Chaque année, en novembre, la presse quotidienne fait écho d’une croissance alarmante des cas de burn-out. Loin de contester la réalité de la charge psycho-sociale qui pèse sur certains travailleurs, nous avons voulu analyser et comprendre l’évolution des chiffres et les raisons de ce cri d’alerte qui constitue désormais un rendez-vous annuel pour la presse, ce que l’on appelle un ‘marronnier’… Un article paru dans l’édition n°208 de votre magazine Peoplesphere (édition francophone).
La lecture de la presse quotidienne lorsque l’hiver s’annonce peut s’avérer angoissante pour les acteurs du marché du travail. A cette période de l’année en effet, la quasi-totalité des médias lance un cri d’alerte autour de la thématique du burn-out. Posons-nous la question suivante, sans la moindre forme de cynisme : et si cela n’était qu’une question de saison ? Avec pour conséquence l’aggravation d’un climat anxiogène plutôt destructeur pour celles et ceux dont la santé et la motivation vacillent.
L’exercice est simple. Voici les données diffusées via les supports généralistes, tous réseaux confondus : « L’épuisement professionnel a un nom qu’on entend très souvent : le burn-out. En Belgique, en 2015, 8.208 personnes étaient en invalidité pour burn-out, dont 555 indépendants. Ces chiffres ne reflètent pas la réalité. Ils ne concernent que les travailleurs qui sont en incapacité de travail depuis plus d’un an. . Ils seraient donc bien plus nombreux que ça à souffrir d’un burn-out les empêchant de travailler. Si l’on se base sur les données de l’Institut national d’assurances maladie-invalidité (Inami), on constate que le nombre de personnes dans cette situation a doublé en cinq ans. En 2010, 4.574 salariés se débattaient contre le burn-out depuis plus d’un an. Ils étaient 7.653 en 2015. » Puis d’insister sur l’impact de la situation sur les comptes de la sécurité sociale : « Selon l’Inami, la problématique du burn-out (longue durée) a coûté 106.729.881,61 euros en 2015. Plus de 99 millions d’euros de cette somme ont été consacrés aux indemnités des personnes salariées arrêtées. »
Rien de nouveau sous le soleil…
Remontons le temps ! Même période, douze mois plus tôt. La presse quotidienne relevait que « les statistiques de l’INAMI montrent que les cas de dépressions et de burn-out ont plus que doublé, presque triplé, entre 2007 et 2014: on est passé de 29.112 à 83.155 cas par an. Il ne s’agit que des Belges sortis du marché du travail pour une période supérieure à un an et indemnisés par la Sécurité sociale. A côté de cela, on peut estimer que les arrêts maladie inférieurs à un an sont au moins aussi nombreux. »
Le monde du travail est naturellement mis en cause : « Le Dr Michel Muller, médecin du travail, explique que le concept de « burn-out » n’était pas connu de telle façon il y a vingt ans et que l’extension du phénomène est lié à l’importance de la charge de travail, son organisation, avec dans certaines entreprises un contrôle très important sur l’activité de travail, très peu de moments de récupération et peu de soutien des collègues et de la hiérarchie. Selon l’OMS, la dépression constituera en 2020 la deuxième cause de maladies chroniques derrière les maladies cardio-vasculaires et devant le cancer. La crise économique sans fin et son corollaire, les conditions de travail, en sont les causes majeures : on prévoit qu’un quart des adultes souffrira dans sa vie d’un épisode dépressif. »
Si nous poursuivons notre voyage dans le temps pour nous plonger en novembre 2012, nous apprenons que « l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami) n’a jamais fait face à une telle situation. Les maladies mentales – à plus forte raison les dépressions, les troubles bipolaires et la schizophrénie – font de plus en plus de victimes parmi les Belges.
Ainsi, de juin 2011 à juin 2012, près de 95.000 personnes ont été indemnisées pour des troubles psychosociaux. Soit 4.000 de plus qu’en juin 2011 (91.000 bénéficiaires) et 9.000 de plus qu’en 2010 (86.000)! On parle ici des personnes qui sont sorties du marché du travail depuis plus d’un an, qui représente une période d’incapacité primaire. L’Inami leur octroie ensuite une pension d’invalidité. »
Dédramatiser la réalité?
Le nombre de situations assimilées à l’épuisement professionnel est en augmentation régulière, cela constitue un fait objectif. La possible reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle à l’avenir devrait en outre confirmer la tendance. Que le mois de novembre soit retenu pour attirer l’attention sur une situation préoccupante, soit ! Mais il est probable que nous assistions à un phénomène de saison, en ligne directe avec la dépression hivernale. De la même manière, sans surprise donc, c’est à l’entame du printemps – le 20 mars précisément – qu’est décrétée la journée mondiale du bonheur.
La logique médiatique en vogue, consistant à publier ce que les audiences-cibles veulent lire et entendre aurait-elle pris définitivement le pas? Elle risque cependant de nous éloigner d’une logique d’anticipation et de prévention, face à des chiffres qui peuvent sembler de plus en plus alarmants. Car au-delà du constat ‘amusant’ d’une information qui se répète d’année en année, il faut bien mentionner qu’aucune solution ni démarche positive n’est relayée auprès de celles et ceux qui se reconnaissent dans la réalité sombre du marché du travail aujourd’hui. A nous de jouer !
Jean-Paul ERHARD
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