Selon Marc de Vos, il existe de ‘bonnes’ inégalités. Dans son ouvrage intitulé ‘’Les Vertus de l’inégalité’’, le directeur d’Itinera et professeur en droit conteste les analyses des défenseurs de la redistribution des richesses (Stiglitz, Piketty…) afin de démontrer que les statistiques généralement diffusées quant aux inégalités dans nos sociétés sont souvent tronquées. Bien que reconnaissant que les inégalités ne cessent de s’accroître, il plaide avec insistance sur la nécessité de miser sur le mérite individuel afin d’améliorer le niveau de vie d’une classe moyenne de plus en plus importante. Nous nous accordons sur un élément, et un seul : la question de l’inégalité est bel et bien brûlante. Quant au reste…
L’analyse d’Itinera n’est ni erronée ni malhonnête. Elle est le signe, tout simplement, d’un fossé qui se creuse entre nos deux communautés linguistiques. La chose politique ne nous intéresse pas. Ceci étant, nous pouvons reconnaître que nous parvenons à vivre ensemble malgré l’évolution philosophique et sociologique quasi opposée de nos communautés : l’une qui, majoritairement, croit au modèle du struggle for life, l’autre qui rejette ce modèle de réussite pour parier sur une solidarité qu’elle ne parvient pas vraiment à mettre en oeuvre. D’une certaine manière, constatons que cette cohabitation relève de l’exploit !
Mais revenons à la question principale. Nous pensons que les inégalités ne sont ni bonnes ni mauvaises. Qu’elles existent et qu’elles ne peuvent ni ne doivent toutes être éliminées, c’est un fait établi. Nous entendons celles et ceux qui prétendent que les inégalités pourraient (devraient) avoir l’avantage de susciter l’émulation et donc d’activer naturellement ceux qui sont désavantagés aujourd’hui afin d’améliorer leur position. Mais la réalité quotidienne nous démontre que nos collaborateurs, nos amis, nos proches ne fonctionnent pas comme cela !
Nous pensons que les inégalités sont dangereuses lorsque nous renonçons à agir pour les réduire. On se détend : il ne s’agit pas d’annoncer une prochaine révolution qui permettrait d’extérioriser toute la frustration qui s’installe auprès de celles et ceux que le ‘système’ abandonne (car, bien sûr, les inégalités peuvent générer la violence…). Il ne s’agit pas davantage de remettre en cause le modèle de l’effort et du mérite individuel qui reste positif et véritablement moteur pour notre économie. Il nous semble nécessaire que nous répondions à une question simple : pourquoi?
Pourquoi visons-nous la performance? Pourquoi cherchons-nous à accumuler les bénéfices de notre travail? Que voulons-nous en faire in fine?
Nous serions bien inspirés d’y apporter une réponse qui puisse dépasser le stade de notre confort personnel, qui atteint rapidement un niveau satisfaisant, avant de virer à l’indécence. L’accumulation de richesses suscite rapidement l’ennui en notre for intérieur ainsi que du dégoût et du rejet dans le chef des spectateurs de notre réussite.
Posons-nous d’urgence la question du pourquoi… Les grands philanthropes de notre époque l’ont bien compris… En répondant, chacun à leur manière, à cette fichue question, ils ont mis au service d’une cause qui leur est chère leur capacité à agir au profit de quelques autres. Imaginons un peu… Cette démarche, appliquée à grande échelle, bouleverserait positivement l’équilibre du monde !
Jean-Paul ERHARD