Plutôt sévère, l’avis du Conseil National du Travail (CNT) quant au projet de loi du Travail faisable. Au terme de la table ronde réunissant les partenaires sociaux, le Conseil a émis un avis négatif constatant l’impossibilité de valider en l’état le projet de loi du Ministre Kris Peeters intitulé. Outre les items connus du projet de loi, le gouvernement avait également sollicité le CNT quant à l’éventuelle simplification du travail à temps partiel. Que retenir donc de cet avis pour le moins critique ?
Dans son avis du 7 décembre dernier, et regrettant en guise de préambule le délai court (30 jours) qui lui est octroyé pour se prononcer, le Conseil fait valoir les arguments suivants (extraits):
Concernant le volet Formation : « le Conseil relève unanimement que, sur un certain nombre de points importants, les modalités d’exécution de la loi devront encore être déterminées par arrêté royal, après avis du Conseil national du Travail. Toutefois, l’article 15 de l’avant-projet de loi, qui permet au Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, d’augmenter le nombre de jours de formations à partir du 1er janvier 2019, ne prévoit pas de consultation préalable du Conseil national du Travail. Le Conseil demande à ce que l’avis préalable des partenaires sociaux soit également prévu dans le cadre de cette disposition.Le Conseil se doit enfin de souligner le besoin urgent de clarté sur les modalités d’exécution de la loi afin que les partenaires sociaux, au niveau des secteurs, puissent entamer sans retard leurs négociations en matière de formation. Il demande, en conséquence, que les projet d’arrêtés royaux soient rédigés et lui soient transmis pour avis dans les meilleurs délais. »
Concernant le compte épargne-carrière : « le Conseil tient à signaler que le développement d’un système de compte épargne carrière au niveau sectoriel ou au niveau de l’entreprise risque d’une part d’entrainer des disparités de réglementations en la matière entre les secteurs et/ou entre les entreprises qui introduiront un tel système et d’autre part, de créer, entre les entreprises ou à tout le moins au niveau intersectoriel, des difficultés pratiques de portabilité des crédits épargnés.
Afin d’éviter l’apparition de telles entraves qui rendront un système d’épargne carrière impraticable, le Conseil juge essentiel de laisser la concertation sociale jouer pleinement son rôle harmonisateur afin qu’un système de compte épargne carrière soit développé au niveau intersectoriel »… « Afin de mettre en place un cadre réglementaire plus réaliste et praticable, le Conseil plaide avec force pour un report de six mois de l’entrée en vigueur de cette mesure, avec la possibilité de prolonger ce délai par arrêté royal. Ce délai permettra de donner le temps nécessaire aux partenaires sociaux pour examiner les études disponibles en la matière et pour établir, à partir des enseignements qui en auront été tirés, un rapport sur les pistes existantes, leurs conséquences et les éléments qui, le cas échéant, devront également être réglés par la loi pour introduire un système opérationnel en Belgique. »
Concernant les congés conventionnels : « le Conseil considère que même si cette nouvelle initiative répond à un besoin socié- tal identifié, cette mesure n’est pas nécessaire pour atteindre les objectifs de soins poursuivis, d’autant que d’autres systèmes de congés existants peuvent répondre à ces préoccupations, tels que les congés pour soins développées dans le cadre des congés thématiques ou du crédit temps. Il estime dès lors qu’il n’est pas souhaitable de prévoir deux systèmes parallèles poursuivant des finalités similaires. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ne peut marquer son accord par rapport à cette mesure qu’il estime inadéquate et superflue au regard de la palette de systèmes de congés existants. »
Par ailleurs, le CNT se fait écho de positions différenciées dans le chef des employeurs et des organisations syndicales.
Du côté patronal, le Conseil relaie l’avis suivant lequel « plusieurs mesures sont prises en vue d’améliorer la flexibilité du travail- leur et de rendre le travail plus faisable (horaires flottants, télétravail occasionnel, élargissement des congés, le compte épargne carrière), sous la forme d’un droit individuel. Toutes les mesures qui doivent permettre une plus grande adaptation aux besoins des entreprises peuvent, comme toujours, être remises en question par le véto d’une organisation syndicale au niveau du secteur et/ou de l’entreprise. Il s’agit là d’une opportunité manquée de donner finalement aux entreprises les outils qui leur permettraient de mettre en place, de manière concertée et consensuelle, sans pour autant devoir payer un prix disproportionné, la flexibilité nécessaire pour être en mesure d’affronter les défis de l’avenir. »
Ainsi les mesures concernant l’annualisation, l’investissement dans la formation, le télétravail occasionnel et le plus minus conto entre autres devraient faire l’objet de précisions significatives.
Le CNT poursuit ensuite en stipulant que « les membres représentant les organisations de travailleurs rendent un avis négatif sur d’importantes parties de l’avant-projet de loi concernant le travail faisable et maniable. » Ceux-ci expriment clairement leur opposition : « L’avant-projet de loi et le projet d’arrêté royal accroissent l’insécurité pour les travailleurs, augmentent l’arbitraire et portent atteinte à la protection sociale des travailleurs qui a été développée jusqu’à présent.
Ils s’inscrivent dans le cadre de l’objectif, illusoire et obsolète de- puis longtemps, de faire travailler toujours plus et plus longtemps les heureux élus qui possèdent un emploi, loin de la réalité de la difficulté à concilier le tra- vail et la famille, ainsi que le travail et la vie privée, et du lourd tribut que de nombreux travailleurs doivent payer en termes de santé. Sans tenir compte non plus des centaines de milliers de travailleurs qui sont condamnés au chômage ou à l’assistance sociale, parce qu’il n’y a tout simplement pas d’emplois pour eux. Il convient d’ailleurs d’examiner cela en parallèle avec les efforts particuliers du gouvernement actuel en vue de miser principalement sur du travail supplémentaire pour ceux qui ont déjà du travail (entre autres les flexi-jobs) et pour les étudiants (nouveau statut pour les emplois complémentaires dans l’économie collaborative, assouplissement du travail des étudiants), ce qui se fait souvent au détriment des opportunités d’emploi des demandeurs d’emploi qui sont au chômage. »
Pour consulter l’avis du CNT dans son intégralité : http://www.cnt-nar.be/AVIS/avis-2008.pdf