Editorial – Partager les profits générés par le travail, une utopie?

La crise sociale qui émerge aujourd’hui va se cristalliser in fine sur une meilleure répartition des bénéfices de nos entreprises. L’argent (tout comme le travail d’ailleurs!) doit être mieux réparti, c’est clair. En y réfléchissant ensemble, nous pouvons rapidement convenir que la voie la plus évidente pour augmenter les rémunérations tout en parvenant à maintenir une forme de contrôle des coûts de nos entreprises. Pourquoi donc les démarches et initiatives visant à répartir les profits générés par l’activité semblent-elles souvent incongrues ou ‘communistes’ ? Participation aux bénéfices, distribution de l’actionnariat, primes exceptionnelles (défiscalisées si possible)… Les leviers ne manquent pas mais restent exceptionnels et surprenants. C’est pourtant LA solution. Tentative d’explication du jour, en trois temps, à partager sans modération.

1. L’équation insoluble des charges sur les coûts du travail.
A ce jour, nous n’avons pas encore rencontré un patron résolument opposé à augmenter les salaires au sein de son entreprise. Ce qui le freine dans l’immense majorité des cas, c’est l’absence totale de ‘réversibilité’ de toute forme de majoration des salaires. Là où les bénéfices liés à l’activité fluctuent, les augmentations de salaires sont quant à elles ‘définitives’ et ne peuvent être revues à la baisse lorsque les performances sont tout simplement moins bonnes.
La question centrale pour les équipes dirigeantes consiste à trouver les moyens d’augmenter les rémunérations tout en maintenant une forme de contrôle des coûts. Car, au-delà des charges imposées par le réglementation qui rendent souvent les revalorisations salariales insupportables financièrement – et décevantes pour les travailleurs -, le danger réside dans l’impossibilité de faire marche arrière et le risque de devoir lorsque les temps sont durs réduire les effectifs.

C’est donc par le recours au variable que nous pouvons avoir un impact réel sur les besoins matériels des collègues. Bien sûr, nous savons aussi que le volet variable de la rémunération ne convient pas à tout le monde. Lorsque les actionnaires considèrent un dividende comme un ‘bonus’, parfois inattendu mais certainement pas instrumental dans leur vie quotidienne, il n’en va pas de même pour les salariés. Il faut donc préparer les équipes à vivre avec des mois, des trimestres, des années au cours desquels les rémunérations évoluent. Elle disait quoi encore, le chanson? « J’avais des hauts, j’avais des bas… Je crois que j’en voulais trop, j’ai même eu ce que je ne voulais pas »…(reconnaissance sincère aux auteurs Philippe Djian et Stéphane Eicher).

2. Tensions sur l’échelle des salaires.
Le deuxième champ de tension que nous identifions concerne les différentiels de rémunération. Depuis plusieurs mois déjà, nous attirons l’attention sur la question: à l’heure où les inégalités se creusent à un rythme dramatique, pouvons-nous rester immobile sur le sujet et assister sans rien dire à l’augmentation du niveau de vie de quelques un.e.s pendant que la plupart des travailleurs sont confrontés à des restrictions de plus en plus sévères? Les écarts entre les salaires les plus élevés et les plus faibles continuent de se creuser au fil des crises qui représentent autant d’opportunités pour celles et ceux qui ont les moyens (et la clairvoyance) de les saisir. Pour recréer de l’harmonie et des collectifs sains, nous serions bien inspirés d’ouvrir ce chantier, en augmentant la transparence sur le sujet et en travaillant sur la réduction des inégalités au sein de nos organisations.

3. Tous les profits sont super (ou presque)!
Avec la crise énergétique est apparue la notion de ‘superprofits’, ainsi que la nécessité de les taxer sévèrement afin de retrouver des outils de levier dans le budget de l’état. Cette dernière idée semble séduisante sur le plan sociétal et, sans doute est-elle… impraticable, notamment parce que l’Europe prend la main sur le sujet.
Mais c’est sur la notion elle-même de ’superprofits’ que nous voulons nous arrêter ici. Qu’est-ce que cela veut dire? Le terme décrit avant tout l’enrichissement extrême que certains acteurs ont pu enregistrer en tirant parti de la pandémie et de l’instabilité mondiale qui nous amène à la crise énergétique actuelle. Il pointe du doigt, à nouveau, une réalité vécue comme une injustice.
Puisque la majorité de la population souffre, est-il normal qu’un petit nombre d’entreprises – déjà bien nanties – profitent de la situation pour générer des superprofits? Si notre ambition consiste à tendre vers une répartition équitable des richesses, c’est évidemment contestable. Difficile à accepter en tout cas que ceux qui n’en ont pas besoin soient les premiers à bénéficier des effets positifs de la crise.

Prenons toutefois un petit temps de réflexion… Et avec celui-ci, nous pourrons constater que si le partage des fruits du travail était solidement ancré dans nos pratiques, nous ne passerions pas notre temps à déplorer le dommage collatéral que constituent les ‘superprofits’. Au contraire, nous serions ensemble en train de nous réjouir que tous les profits sont super, ne sont-ils pas?

Jean-Paul Erhard

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