Editorial – Bientôt 600.000 malades de longue durée… La fin d’une stratégie perdante en matière de RH?

C’est un constat d’échec affligeant. Le point de situation régulier que nous pouvons dresser en ce qui concerne le nombre de travailleurs malades de longue durée doit susciter l’incompréhension, et surtout nous pousser à agir rapidement. Lorsque nous lisons que la courbe va monter jusqu’à 600.000 personnes dans les 7 années qui viennent, la situation n’est même plus affligeante. Elle est absurde.
Quel est l’enjeu? Certains experts voient dans ces statistiques une des causes de la tension du marché du travail et du manque de compétences pour remplir les postes vacants. D’autres craignent le poids de ce nombre sur nos dépenses de sécurité sociale. Nous pensons avant tout à des personnes qui ne peuvent plus ou ne veulent plus participer à l’activité économique et à des organisations qui n’ont pas réussi à protéger une partie de leurs collaborateurs. Est-ce qu’il est encore temps de réagir?

On ne bosse pas dans les RH par hasard ni par dépit d’une autre trajectoire manquée. Il y a toujours, au fond, même bien cachée, une conviction forte. La volonté de croire que c’est l’humain qui fait tourner l’entreprise, l’institution, l’association… Et donc, l’envie d’y prendre une part active en ‘aidant’ celles et ceux qui vont garantir la continuité, le développement ou la survie de nos aventures collectives.
C’est pourquoi, face à cette dure réalité d’un groupe qui compte déjà plus d’un demi million de travailleurs éloignés du boulot et qui ne cesse de gonfler, il est temps de réfléchir et d’agir.

Pourquoi la ré-intégration ne fonctionne pas…

Ce ne sont pas les trajets de ré-intégration modélisés par les gouvernements successifs et leurs administrations qui vont changer la donne. D’ailleurs, ces dispositifs ont été essentiellement considérés comme des machines à licencier ou à déclarer une invalidité définitive. Inefficients. Pourquoi?
Nous devons gérer des trajectoires individuelles et malgré toutes les bonnes intentions, les modèles de ré-intégration ne parviennent pas à intégrer deux dimensions essentielles: la confiance et l’adaptabilité.

Les absences de longue durée ne débouchent que rarement sur un retour heureux dans l’entreprise parce que le dialogue se rompt dans la plupart des cas.
Il y a d’une part la volonté du travailleur de prendre ses distances, afin de gérer sa rancoeur vis-à-vis de son employeur qu’il tend à considérer,à tort, comme la cause de tous ses tracas. Et il y a aussi d’autre part un entrepreneur et un responsable RH qui vit mal le sentiment de rejet ou d’abandon de l’environnement de travail qu’ils ont patiemment construit.

Par ailleurs, il faut être prêt à organiser un retour dans des conditions radicalement différentes de celles qui existaient avant l’absence. Acceptons le principe qui consiste à ne jamais reprendre le travail de façon identique à ce que nous avons connu auparavant et qui a contribué à l’interruption de la collaboration. Mêmes causes, mêmes effets… Oh, bien sûr, nous connaissons la citation de Paul Valéry: « Quand on dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets, on ne dit rien. Car les mêmes choses ne se reproduisent jamais – et d’ailleurs on ne peut jamais connaître toutes les causes ». C’est bien là où nous voulons en venir : nous devons être prêts, de part et d’autre, à recommencer une nouvelle histoire (et non à poursuivre la précédente) pour réussir un retour un travail.

Sortir à tout prix du cercle vicieux de la suspicion.

Subir une absence de longue durée, cela veut dire entrer dans une zone grise qui va inévitablement s’avérer inconfortable.C’est l’incertitude quant à la date du retour. Et au fil des jours qui passent, la confiance s’étiole. Il arrive même souvent que l’hypocrisie s’installe. C’est le cas lorsque les deux parties ‘décodent’ leurs intentions mutuelles (généralement, il s’agit de forcer la fin de la collaboration en optimisant le niveau de protection sociale d’une part, en limitant les coûts pour l’entreprise d’autre part) et qu’elles laissent passer le temps afin de voir qui craquera le premier. C’est moche, mais c’est comme cela.

Pourtant, lorsque nous en sommes là çàd lorsqu’il est clair que l’envie de travailler ensemble n’y est plus, il semble préférable de se mettre à table afin d’éviter de rentrer dans une logique d’abus. Nous ne voulons pas verser dans la précipitation. Car il y a un grand nombre de personnes qui expérimentent une réelle souffrance, mentale ou physique, qui rend l’exercice d’une activité professionnelle temporairement impossible. Dans ces situations, il faut préserver les semaines et les mois nécessaires pour la reconstruction. L’important est de cultiver la clarté (à défaut de transparence lorsque les sujets sont délicats) et de ne laisser aucune place à la suspicion.

La gestion active des incapacités est possible.

Pour les entreprises qui n’ont pas assez d’effectif pour répondre à la demande de leurs clients ainsi que pour celles qui manquent de compétences conformes à leurs besoins, ce ‘réservoir de ressources humaines’ est précieux. En effet, derrière 500.000 malades de longue durée, il y a des personnes formées et en maîtrise du fonctionnement quotidien de leurs boîtes respectives.

Nous pouvons sortir d’une pression sociétale malsaine qui pointent les personnes en incapacité et le poids que cela représente pour notre système de santé. C’est d’ailleurs à cela que la sécurité sociale doit servir! Le principe de base consiste à soutenir celles et ceux qui ne sont pas en état de contribuer directement à la performance économique globale. Quel est notre rôle dès lors? Garder nos absents et malades de longue durée au coeur de la communauté, réfléchir ensemble à de nouvelles voies pour reprendre la collaboration et, bien entendu, trouver des moyens de rester performants en attendant!

Au moment d’entamer cette réflexion, nous nous demandions si ce constat affligeant signifiait la fin d’une certaine conception des RH… Peut-être pas, au fond même s’il témoigne de notre échec en matière d’écoute et de prévention vis-à-vis de nos collaborateurs. Mais nous pouvons en profiter pour développer une nouvelle stratégie, indépendante des contraintes administratives que nous imposeront les gouvernements successifs. Si nous parvenons à préserver la confiance entre les parties et que nous adaptons nos organisations en fonction des capacités futures de nos collaborateurs, nous pourrons sans doute inverser la tendance. Le début d’une nouvelle approche peut-être, que nous appelons de tous nos voeux dans cette période de fin d’année propice aux messages d’espoir.

Jean-Paul Erhard

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