Dans le chaos ou dans le changement, quel espace le leader doit-il occuper à l’intérieur de son organisation? Comment doit-il gérer au mieux sa visibilité vis-à-vis de son équipe et de ses collègues? Faut-il s’effacer au profit des talents qui s’expriment ou, au contraire, faut-il occuper le devant de la scène à tout prix afin de s’assurer que toutes et tous puissent avoir sans cesse ce point de repère indispensable et toujours comprendre quel est le sens de la marche? Trop présent, le leader est étouffant. Pas assez, il est indisponible voire inaccessible. Comment s’adapter aux attentes de nos collaborateurs en matière de management de proximité?
Le leadership a connu sa phase ‘libératrice’, qui visait à promouvoir l’autonomie à tout prix. Pour que cela fonctionne, il fallait que la responsabilisation des équipes soit au coeur des projets de transformation et des cultures d’entreprise en phase de réinvention. Nous sommes entrés depuis lors dans une nouvelle période. A l’échelle sociétale et au niveau de l’entreprise, nous assistons aujourd’hui au retour des modèles autoritaires. En tout cas, l’attente de leaderships forts est là. Elle invite nos managers à revoir peut-être la façon de gérer leur présence, leur visibilité, la distance idéale avec leurs collaborateurs directs…
Qui définit le rythme de l’équipe?
Sans leadership, les équipes n’avancent pas… Qu’il s’agisse d’impulser le rythme ou de le réguler, nos managers restent au centre de l’attention lorsqu’il faut décider d’accélérer ou de ralentir. Le collectif se tourne inévitablement vers celui ou celle à qui on a confié les rênes de l’organisation. Oh, bien sûr, l’image n’est pas glorieuse mais nos entreprises fonctionnent encore souvent comme une galère, où les coups de rame s’enchaînent au rythme des coups de tambour.
Il y a autant de métaphores que de consultants pour proposer un modèle de leadership inspirant aux dirigeants qui veulent embarquer leurs collaborateurs dans le projet d’entreprise. Tantôt une meute de loups mettant les seniors au premier rang, tantôt un navigateur en charge de trouver les courants favorables… Au fond, que le leader soit devant ou derrière, on s’en fout! C’est définitivement lui qui communique le projet mobilisateur et qui prend les arbitrages nécessaires quant aux priorités de l’ensemble.
Le risque de surinvestir la fonction de rassurance ?
Visibilité, disponibilité, présence… Tout ceci vise essentiellement à garantir à nos collaborateurs qu’ils ne seront pas seuls en cas de problème. Une des fonctions essentielles du leadership consiste à assumer les erreurs de l’équipe. Et d’introduire en agissant de la sorte une possible dérive en matière de déresponsabilisation? Oui, le danger est bien réel. Il faut donc trouver un moyen de le compenser en veillant à travailler sur deux registres différents (a minima)… La quête d’équilibre entre l’accompagnement et l’autonomie représente un chantier sérieux pour quelque manager que ce soit… Un chantier qui exige de garder sans cesse à l’esprit qu’il est essentiel de donner du feedback et, qu’il faut que ce feedback soit rapide et que nous puissions en valider sa bonne compréhension (car nous n’insisterons jamais assez sur l’importance de la répétition dans la communication. En effet, nous n’insisterons jamais assez sur l’importance de la répétition dans la communication…). Au final, cette présence du boss que nous dirons ‘ambivalente est déterminante dans le rapport à la prise de risque et d’initiative dans nos entreprises.
Collectif et efficacité, le vrai enjeu
Le tableau ne pourrait être complet si nous n’abordons pas la dimension collective. Au fond, constituer une équipe harmonieuse, qui réunit des gens qui s’aiment (ou qui aiment être ensemble de temps en temps, ce qui peut suffire), ce n’est pas très compliqué… Par contre, créer un collectif qui draine des émotions positives ET qui délivre de la puissance et de la performance, voilà un challenge supérieur. Qui nécessite une capacité inédite à recentrer l’attention sur les résultats lorsque les émotions débordent. Etre capable de saisir ces opportunités n’est sans doute qu’une ’simple’ question de clairvoyance…
En essayant de répondre à toutes les demandes, de s’adapter à tous les profils et d’éteindre tous les feux, les leaders pourraient bien perdre la tête… Il est certain qu’il n’y a pas de modèle unique. Toutefois, nous voyons émerger des schémas récurrents, prévoyant que le manager endosse à la fois un rôle d’animateur et d’arbitre, qu’il se positionne à la fois devant et derrière ses ’troupes’, qu’il intervient de manière décisive avant et après (la bataille)…
Le leader est davantage attendu aujourd’hui sur sa mobilité, sa capacité à être partout, tout le temps en adaptant son action à la nécessité du moment. Les plus intrépides iront jusqu’à cultiver une forme d’imprévisibilité, développant leur ‘mobilité’ à un point tel qu’ils sont souvent là où on ne les attend pas… Un autre moyen certainement de mettre nos organisations en mouvement!
Jean-Paul Erhard