Une des qualités que l’on reconnaît aux managers et entrepreneurs qui performent, c’est la persévérance. C’est ce qui leur permet de s’inscrire dans le temps long et de donner de la perspective à leurs collaborateurs. Attention cependant… Cette capacité à creuser un sillon dans la durée peut rapidement devenir une obstination qui nous pousse à explorer des voies sans issue, ou en tout cas sans réel potentiel de croissance. Or, nous avons besoin d’innover en permanence. Et malgré le nombre de méthodes et de séminaires sur le sujet, il semble compliqué d’inscrire le changement dans le quotidien de nos organisations qui sont aujourd’hui plutôt en quête de stabilité voire de sérénité. Le premier facteur bloquant, c’est souvent le leadership lui-même. Vraiment?
La réalité du terrain est parfois cruelle. Comment développer une vision stratégique claire lorsque l’on a en permanence le nez dans le guidon? Comment appréhender une nouvelle façon de développer nos activités lorsque le temps est une denrée rare ? Comment être bousculé dans nos certitudes lorsque l’on éprouve la solitude de celle ou celui qui est en charge de la prise de décision définitive ? Nous avons collecté trois petites recettes pour y arriver (ensemble, forcément).
L’agilité de l’organisation, c’est essentiellement l’agilité de ses leaders…
Il n’y a pas d’organisation agile. Il n’y a que des managers et des collaborateurs agiles, de temps en temps. Ce n’est pas un état permanent car, autant se parler franchement, l’agilité permanente est intenable. Parce qu’elle est épuisante. Ce qui importe donc consiste à développer notre capacité à alterner entre le changement et la stabilité, entre l’initiative et la tempérance, entre la prise de risque et la sécurité…(et la liste est quasi infinie). Voilà la définition du leadership agile qui nous semble mieux répondre aux besoins concrets de nos entreprises. Elles doivent pouvoir accélérer quand elles le doivent, pour ralentir quand elles le peuvent. Comment savoir donc que le moment est opportun pour tel ou tel état d’esprit? Il ‘suffit’ d’entendre ce que nos clients, nos partenaires et, évidemment, nos travailleurs nous disent. Mieux encore, il s’agit de les anticiper en se montrant réceptif aux attentes qu’ils expriment, de façon timide parfois…
Echouer rapidement, toujours pas une option.
Principe importé directement de l’univers magique des start-ups, le ‘fail fast’ n’est pas vraiment d’application dans nos organisations (en bref, il s’agit de tester rapidement les idées novatrices en les poussant à l’extrême afin que l’éventualité d’un crash puisse apparaître aussi tôt que possible). Pourquoi donc ? Parce que nous n’avons pas réglé nos soucis existentiels avec le droit à l’erreur.
Pendant ce temps, nous poussons les travailleurs et les entrepreneurs à flirter avec l’échec, au nom de l’apprentissage, et ce alors que notre culture ne l’accepte pas. Soyons clairs : il n’est pas nécessaire de passer par la case Prison. Se prendre un mur n’est pas nécessairement formateur. Au contraire, cela s’avère systématiquement douloureux. Autant éviter. Protégeons-nous dès que nous avons la possibilité de contourner le ravin. Et protégeons-nous de nous-mêmes en passant, puisque il est de notoriété publique que nous aimons jouer avec le feu?
Pratiquer l’open innovation pour éviter l’aveuglement
Reste encore la question de la confiance, cette petite chose fragile… Il n’y a pas de certitude, spécialement lorsqu’il s’agit de changer le monde et les règles du jeu… Nous voulons plaider ici pour une pratique ‘ouverte’ de l’innovation. De quoi s’agit-il ? D’accepter de sortir de notre cadre de référence, d’aller voir ailleurs, de se faire (gentiment) bousculer par nos réseaux lorsque nos collaborateurs manquent de fraîcheur ou qu’ils n’osent plus nous confronter à la contradiction…
Bénéficier du soutien d’un comité d’avis externe est monnaie courante désormais. Il n’est pas nécessaire de disposer de compétences rares et d’approches disruptives au sein même de nos organisations. Elles sont d’ailleurs souvent plus confortables en dehors de celles-ci. Encore faut-il que nous parvenions à les utiliser efficacement à chaque fois que nous les sollicitons. Réussir la synthèse de leurs apports avec la continuité du quotidien est un art délicat… et salvateur.
Nous sommes nos propres limites. Parfois dans le refus de remettre en question les décisions antérieures, parfois dans l’incapacité à conserver un cap afin de ressentir une fois de plus l’ivresse de la nouveauté… Il n’y a pourtant rien d’impossible dans la conduite du changement, quelle que soit la taille de notre organisation. Les outils théoriques et méthodes sont légion. Aucun ne garantit cependant que nos chakras soient ouverts pour recevoir l’énergie de l’équipe, de la communauté, du réseau, de l’univers… Alors, on se pose, on respire et on s’ouvre tout simplement.
Jean-Paul Erhard