Éditorial – Des collègues passés maîtres dans l’art de l’évitement et du report au lendemain… Nous pouvons arrêter l’hypocrisie.

Nous connaissons toutes et tous des collaborateurs qui ont développé une réelle expertise en matière de procrastination et de transfert de leurs tâches vers autrui. Nous ne les blâmons pas. Certain.e.s ont besoin de moments de respiration fréquents. D’autres s’ennuient carrément dans leurs fonctions. Et il y en a même qui ont sauté sur l’occasion lorsque le droit à la paresse est revenu hanter nos entreprises. En fait, ce que nous voulons attaquer ici, ce n’est pas la perte de productivité que ces comportements génèrent… C’est l’hypocrisie ambiante qui nous pousse à faire semblant de ‘ne pas savoir’ que nous souhaitons dénoncer. Un premier pas sans doute pour que ces ‘temps morts’ puissent être reconnus et pris en compte dans le temps de travail.

Ce sont des absences, des engagements non tenus, des imprévus, des impératifs personnels, des oublis… Autant de raisons pour lesquelles le travail ne peut pas être fait au bon endroit et au bon moment. Avec quelle réaction la plupart du temps? Aucune. Nous renonçons souvent à confronter les collègues qui n’y arrivent pas. A quoi bon ? La probabilité est grande que nous allons devoir gérer tantôt un conflit, tantôt un manque cruel de motivation. Il est peut-être temps de revoir notre grille de lecture.

Pouvoir reconnaître (et dire) lorsque l’envie n’est pas là.

Autant se l’avouer d’emblée, nous sommes ici dans le domaine de la santé mentale. Cela va faire bondir une série de dirigeants qui pourraient s’étouffer à l’idée que leurs collaborateurs qui pratiquent l’évitement sont avant tout en situation de mal-être. Dur à entendre, il est vrai… Pourtant, à l’analyse, nous voyons bien que la proportion d’escrocs parmi les personnes qui s’estiment totalement dégagées des obligations de leurs boîtes est infime. La plupart de celles qui ne jouent plus le jeu ne sont manifestement pas au mieux. Nous sommes moins bien armés que jadis pour vivre avec la contrainte. L’éducation, et l’économie, entre autres, ont vu se diluer le principe d’autorité. Arrêtons donc de faire semblant de croire qu’un ‘ordre’, une injonction, un claquement de doigt suffisent pour que la magie opère. Ce n’est plus notre réalité. Autant la prendre en compte de manière frontale en ayant la double capacité de dire et d’entendre une phrase toute simple : « ça va pas être possible ».

Intégrer aussi que nos rythmes ne sont absolument plus linéaires.

Une autre évolution à prendre en considération est celle qui est liée à la transformation de nos modes de consommation matérielle et intellectuelle. Nos capacités de concentration ne sont plus les mêmes. Dans les faits, nous nous ‘connectons’ et nous ‘déconnectons’ très vite. Les tâches sont morcelées. Nos aptitudes à rester focus sur un sujet le sont aussi. Notre esprit digresse sans cesse. Double effet : les tâches ‘longues’ nous semblent souvent insurmontables et le nombre de chantiers ‘ouverts’ simultanément est tel que les oublis sont nombreux. Il n’y a pas que du négatif dans ce constat! Cet éparpillement nous permet aussi de faire du lien entre les sujets, d’établir des relations peu évidentes entre des sujets qui méritent d’être abordés ensemble. A condition que nous parvenions à garantir une forme de continuité souhaitable dans nos schémas de pensée.

De vrais moments de liberté

La nature – et les managers – ayant horreur du vide, nous avons entrepris de remplir ces instants suspendus par des activités diverses et variées telles que la méditation pleine conscience, la pause musicale anesthésiante (aka ‘la sieste’), ou encore la promenade dans les bois… Ah, cette fâcheuse habitude qui consiste à nous emparer des ‘problèmes’ qui ne nous attendent pas au lieu de se pencher sur les vraies questions qui fâchent. C’est ainsi que nous envoyons dans des sessions perchées des collaborateurs.trices qui aimeraient tout simplement faire du shopping.
Nous n’avons peut-être pas compris que le besoin à rencontrer du côté des collaborateurs qui glandent est un pur appel à la liberté. En essayant d’offrir des ‘dérivatifs’ à nos collègues en panne d’énergie et de concentration, nous essayons de contrôler les moments d’absence de ces derniers alors qu’ils ne revendiquent au final que la possibilité de reprendre le leadership de leur vie pendant quelques heures.

Derrière cette forme de compréhension douce vis-à-vis de celles et ceux qui ‘décrochent’ du boulot quotidien, nous ne voulons pas accepter toutes les défaillances. Il s’agit plutôt de se conformer au principe de réalité. Celui des temps forts et des temps faibles déjà évoqué il y a quelques mois, ainsi que celui du travail nécessaire en matière de répartition juste de la charge de travail au sein de nos équipes…

Il nous faut ré-apprendre à lire le temps de travail qui est à coup sûr le débat le plus fondamental à tenir entre tous les partenaires sociaux dans les mois et années qui viennent.
Les rythmes sont redéfinis dans les faits et tant notre organisation que nos horaires n’ont pas encore été adaptés aux modes de vie des travailleurs. Sans doute parce qu’il est devenu ardu de les synchroniser pour aller chercher des gains d’efficacité collective. Un superbe défi en matière de People Management aujourd’hui…

Jean-Paul Erhard

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