Monitoring socioéconomique 2022: la position des personnes d’origine étrangère sur le marché du travail s’est améliorée mais les inégalités demeurent.

La 5e édition du Monitoring socioéconomique du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale et d’Unia montre que la position des personnes d’origine étrangère sur le marché du travail s’est améliorée ces dernières années. Mais leur taux d’emploi reste bien inférieur à celui des personnes d’origine belge, comparé notamment à nos voisins. La pandémie de Covid-19 a par ailleurs confirmé leur statut précaire.

Au cœur de l’Europe, dans un pays bénéficiant d’une forte tradition de concertation sociale et d’une bonne législation anti-discrimination, ce n’est pas acceptable. La solution passera par une approche globale et concertée.

Un marché de l’emploi à plusieurs vitesses

Le marché belge du travail a évolué de manière favorable entre 2017 et 2019, avec un taux d’emploi qui est passé de 64,7% en 2016 à 67,1% en 2019. Il a augmenté pour toutes les origines, même si cela cache parfois des disparités.

Ce nouveau rapport pointe malheureusement encore le phénomène d’ethnostratification du marché du travail et une discrimination structurelle qui réduit les chances de décrocher un emploi pour les personnes d’origine étrangère.

A niveau de diplôme et domaine d’études identiques, les personnes d’origine étrangère trouvent plus difficilement un emploi. Même si l’écart de taux d’emploi par rapport aux personnes d’origine belge s’est réduit pour chaque niveau de diplôme depuis 2016, il est frappant de constater que cet écart reste très marqué dans le cas d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Ce type de diplôme s’avère plus difficile à valoriser pleinement sur notre marché du travail pour les personnes d’origine étrangère. Qui plus est, l’écart salarial est plus grand : 21,9% des diplômés de l’enseignement supérieur d’origine étrangère se retrouvent dans les catégories salariales inférieures, contre 8,2% pour les personnes d’origine belge.

La qualité du travail (salaires, mobilité entre les statuts, secteurs et types de contrats) s’est améliorée, mais les personnes issues de l’immigration restent surreprésentées dans des postes moins qualitatifs et moins durables, se retrouvant plus régulièrement au chômage ou travaillant souvent comme intérimaires ou ouvriers. Et il est encore plus compliqué pour ces personnes de trouver un travail lorsqu’elles possèdent au plus un certificat de l’enseignement secondaire inférieur, ont plus de 55 ans, sont des femmes/mères ou sont récemment arrivées en Belgique.

Le Covid-19 confirme la précarité des emplois

L’analyse du marché du travail en 2020 montre que les personnes d’origine étrangère ont été moins nombreuses à pouvoir faire du télétravail – et donc plus exposées aux risques de contagion -, et qu’elles étaient davantage employées dans des secteurs qui ont dû fermer leurs portes. Elles ont donc plus souvent perdu leur emploi et la reprise de l’activité a été plus difficile pour elles. La situation s’est avérée plus compliquée encore pour les personnes titulaires au maximum d’un certificat de l’enseignement secondaire inférieur et les travailleurs à bas revenus.

Nouveaux thèmes pour des défis spécifiques

Cette nouvelle édition fait également un zoom sur le retard scolaire, qui constitue un frein pour l’accès à l’enseignement supérieur et influence négativement le taux d’emploi par après. Le rapport pointe également l’écart entre les personnes d’origine belge et les personnes d’origine étrangère ;les premières sont plus de 72% à avoir obtenu leur diplôme de l’enseignement secondaire supérieur sans retard scolaire, contre moins de 40% pour les secondes.

Le Monitoring s’est également penché sur le phénomène en plein essor du détachement : en 2020, 21% des travailleurs détachés étaient d’origine non européenne, contre 8% seulement en 2010. Dans l’ensemble, ces travailleurs sont généralement détachés par un employeur établi dans un des Etats membres de l’UE-15, avec les Pays-Bas largement en tête (26%), suivis par le Portugal (7%), la France (5%) et l’Allemagne (4%). Le détachement modifie fondamentalement l’ampleur et, en particulier, le profil de la migration de main-d’œuvre vers des pays comme la Belgique.

Une approche globale pour faire la différence

Le chemin vers un marché du travail inclusif et non discriminatoire est encore long. Le rapport montre que ce phénomène aux multiples facettes nécessite une approche globale et concertée entre les différentes autorités, en collaboration avec les partenaires sociaux. La solution passera par une amélioration de la mobilité sur le marché du travail, une attention accrue pour le problème de la segmentation et de la qualité du travail, un système éducatif plus fort qui donne des chances à tous et une politique de migration et d’intégration adaptée.

« Les entreprises doivent elles aussi contribuer à plus d’égalité sur le marché de l’emploi en développant des politiques anti-discrimination appropriées pour chaque étape de la relation de travail et en surveillant la diversité de leur main d’œuvre », souligne Patrick Charlier, directeur d’Unia. « Les employeurs peuvent faire appel au soutien d’Unia ou d’autres organismes comme les services de prévention et protection au travail, que ce soit pour une analyse des risques ou pour définir des mesures concrètes de prévention à mettre en place pour éviter la discrimination ».

« La diversité, secteur par secteur, me tient particulièrement à cœur. Elle représente pour moi une source inestimable de richesse et de talents qu’il faut préserver et développer. A cette fin, et à mon initiative, la mise en place d’une « cellule diversité » permettra de livrer un focus précis sur l’état de la diversité au sein des secteurs, le tout renforcé par des statistiques les plus précises possibles », détaille Pierre-Yves Dermagne, ministre du Travail.

« Je continuerai parallèlement à travailler sur des mesures qui garantissent et améliorent les conditions de travail, en mettant un point d’honneur à ce que les travailleurs d’origine étrangère en tirent pleinement profit. Enfin, je veillerai à garantir une transparence totale quant aux droits des travailleurs et de leurs conditions de travail. L’accès à une information fiable et de qualité est d’ailleurs désormais reprise dans la loi. Trop souvent, les ressortissants étrangers se sont jusqu’ici sentis démunis pour faire valoir leurs droits », explique également le vice-Premier ministre Dermagne.

Le rapport peut être téléchargé sur le site web d’Unia, sous l’onglet ‘Publications’.

Source : SPF Emploi, Travail et Concertation sociale

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