En 2019, les dépenses publiques belges, c’est-à-dire les dépenses primaires ainsi que les charges d’intérêts, se sont chiffrées à 52,1 % du PIB, contre 47 % en moyenne dans la zone euro. La Belgique a ainsi été le troisième pays dont les dépenses étaient les plus hautes, derrière la France et la Finlande. Ce niveau comparativement élevé dans notre pays date de plusieurs décennies. Le ratio des dépenses publiques a particulièrement grimpé entre 2007 et 2009, à la suite de la crise économique et financière. Tandis que des pays comme les Pays-Bas et l’Allemagne ont réussi par la suite à ramener leur ratio des dépenses aux niveaux d’avant la crise, la Belgique n’y est que partiellement parvenue.
L’objectif de l’étude proposée par la Banque Nationale de Belgique est de documenter le constat structurel de dépenses publiques élevées en Belgique, avant la pandémie de COVID-19. À la suite de la crise sanitaire de 2020, les dépenses ont une nouvelle fois substantiellement augmenté. Un autre défi sera d’empêcher que cette hausse devienne (en partie) persistente.
Cette analyse se concentre principalement sur les dépenses publiques relatives à l’année 2019, avec de ponctuelles perspectives historiques. Le début des années 2000 constitue le point de départ car c’est à cette période que les dépenses primaires ont commencé à augmenter. La référence principale choisie dans cette étude sera la moyenne des trois principaux pays voisins, à savoir l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.
Quelles sont les catégories où les dépenses sont plus importantes en Belgique ?
En Belgique, 90% des dépenses publiques relèvent de cinq catégories de fonctions. La moitié des dépenses publiques sont en fait des dépenses de « protection sociale » ou de « santé ». Les catégories « services généraux », « affaires économiques » et « enseignement » représentent une proportion comparable dans le total des dépenses, soit environ 13 % chacune.
En 2019, le niveau des dépenses publiques en Belgique dépassait de 4,5 points de pourcentage (pp) du PIB la moyenne des principaux pays voisins. Par exemple, pour les services généraux, trois sous-catégories sont relativement plus importantes. Tout d’abord, il s’agit des dépenses en fonctionnement, qui regroupent le fonctionnement global de l’État, les Services publics fédéraux Affaires étrangères, Intérieur et Finances ainsi que le fonctionnement des parlements et des cabinets ministériels. Ce sont les rémunérations qui sont relativement supérieures dans cette sous-catégorie. Ensuite, les dépenses en recherche fondamentale sont elles aussi élevées. Enfin, la sous-catégorie des opérations sur la dette publique est relativement plus volumineuse. Cette dernière comprend les charges d’intérêts sur la dette de l’État.
En ce qui concerne les affaires économiques, il s’agit plus particulièrement des dépenses dans la sous-catégorie « tutelle de l’économie, des échanges et de l’emploi », qui rassemble l’ensemble des politiques destinées à soutenir l’activité économique et le marché du travail. Plus spécifiquement, les subventions salariales destinées aux entreprises, comme les dispenses de précompte professionnel et le système des titres-services, constituent la majeure partie de cette sous-catégorie. De manière connexe, les dépenses en transports sont aussi relativement plus lourdes.
S’agissant de l’enseignement, ce sont les dépenses pour l’enseignement fondamental (maternel et primaire) et secondaire et l’enseignement non défini par niveau qui concentrent les écarts positifs vis-à-vis de la moyenne des pays voisins. Une fois de plus, c’est au niveau des rémunérations que les écarts sont substantiels.
Perspectives historiques
Au cours des vingt dernières années, l’écart vis-à-vis des pays voisins a plus que doublé, passant en moyenne de 2,1 points de pourcentage du PIB en 2001 à 4,5 points de pourcentage du PIB en 2019. Les catégories de dépenses pour lesquelles les écarts sont les plus importants en 2019 présentent toutefois des évolutions historiques contrastées. La catégorie de dépenses pour laquelle l’écart vis-à-vis des pays voisins s’est le plus creusé est celle des affaires économiques. Dans cette catégorie, ce sont les sous-catégories « tutelle de l’économie » et « transports » qui ont particulièrement progressé.
Ensuite, les dépenses en protection sociale ont elles aussi fortement rebondi. En 2001, ces dépenses affichaient un écart comparatif nettement négatif. Il s’agissait de la catégorie de fonction pour laquelle l’écart par rapport aux pays voisins était le plus négatif. En Belgique, les dépenses en protection sociale étaient alors inférieures d’environ deux points de pourcentage du PIB à la moyenne des pays voisins. Elles ont depuis lors sensiblement grimpé, puisque l’écart comparatif était devenu quasiment nul en 2019. En particulier, les dépenses dans les sous-catégories « maladie », « invalidité » et « vieillesse » ont augmenté, tandis qu’elles ont diminué dans la catégorie « chômage ».
