La semaine de 4 jours sans perte de salaire au coeur de la rentrée politique.

Selon le Président du Parti Socialiste, Elio DiRupo, « le cours de l’histoire va dans le sens d’une baisse du temps de travail avec maintien du salaire »… Bien sûr, l’objectif premier consiste à occuper l’espace médiatique (et cela fonctionne !) mais on peut se demander si le débat annexe à la concertation sociale sur le travail faisable va être réouvert ou pas. Car cela pose la question du financement dans un contexte budgétaire compliqué. Plus loin, c’est un véritable chantier ‘philosophique’ qui devrait être abordé : celui du partage du travail au niveau sociétal.

Lors de son interview  de rentrée sur les ondes de BEL RTL, Elio Di Rupo déclarait : « Il faut constater qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas que le gouvernement de Charles Michel agit contre les travailleurs de manière qu’on a jamais connue depuis des décennies. Et je m’en explique en peu de mots. Vous savez, on a l’idée de faire travailler des travailleurs au-delà de 38 heures. On prévoit de les faire travailler 45 heures par semaine voire même un peu plus avec cette grande caractéristique, c’est que le patron décide seul. Jusqu’à présent, on pouvait avoir de la flexibilité, bien entendu, mais il y avait un dialogue entre le travailleur, les syndicats et le patron. Ce gouvernement invente aussi que pour le temps partiel où il y a énormément de femmes, on ne va plus indiquer les plages horaires dans les contrats. On invente qu’on va faire des contrats à durée indéterminée dans l’intérim. C’est-à-dire que quelqu’un qui aurait ce type de contrat pourrait changer d’employeur tous les jours. On est dans une situation qui n’est pas digne et véritablement rétrograde. Nous sommes dans une situation où l’on fait un pas en arrière de plusieurs décennies et on veut vraiment mettre en place un système où les travailleurs vont devoir exécuter tout ce que les patrons disent. Et là, ça ne va pas parce que nous avons travaillé durant des décennies pour avoir des droits égaux, patrons-travailleurs dans un dialogue avec notamment les organisations syndicales. Et ce que nous proposons: je pense qu’il faut regarder au long terme avec une réduction du temps de travail et maintien de salaire. »

La proposition de l’ancien Premier vise donc à réduire le temps de travail pour adopter un système de 4 jours par semaine sans perte de salaire. La question du financement pourrait quant à lui être réglée par l’encadrement des écarts salariaux, limitant le rapport de rémunération entre le plus bas et le plus haut salaire dans l’entreprise de 1 à 20 au maximum (ndlr : pour rappel, une ‘norme’ communément acceptée dans le secteur social établit un rapport de 1 à 4). Elio Di Rupo: « Mais vous savez quand on a donné des congés aux travailleurs payés par les patrons en 1936, tous les patrons criaient au scandale que c’était la fin de l’économie. Cela n’a jamais été la fin de l’économie. On voit qu’il y a des bénéfices plantureux dans certaines entreprises, il y a moyen de le faire. Par ailleurs, les chefs d’entreprise aujourd’hui, surtout dans les grandes entreprises, ont des salaires qui sont parfois 200 fois plus importants que les plus bas salaires. Nous proposons que l’on aille de 1 à 10, de 1 à 20 au maximum. Je pense qu’un administrateur délégué qui veut accroître son salaire doit accroître celui de ses travailleurs. Nous sommes dans une situation qui n’est pas digne et qui est rétrograde. »

Les autres partis politiques n’ont pas tardé à réagir, le cDH tenant à dénoncer le côté illusoire de la faisabilité budgétaire : « En effet, exiger des entreprises qu’elles paient un salaire plein de 38h aux travailleurs qui ne presteraient que 30,4h (4/5e de 38h) c’est la mort annoncée de nombreuses entreprises. Mettre en place un système où l’Etat (Etat fédéral et/ou Régions/Communautés) compense financièrement cette journée pour l’ensemble des travailleurs est impayable quand on connait la réalité budgétaire des différents niveaux de pouvoir. » Selon Catherine Fonck, « une flexibilité moderne et qui répond à un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle pourrait prendre la forme d’un temps de travail de 38 heures, réparties sur 4 jours, à condition que cette décision soit concertée entre le travailleur et le patron tous deux d’accord, et qu’elle ne soit pas imposée de manière unilatérale. Par contre, un aménagement qualitatif des fins de carrière est indispensable. Ainsi des dispositions doivent être prévues pour adapter et alléger le temps de travail pour les fins de carrière. »

Le débat est plus large en effet. Dès 2014, l’économiste français Pierre Larrouturou accompagné de la sociologue du travail Dominique Méda, publiait « Einstein avait raison, il faut réduire le temps de travail » (Atelier). Invité lors de l’Ecolab du 24 avril dernier organisé par le parti Ecolo, il expliquait pourquoi le partage du temps de travail est fondamental : « Le chômage est en train de tout casser dans nos pays, en Belgique comme en France. Vous avez au total un ­million de chômeurs (ndlr : le nombre réel de demandeurs d’emplois en Belgique tourne autour de 750 000 personnes), ce sont un million de familles qui vivent mal au quotidien, ce sont des gens qui ne cotisent pas, l’économie tourne au ralenti. L’échec scolaire est également lié à la précarité. Il faut comprendre d’où vient le ­chômage. Comment se fait-il que dans des pays de plus en plus riches, il y a de plus en plus de précaires ? C’est lié notamment à la révolution des gains de productivité, qui provient d’évolutions techniques et intellectuelles. On produit beaucoup plus de choses qu’il y a 40 ans, mais avec moins de travail. Ca devrait être une bonne nouvelle, mais au lieu de profiter à tout le monde, le ­partage du travail actuel est stupide. Il y a ceux qui travaillent à temps plein, et de l’autre ceux qui sont au ­chômage. Il y a un partage du travail, mais binaire : soit tu ne travailles pas, soit tu travailles plein pot, avec dans les deux cas une souffrance. Il y a de plus en plus de stress et de burn out. »

Comment faire ? « On peut négocier un autre partage, plus intelligent, et reprendre un mouvement historique. Il y a un siècle, qu’on soit belge ou français, on travaillait tous sept jours sur sept. On est passés à six jours, puis cinq. Il faut reprendre ce mouvement. Bonne nouvelle, en France, il y a déjà 400 entreprises qui sont passées à quatre jours. Les salariés sont à quatre jours par semaine même si l’entreprise reste ouverte cinq jours ou six. Par exemple, chez Mamy Nova, tous les salariés sont passés à quatre jours, l’usine fonctionne six jours par semaine, et ils ont créé 130 emplois, avec des réductions de cotisation. L’idée c’est que sur base d’une négociation, si l’entreprise passe à quatre jours et qu’elle crée au moins 10 % de vrais emplois en plus, de CDI, elle arrête de payer les cotisations qui correspondent aux allocations de chômage des emplois supplémentaires. C’est possible, sans augmenter les dépenses de l’entreprise, et sans baisser les salaires. Tout le monde y gagne, l’employeur, le travailleur, et la société. »

Sources : BEL RTL, La Libre, Ecolo

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