Il y a un peu plus d’un an que la loi Peeters sur le travail faisable et maniable a été introduite. Le prestataire de services RH Acerta a recueilli le ressenti de 1700 travailleurs à ce propos. Il ressort de l’enquête que les travailleurs ont la volonté d’utiliser cette loi, mais qu’ils ne peuvent pas ou n’ont pas l’autorisation de le faire. Ainsi, plus de la moitié des travailleurs ne peuvent pas choisir quand la journée de travail commence et se termine. Par ailleurs, plus de 2 travailleurs sur 3 sont demandeurs de la possibilité de compenser des heures supplémentaires jusqu’à un an ou plus après les avoir prestées. Aujourd’hui, ce n’est possible que dans les trois mois suivant la prestation.
65 % des travailleurs sont favorables à l’idée de compenser des heures en plus à récupérer ou des heures supplémentaires un an ou plus après les avoir prestées, ressort-il de l’enquête menée auprès de 1700 travailleurs. La loi prévoit par défaut que cette compensation doit se faire endéans les 3 mois. Cette période peut être prolongée jusqu’à un an, mais le repos compensatoire devra être accordé au plus tard dans cette année.
La loi sur le travail faisable et maniable prévoit un nouveau type d’heures supplémentaires. Le travailleur peut, outre le régime d’heures supplémentaires existant, prester 100 heures supplémentaires en plus par an si l’employeur en éprouve le besoin. Ces heures supplémentaires ne doivent pas être récupérées ultérieurement. Les travailleurs sont, d’après leurs propres propos, ouverts à l’idée de prester des heures en plus pendant certaines périodes de leur carrière. Pas moins de 47 % des répondants déclarent vouloir utiliser la possibilité de prester des heures complémentaires, même si celles-ci sont payées conformément à leur salaire normal, sans indemnisation supplémentaire.
Dans la pratique, les chiffres du secrétariat social d’ACERTA indiquent que seules de très rares heures supplémentaires volontaires ont été enregistrées dans le payroll. Elles ne représentent que 0,11 % de l’ensemble des heures prestées.
Laura Couchard, juriste : « Une explication possible pour le succès limité des heures supplémentaires volontaires pourrait résider dans le fait que, pour ces heures aussi, un sursalaire doit être payé. L’employeur serait certainement plus disposé à proposer ces heures à ses travailleurs si celles-ci pouvaient être payées en suivant le salaire normal, sans supplément. Et il semble que près de la moitié des travailleurs se montreraient très satisfaits de pouvoir gagner un peu plus grâce à ce mécanisme. »
Par ailleurs, il ressort de l’enquête que les travailleurs sont ouverts à un régime de travail permettant de travailler plus à certaines périodes, et moins à d’autres. L’enquête menée auprès des travailleurs indique ainsi que :
● 73 % sont prêts à adopter un tel régime s’ils peuvent déterminer eux-mêmes le nombre d’heures de travail par semaine ;
● 69 % sont prêts à adopter un tel régime si les collègues peuvent déterminer entre eux le nombre d’heures de travail par semaine ;
● 54 % sont prêts à adopter un tel régime si l’employeur détermine le nombre d’heures de travail par semaine pour les travailleurs.
53 % n’ont pas accès aux horaires flottants.
L’enquête indique que 47 % des travailleurs interrogés peuvent choisir quand la journée de travail commence et se termine (en restant bien entendu dans les limites prévues). 71 % déclarent trouver ce choix d’horaires flottants ‘important’ ou ‘très important’. Il s’agit d’une augmentation de 25 % par rapport à l’enquête menée il y a deux ans. Laura Couchard : « Malgré cela, 53 % des travailleurs n’ont aujourd’hui toujours pas accès aux horaires flottants. Pour certaines fonctions, la mise en place d’horaires flottants va évidemment demander une certaine créativité, mais si vous réalisez en tant qu’employeur toute l’importance de cette possibilité aux yeux des travailleurs, cela reste malgré tout une opportunité pour faire la différence. Et sur un marché du travail étriqué, la moindre opportunité pour un employeur de se démarquer de la masse grâce à son attractivité vaut la peine d’être envisagée. »
Le travail à domicile/télétravail, de l’occasionnel au structurel.
41 % des travailleurs estiment que le travail à domicile/télétravail doit être possible pour leur position. 36 % des employeurs autorisent aussi effectivement le travail à domicile/télétravail dans leur entreprise, mais pas forcément pour l’ensemble des travailleurs. Ce sont principalement les employés, les cadres et la direction qui ont accès au travail à domicile/télétravail : ils représentent toujours 80 % des cas. La plupart du temps, cette possibilité de travail à domicile/télétravail est octroyée pour 1 à 2 jours par semaine. À noter : parmi les 64 % qui déclarent que le travail à domicile/télétravail n’est actuellement pas une option pour eux, 1/3 indiquent qu’ils aimeraient pouvoir en bénéficier.
« Il est évident que le travail à domicile a gagné en popularité. Nous le constatons aussi au travers des nombreuses questions reçues par ACERTA à propos de la mise en place d’un encadrement pour le travail à domicile. Nous nous attendons d’ailleurs à ce que le télétravail se généralise encore davantage à l’avenir, a fortiori si l’on tient compte de l’actuelle problématique de mobilité. Pour les dirigeants, cela implique une évolution de la manière dont ils évaluent leurs travailleurs. Les dirigeants vont devoir, plus qu’à l’heure actuelle, coacher et suivre un travailleur en fonction du travail fourni plutôt qu’en fonction de sa présence. »
67 % des travailleurs pourraient envisager d’économiser des vacances pour plus tard.
La loi sur le travail faisable et maniable a également ouvert la voie au compte épargne-carrière. Le compte épargne-carrière permet de ne pas rémunérer certaines prestations immédiatement (en temps de travail et argent), mais plutôt d’épargner ces éléments afin de les récupérer ultérieurement dans sa carrière. Pas moins de 69 % des travailleurs disent pouvoir envisager de travailler davantage pendant certaines périodes de leur carrière, pour avoir la possibilité de prester moins d’heures lors de phases ultérieures. La possibilité d’épargner des vacances pour plus tard trouve aussi un bel écho : 67 % y sont favorables. Laura Couchard : « Les syndicats sont plus réticents à cette idée que les travailleurs eux-mêmes. Les discussions à ce propos entre les partenaires sociaux sont en effet dans une impasse. Tant les syndicats que les employeurs mettent un frein à cette évolution parce qu’il n’est pas (encore) clair de ce que le compte épargne-carrière peut ou devrait contenir. Mais les parties devraient peut-être avant tout réaliser que pour le travailleur, la plus-value réside dans la possibilité de choisir lui-même. Le fait d’avoir son mot à dire pour différents aspects de son travail (comme les horaires et le lieu de travail, la trajectoire de carrière, la formation, le salaire…) augmente l’implication et l’engagement des travailleurs. Cela devrait être une motivation suffisante pour encourager à la concertation. La loi Peeters a ouvert des portes, mais certaines d’entre elles restent actuellement entrouvertes : il semble que les travailleurs aimeraient maintenant les ouvrir un peu plus. »
À propos des chiffres – Les données présentées proviennent de l’enquête bisannuelle réalisée au printemps 2018 auprès de 1700 travailleurs à la demande d’ACERTA par un bureau externe. L’étude a été menée avec un échantillon représentatif de la population active. Cette enquête est le pendant ‘travailleurs’ de l’enquête ‘CEO’ bisannuelle menée par ACERTA en 2017.