Éditorial – Des intellectuels et des artisans, c’est la configuration idéale – et souvent impraticable – du collectif dont nos entreprises ont besoin.

Penser ou agir, c’est une question récurrente. Nos entreprises ont besoin de ‘grands stratèges’ et d’excellents exécutants. Ceux-ci ne sont toutefois pas toujours faits pour s’entendre. Et ce, alors que leur cohabitation (a minima) et leur étroite collaboration (dans le meilleur des cas) sont indispensables. Trop de cas dans lesquels de bonnes visions stratégiques restent des lettres d’intention, faute d’une équipe capable et engagée pour les réaliser. Trop de situations où les collaborateurs ne parviennent pas à participer à un projet collectif, faute de partage d’objectifs communs contribuant au progrès de l’ensemble. Qui peut améliorer l’équilibre entre la puissance d’une idée et la vigueur des actions qui vont permettre de la réaliser ?

Constat fréquent : il y a dans nos organisations de plus en plus de gens qui réfléchissent, et de moins en moins de gens qui agissent. Cela correspond à l’émergence des bullshit jobs et d’une bonne partie des fonctions dites de ‘projet’ qui visent à coordonner les efforts des autres, une mission quasi impossible la plupart du temps.
Autre constat : nombre d’initiatives sont lancées sans maturité conceptuelle. Effet de cette course contre le temps que nous ne gagnerons jamais : il faut agir et réagir sans délai. A nous l’ivresse de la vitesse…
Nous devons améliorer l’équilibre entre la réflexion et l’exécution. Comment veiller à ce que les penseurs (disons, les ‘intellectuels’) et les faiseurs (que nous appellerons les ‘artisans’) se comprennent et se complètent ?

Des intellectuels et des artisans qui se respectent, puis qui s’admirent…

Dans nos sociétés, la pensée est une activité noble. Le travail, au sens laborieux du terme, est moins valorisé. Or, depuis la nuit des temps, nous avons besoin de celles et ceux qui ‘délivrent’, de leur savoir-faire et de leur bon sens terrien. La façon dont nous avons imaginé le progrès social a laissé croire au plus grand nombre que nous devons, toutes et tous, privilégier la connaissance. Mais tout le monde ne peut pas forcément être un intellectuel. Il y a un rapport à l’abstraction qui est parfois difficile. Et par ailleurs, tout le monde ne peut pas être un artisan. Il y a là aussi un rapport immédiat au temps, à l’espace et à la matière qui n’est pas toujours accessible.

Chaque entreprise compte en son sein une part d’intellectuels et une autre part d’artisans, ainsi que quelques animaux rares qui apprécient d’alterner les phases de réflexion et de mise en œuvre.
C’est la qualité de leurs interactions qui va déterminer la bonne marche des affaires. Et cela commence toujours par le respect mutuel de leurs compétences mutuelles, jusqu’à ce que celle-ci se transforme en admiration réciproque. Dans tous les cas, le mépris est interdit.

Qui aime encore mettre les mains dans le cambouis ?

En regardant le marché du travail et les métiers qui sont durablement en situation de pénurie, nous voyons que ce sont les métiers qui concernent les activités de production qui sont désertés aujourd’hui. Il y a bien sûr une question de pénibilité mais ce n’est pas l’unique grille d’explication. Bien des filières dits ‘sociales’ sont dépeuplées désormais, notamment dans le secteur de l’aide à la personne. Les tâches pratiques semblent avoir perdu leurs lettres de noblesse, à un point que dans de nombreuses entreprises, nous pouvons franchement nous poser la question quant à savoir qui ‘travaille’ encore… L’effervescence et le mouvement sont bien là mais qui se retrousse les manches pour délivrer les promesses concrètes qui figurent dans le manifesto ou dans la stratégie à 5 ans qui inspira la foule en délire?
Les profils qui considèrent que leur métier consiste essentiellement à réfléchir et à analyser et qu’il n’est pas question de s’abaisser à des tâches pratiques ne suffisent pas à faire grandir nos entreprises. Il faut pour cela des idées bien sûr, mais aussi de la sueur et quelques larmes…

Le grand défi de la synchronisation

Cette cohabitation heureuse n’est pas naturelle. Pourtant, la réussite de nos projets d’entreprise et le plaisir de les mener ensemble reposent tous deux sur notre capacité à dérouler en même temps la stratégie et son exécution. Un processus continu nécessitant des ajustements permanents entre l’une et l’autre. C’est une séquence qui nous offre des allers-retours incessants entre le rêve et la réalité.

Synchroniser la réflexion et l’action est un art que nous voyons principalement comme un exercice collectif au cours duquel les intellectuels et les artisans décident de se donner les meilleures chances de succès. Il s’agit d’avancer ensemble, même si nos vitesses de croisière sont différentes. C’est en travaillant l’alternance, çàd consacrer un temps à l’exercice de réflexion stratégique, puis un autre moment dédié à la mise en œuvre et accepter que ces temps aient la même importance, que nous pouvons y parvenir.

Penser ou agir? La stratégie ou l’exécution de la stratégie? Il n’est pas question de choisir mais bien de trouver le rythme adéquat pour que toutes et tous puissent trouver un terrain d’expression à leurs envies et leurs talents.

Rares sont les collègues qui développent un intérêt identique pour le penser et pour le faire (il est même probable que ces spécimens soient entrepreneurs pour la plupart…et donc, gardez les précieusement si vous en avez !). Pourtant, lorsque les moyens sont limités comme ils le sont actuellement, être capable de travailler sur les deux registres est essentiel. A nous de développer et d’entretenir autour de nous l’appétit pour une dynamique commune. Cultiver à la fois l’amour des idées et le plaisir ultime que l’on prend à les mettre en œuvre. Une double dose de satisfaction profonde. Que demander de plus?

Jean-Paul Erhard

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