source: Actiris

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