La baisse marquée de l’écart dans les services généraux est liée à la forte réduction des charges d’intérêts depuis 2000. Ces deux dernières décennies, les charges d’intérêts sur la dette publiques se sont nettement repliées. Cette contraction n’a toutefois que partiellement permis de compenser la vive hausse des dépenses primaires, qui se sont davantage accrues au cours de cette même période.
Au vu de la structure institutionnelle de la Belgique, il est intéressant d’examiner si les écarts les plus importants sont le fait du pouvoir fédéral et de la sécurité sociale (Entité 1) ou s’ils se situent plutôt au niveau des communautés et régions et des pouvoirs locaux (Entité 2).
En moyenne en 2019, la part de l’Entité 2 dans le total des dépenses des administrations publiques en Belgique est d’environ 47 %. Deux des trois principales catégories de dépenses supérieures à la moyenne des pays voisins, à savoir les affaires économiques et l’enseignement, sont davantage imputables à l’Entité 2. En examinant de manière plus approfondie les sous-catégories des dépenses qui sont relativement plus élevées par rapport à notre analyse comparative, il apparaît logiquement que la totalité des dépenses en enseignement concernent l’Entité 2. Pour ce qui est de la sous-catégorie « lutte contre la pollution » dans la catégorie « protection de l’environnement », il s’agit également surtout de l’Entité 2. La répartition des écarts dans les différentes sous-catégories des affaires économiques est en revanche plus équilibrée entre les deux Entités. S’agissant des services généraux, plus de la moitié des écarts s’observent dans la sous-catégorie « opérations sur la dette publique », qui est essentiellement le fait de l’Entité 1.
En conclusion, en 2019, les dépenses publiques étaient plus élevées en Belgique qu’en moyenne dans les trois principaux pays voisins, et ce de 4,5 points de pourcentage du PIB. Cet écart s’est creusé au cours des dernières décennies, malgré une forte baisse des charges d’intérêts par rapport à ces trois mêmes pays.
Ces écarts proviennent principalement des rémunérations et des subventions aux entreprises, deux catégories qui ne sont généralement pas parmi les plus productives. En particulier, les subventions salariales sont élevées en Belgique. Elles ont affiché une forte croissance au cours des vingt dernières années et ont souvent été décidées afin de compenser le coût élevé de la main-d’œuvre, et notamment la lourde taxation du travail. À moins d’être utilisées pour corriger des externalités importantes, telles celles liées à l’environnement ou à l’innovation, les subventions risquent de fausser l’allocation sur le marché (du travail). Dans le cas des subventions salariales, il est recommandé de réformer la charge fiscale élevée et complexe qui pèse sur le travail plutôt que de la corriger par des subventions. Par ailleurs, les dépenses relativement plus lourdes induites par le fonctionnement des administrations publiques posent la question de savoir si d’éventuelles économies supplémentaires sont encore possibles dans ce domaine.
Il ressort également de cette étude que les dépenses en enseignement, une catégorie connue pour son potentiel d’accroissement de la prospérité, sont importantes. Mais les performances en cette matière, mesurées sur la base des indicateurs PISA, sont contrastées. Elles sont meilleures en communauté flamande qu’en communauté française.
Enfin, le niveau relativement élevé des charges d’intérêts par rapport aux pays voisins rappelle les implications en termes de dépenses publiques d’une dette substantielle.
Bien évidemment, le niveau des dépenses publiques reflète certains choix de société, opérés dans le but d’accroître la prospérité. Même dans ce cas, il reste important d’examiner si les objectifs sont suffisamment atteints au vu des dépenses engagées. Un de ces objectif peut par exemple être une croissance plus durable, au travers de davantage de dépenses en recherche fondamentale et en lutte contre la pollution, ou encore le développement des transports publics. Les pouvoirs publics peuvent aussi décider d’intensifier une certaine redistribution par le biais des allocations familiales.
Il reste indispensable de placer systématiquement l’efficacité au cœur de l’action des administrations pour éviter un dérapage des dépenses, afin de créer des marges suffisantes pour relever de manière dynamique les défis qui se poseront à l’avenir. Des études futures resteront nécessaires pour évaluer l’efficacité des administrations en vue, à terme, de réorienter le dosage des dépenses. Les améliorations apportées au cadre budgétaire, telles que l’introduction d’examens des dépenses et d’une règle des dépenses, peuvent favoriser un usage responsable des dépenses publiques.
Source: Banque Nationale de Belgique – Article publié dans la Revue économique de Septembre 2021