Le futur des RH, c’est la communication… Mais convaincre les équipes que nous prenons les bonnes décisions, c’est un défi quotidien pour tous les managers.,Il faut développer les bons arguments mais il faut aussi répondre aux questions. Problème : l’art de la rhétorique est en phase terminale. Il est devenu compliqué de débattre avec nos collègues.
Lorsque nos interlocuteurs ne sont pas convaincus par la fulgurance de nos idées et la pertinence de nos initiatives, ils ne nous disent plus désormais : ‘’Je ne suis pas d’accord avec vous.’’ Ce qu’ils nous disent aujourd’hui, c’est plutôt ‘’Ce que vous dites n’est pas vrai.’’ Autrement dit : ‘’vous êtes un menteur’’! Comment réagir ?
C’est dur à entendre… Dur à accepter aussi d’être remis en cause de la sorte. La résistance à laquelle nous devons faire face n’est pas de nature idéologique. Elle touche directement à la crédibilité et à l’intégrité. Désagréable et…, au fond,inacceptable.
Des horizons fermés par la puissance des algorithmes
Comment en sommes-nous arrivés là? La faute aux réseaux sociaux, nous dit-on… Ceux-ci nous connectent uniquement avec des groupes et des personnes qui affichent les mêmes centres d’intérêt et qui sont à priori alignés sur nos convictions. L’étrange sensation que cela nous procure : celle d’être assis au beau milieu d’une chambre d’écho dont nous ne sortons pas puisque les algorithmes s’assurent que notre consommation d’informations soit conforme à ce qui nous réunit. Attention à ne pas y rester trop longtemps d’ailleurs. Un séjour prolongé en chambre d’écho provoque à moyen terme soit la surdité, soit la folie.
Conséquence immédiate et plus certaine : la confrontation avec d’autres profils et d’autres modes de pensée est déstabilisant. A chaque fois que nous sortons du cocon que composent nos amis, réels et virtuels, la communication devient une épreuve. La confrontation est proche, mes positions sont radicalisées et les points de vue quasi impossibles à réconcilier. L’effort qui consiste à sortir de sa bulle de pensée est pourtant salvateur. Il nous force à comprendre et intégrer d’autres références, la condition sine qua non en vue de pouvoir entrer en communication.
Eviter le bla bla bla et tous les risques que cela comporte…
Parler, expliquer, communiquer mais pas trop ! Parfois, il vaut mieux se taire, notamment lorsque l’échange est manifestement impossible. Un des dangers d’une démarche volontariste en matière de communication consiste à vouloir occuper l’espace à tout prix. Ce n’est pas toujours la bonne stratégie.
Nous sommes nombreux à nous plaindre de tout ce bruit autour de nous. Chacun.e est autorisé.e à avoir un avis… et à le partager. Il y a pourtant des moments où les discours et les arguments ne servent pas à grand-chose. Nos oreilles souffrent elles aussi d’un syndrome d’épuisement. Pourquoi ne pas leur offrir de temps en temps une petite plage de repos ?
Bien sûr, le succès en matière de People Management repose énormément sur les mots. Ceux que l’on dit et ceux que l’on écrit bien sûr. Il dépend tout autant de notre capacité à les écouter et à les comprendre. Apprenons donc à reconnaître lorsque le silence est la meilleure option.
Quid de notre aptitude à vivre avec des désaccords ?
Malgré toute la bonne volonté du monde, il arrive que les oppositions demeurent. La question à laquelle nous devons répondre alors est : pouvons-nous vivre et travailler ensemble avec des désaccords voire des conflits?
La bienveillance ne suffit pas. Elle ne résoud pas grand-chose en tout cas, à commencer par les oppositions de principe et les contre-vérités.
Lorsque convaincre nos audiences est impossible, il nous faut apprendre à préserver l’essentiel, à savoir notre capacité à progresser où cela reste possible et prendre le temps à recréer les conditions du dialogue futur. Parfois, cela reste un vœu pieux. Et de temps en temps, il arrive que les événements permettent de corriger des perceptions erronées et de nous réunir à nouveau.
Entre-temps, il est nécessaire de se respecter malgré les antagonismes et, dans certains cas, les mises en cause personnelles et autres insultes. Un réel effort. Un grand signe d’intelligence, individuelle et collective, sans aucun doute.
Sortir de sa bulle, privilégier le silence et l’écoute, gérer les conflits… Ce n’est plus un apprentissage des bonnes pratiques en communication, c’est un apostolat !
Dans notre environnement actuel, le niveau d’exigence en matière de patience et de pédagogie est inédit. Si nous parvenons à l’adosser à une belle créativité -celle qui permet de capter l’attention et de proposer autre chose que des lieux communs pour animer la vie d’une entreprise-, l’art de la communication devient un outil redoutable d’efficacité pour emmener nos collègues vers l’infini et au-delà. Qu’on se le dise.
Jean-Paul Erhard