Editorial – Travail & souffrance : aurions-nous perdu le goût du combat ?

Notre modèle entrepreneurial repose sur un rapport au travail basé sur la souffrance (en tout cas en partie). Il faut aller jusqu’au moment où cela fait mal, pour que la sensation que procure le succès soit encore meilleure. La réussite, ça se mérite. Parfois, il reste difficile voire douloureux pour les dirigeants de réaliser que les collaborateurs ne sont pas câblés comme cela. D’où une question simple: est-il opportun aujourd’hui d’imaginer une culture d’entreprise construite sur les notions de labeur, d’effort et aussi d’échec? Notre réflexion de la semaine, en trois mouvements comme il se doit.

Comment accepter en effet que les collaborateurs ne soient pas aussi motivés que leur patron ou que leurs managers? Ces derniers ont tout intérêt à intégrer dans leur raisonnement que les travailleurs ne fonctionnent pas tous de la même manière pour éviter de cultiver de la frustration. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de comprendre quel modèle de relation au travail il est souhaitable partager à l’interne… Apprendre à souffrir, transmettre cette capacité à accepter et à gérer la douleur est-il souhaitable?

Implication, désengagement, détachement…
La question est quasi d’ordre philosophique… Faut-il vraiment en baver pour que la victoire soit belle? Bien sûr, il y a la notion de récompense pour tous les efforts consentis. Il y a aussi cette sensation de vengeance vis-à-vis de tous les éléments (en ce compris les concullègues) qui se sont mis en travers de notre route. Il y a enfin le soulagement que l’on éprouve lorsque l’on sort enfin d’une zone de turbulence. Mais… Il peut aussi y avoir de la rancoeur et des cicatrices voire des traumatismes que l’on refuse d’expérimenter à nouveau, à aucun moment.
Le modèle de la souffrance (et avec lui, la question de la résilience) n’est plus le modèle dominant. Et il n’a pas pour autant été remplacé par son absolu contraire, à savoir le principe de plaisir. Non. Si nous devions choisir aujourd’hui un terme pour décrire l’attitude la plus répandue, c’est de ‘détachement’ dont nous devrions parler. En bref, disons qu’un nombre de plus en plus important de nos collègues ne sont ni super impliqués, ni vraiment désengagés.
L’épanouissement est définitivement ailleurs. Mais où ?

La fin de la compétition à tout prix?
Le paradigme a changé, entend-on. Nous sommes en train de sortir d’une logique d’affrontement pour nous diriger, lentement, vers de nouveaux modèles basés sur la coopération. Cela peut sembler romantique, voire illusoire… Le décalage est important en effet par rapport à une réalité souvent dure. La voie n’est pas toute tracée pour autant. La recherche d’une atmosphère bienveillante est ‘logique’. Elle peut toutefois se heurter au quotidien et à ses petits tracas… Malgré tout, c’est là que se trouve le modèle souhaité, celui qui se consiste à se retrouver ensemble autour d’objectifs simples. En fin de compte, le fait de combattre n’est pas du tout exclu… à condition de s’y engager ensemble.

Des pratiques peu alignées sur les attentes.
Nous venons d’évoquer les ‘petits tracas’ du quotidien. Ceux qui génèrent de l’inconfort et dans certains cas de la souffrance… De quoi parle-t-on? Du non respect des valeurs de base de l’organisation, des procédures absurdes qui nous contraignent à nombre de tâches inutiles, des échecs cuisants que l’on attribue à des ‘problèmes’ de communication…
Autant de conséquences de la complexité qui nous entoure. Ainsi, pour l’exemple, là où la priorité devrait être mise sur le collectif, nos dispositifs d’évaluation et de reconnaissance restent individuels. Jour après jour, ce sont des paradoxes et des contradictions qui se multiplient. Ce sont des pratiques qui ne sont manifestement pas en ligne avec les attentes affichées par les travailleurs et qui provoquent au mieux de l’incompréhension, au pire de la frustration durable. Bref, la réalité de terrain nous rattrape souvent… Et nous dirons dans ces cas, encore fréquents, que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort… OK, d’accord, mais au prix de quelle souffrance?

Jean-Paul ERHARD

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