Source d’épanouissement personnel, l’entrepreneuriat est aussi risqué. En Belgique francophone, les faillites sont en croissance : de janvier à août 2024, Bruxelles affiche une augmentation de 15,5% des faillites par rapport à l’année précédente. La Wallonie connait une hausse de 4,8% par rapport à l’an passé, avec 1784 jugements de faillite, selon Graydon Creditsafe. Le burn-out aussi augmente chez les indépendants et n’est plus un tabou.
Comment prévenir les faillites auprès des jeunes entrepreneures ? Pour outiller les entrepreneures, Crédal, coopérative qui accompagne des centaines d’entrepreneures et entrepreneurs chaque année, a réuni 170 femmes pendant une journée ce mardi 24 septembre autour de la question : « Entreprendre, oui mais à quel prix? On vous parle cash de façon cash ».
Comment fixer son prix? Comment éviter la faillite? Comment se rémunérer? Quelles limites se fixer financièrement et personnellement? Voici quelques questions abordées lors de cet événement.
« 170 femmes se sont inscrites, c’est énorme et c’est bien la preuve que la question de l’argent et de comment se rémunérer est centrale. Dans notre société, l’entrepreneuriat est souvent idéalisé. Or, pour se lancer, il faut se préparer. Être entrepreneur, c’est maîtriser son propre métier mais également comprendre sa comptabilité, organiser son marketing, apprendre à réseauter, établir des devis justes, se faire payer… Cela nécessite une multitude de compétences. Crédal accompagne des centaines de porteurs de projets chaque année en Belgique francophone, pour les outiller et minimiser le risque d’échec. En 2023, cela a abouti à la création de 52 entreprises (Bruxelles et Région wallonne confondues) et des dizaines de projets lancés sous une autre forme. La préparation et l’accompagnement sont cruciaux. D’ailleurs, en cours de route, certaines femmes accompagnées réalisent que l’entrepreneuriat n’est pas pour elles. C’est aussi une manière d’éviter les faillites et les échecs », explique Yasemine Tilquin, Responsable Entrepreneuriat Féminin de Crédal.
Différencier prix et valeur
Plus vulnérables à la précarité financière que leurs homologues masculins, les indépendantes bruxelloises à titre principale sont 52% à avoir un revenu annuel inférieur à 20.000 euros contre 40,3% pour les indépendants selon le dernier baromètre de l’entrepreneuriat féminin publié par Hub.brussels en 2023.
Alexandra Kizizié, conférencière, ingénieure industrielle en électromécanique et présidente de Move Up, insiste sur l’importance de définir son prix ainsi que sa valeur sur le marché.
« Il faut d’abord bien calculer son prix de revient en additionnant tous ses coûts et ajouter une marge bénéficiaire que l’on se fixe. Mais surtout, il faut différencier prix et valeur. Mon conseil : ne jamais limiter sa valeur à une notion économique de prix. La valeur est subjective, elle dépendra du niveau de compétence, d’expertise, de la crédibilité et de la notoriété de la marque, de la cible et du positionnement commercial. Cela nécessite de connaître son marché. Chez les femmes entrepreneures, il y a une tendance à sous-facturer, un rapport à l’argent différent de celui des hommes. Les femmes, dans le milieu salarié, négocient moins leur salaire. Notamment à cause du fameux syndrome de l’imposteur, très présent chez les femmes. »
Trouver le statut adéquat
Economiste de formation, Lorena Verdejo, 30 ans, a tenu sa propre boutique de macarons jusqu’en avril 2024.
« Être entrepreneur, c’est une passion, mais la réalité est dure et il faut l’assumer. J’ai décidé de faire le chemin inverse et je reviens au statut d’indépendant complémentaire en complément d’un job salarié. Mes macarons, c’est un métier passion. Mais je suis arrivée au constat que ce n’était plus raisonnable. Je travaillais 60h/semaine, voire 80h pendant les fêtes. Je me payais mais au bout de 4 ans d’activité, je ne pouvais pas augmenter mon salaire et mon pouvoir d’achat diminuait. Tous mes coûts ont flambé : le prix des matières premières (beurre, chocolat, farine, lait…) mais aussi les emballages en carton, l’énergie, la comptable, l’assurance, l’indexation du loyer… Je ne pouvais pas répercuter toutes ces augmentations sur mes prix de vente. Avec les années qui passent et la quantité de travail exigée par l’artisanat, pour moi, ce n’était plus acceptable de ne pas voir mon salaire augmenter. La décision a été difficile mais si je continuais, je risquais le burn-out. Désormais, j’ai mon atelier de macarons à la maison et je livre sur commande ».
Quelques pistes pour fixer le juste prix et se rémunérer correctement :
- Le « juste prix » de votre produit ou service est le prix le plus élevé possible que les clients sont prêts à payer
- Différencier le prix de la valeur
- S’entourer et s’informer : fixer le prix en fonction de celui des concurrents
- Dans certains secteurs, quand les clients ont peu de budget disponible, fixer trois prix : un prix pour des clients qui ont peu de moyen, un prix normal et un prix de soutien plus élevé pour les clients qui le souhaitent
- Combattre le syndrome de l’imposteur (sentiment d’incompétence et d’imposture davantage partagé chez les femmes)
- Réfléchir au statut adéquat : indépendant complémentaire, à titre principal, en société, facturation via une coopérative d’activités…
Source: Credal