Selon une enquête publiée ce jour par Acerta, environ 70 % des employeurs du secteur marchand en faveur de la suppression totale de la rémunération liée à l’ancienneté. L’enquête relève dans le même temps que si l’on pose la question aux employeurs du secteur non marchand, seuls 17 % rejoignent cette position. Comment expliquer ce fossé de perception et d’intention? Et alors que les partenaires sociaux se penchent sur le système classique du salaire en fonction de l’ancienneté, nous pouvons nous interroger quant au réel intérêt du patronat pour la question.
Rigueur et prudence. Le secrétariat social Acerta indique que ces données proviennent d’une enquête réalisée durant la deuxième moitié du mois de septembre 2018 auprès de 549 employeurs… dont seulement 126 ont pris la peine d’y participer. Cette représentativité permet-elle de tirer quelque conclusion définitive?
Dans l’accord politique ‘deal pour l’emploi’ de cet été, le gouvernement a annoncé qu’il fixerait un calendrier concret avec les partenaires sociaux afin d’abandonner cette rémunération en fonction de l’ancienneté. La concertation sociale dans les secteurs et les entreprises a la mission importante d’aboutir à une alternative. La rémunération liée à l’ancienneté désigne l’augmentation salariale annuelle octroyée car le travailleur est en service depuis un an de plus. Pour celle-ci, le travailleur connaît au préalable la hausse de salaire à laquelle il peut s’attendre.
Résultat de l’enquête: 57,6 % des employeurs plaident pour la suppression complète de la rémunération liée à l’ancienneté. Cependant, 42,4 % des employeurs ne tiennent pas à supprimer tout simplement la rémunération en fonction de l’ancienneté classique. Ces taux dissimulent une différence marquée entre les employeurs du secteur marchand et ceux d’autres secteurs (non marchand et pouvoirs publics). Dans le secteur marchand, quelque 71 % optent pour une suppression totale de la rémunération liée à l’ancienneté, tandis que plus de 83 % votent contre cette suppression complète dans les autres secteurs.
Au sein des employeurs qui s’expriment en faveur d’une suppression complète de la rémunération liée à l’ancienneté, 90 % d’entre eux affirment qu’ils sont également favorables à une application limitée du système des salaires en fonction de l’ancienneté jusqu’au moment où il est considéré qu’un travailleur maîtrise tout à fait sa fonction.
Selon la taille de l’entreprise, la position vis-à-vis de la suppression complète du système de rémunération liée à l’ancienneté varie quelque peu : 70 % des employeurs dotés de plus de 500 travailleurs sont partisans de la suppression. Dans les entreprises de moins de 20 travailleurs, 52 % optent pour une suppression complète. Dans le groupe intermédiaire, ce taux s’élève à 58 %.
Deux employés sur trois touchent une rémunération liée à l’ancienneté
Par ailleurs, il ressort de l’enquête d’ACERTA que 66 % des employeurs prévoient une rémunération liée à l’ancienneté annuelle pour leurs employés. Pour les ouvriers, il s’agit de 50 %. Catherine Langenaeken (Acerta Consult) explique : « Dans de nombreuses branches d’activité, la rémunération en fonction de l’ancienneté est déterminée au niveau sectoriel. Toutefois, nous constatons que près de 40 % des entreprises qui accordent aujourd’hui une rémunération liée à l’ancienneté la règlent en partie au niveau de l’entreprise. »
Les employeurs favorables à la suppression totale de la rémunération liée à l’ancienneté adoptent cette position car ils estiment que ce système n’est pas motivant pour le travailleur. De plus, ils jugent qu’ancienneté et productivité ne connaissent pas nécessairement la même augmentation. Les opposants à la suppression de la rémunération liée à l’ancienneté craignent principalement que cette disparition entraîne un nombre accru de demandes individuelles d’augmentations salariales. Cependant, ils sont d’avis que la fidélité à l’entreprise peut être récompensée au moyen d’une hausse salariale annuelle.
Un compromis utopiste ?
La rémunération en fonction de l’ancienneté n’est peut-être pas à prendre ou à laisser. En effet, 89 % des employeurs favorables à une suppression complète de cette rémunération approuvent aussi de supprimer seulement celle-ci lorsqu’ils considèrent que les travailleurs maîtrisent tout à fait le contenu de leur fonction. Reste bien entendu la question suivante : à partir de quand les travailleurs maîtrisent-ils leur fonction selon ce même employeur ? La réponse semble varier : pour les ouvriers formés et les employés exécutifs, la période d’acquisition est estimée à quatre semaines. Pour les fonctions de direction et de management, il peut s’agir de trois ans et plus. « À ce propos, nous ne pouvons pas perdre de vue que pour rester compétitifs et maintenir la motivation des travailleurs, il convient idéalement de faire évoluer les tâches, et donc les fonctions. Ainsi, il est possible qu’un travailleur qui est occupé depuis quelques années déjà et assume une nouvelle fonction dans l’organisation doive reprendre cette fonction pendant une certaine période et bénéficie à nouveau d’une rémunération liée à l’ancienneté pour ce faire. »
Aller vers la rémunération selon les prestations
Si l’employeur abandonne le système de la rémunération liée à l’ancienneté, il affirme vouloir différencier dans le salaire variable, mais aussi dans le salaire fixe, ou les deux. Une évaluation des prestations individuelles du travailleur constituera la base principale pour la différenciation salariale (86 %). Mais la progression constatée dans les compétences pertinentes à la fonction du travailleur (60 %) et une comparaison du salaire avec celui octroyé pour un poste similaire sur le marché (40 %) représenteront également des critères influents.