La part des femmes dans les organes de gouvernance et les structures de direction reste médiocre en Europe (moins de 20%) et encore plus limitée dans le reste du monde. Vigeo Eiris a passé en revue la part des femmes dans la gouvernance de près de 4000 entreprises cotées dans le monde et profite de cette journée du 8 mars pour dresser des constats plutôt… affligeants.
Promouvoir la parité est une responsabilité sociale des entreprises. Elle implique la prévention des discriminations et des mesures actives de protection et de promotion des femmes, pas seulement dans le recrutement, les rémunérations, les conditions de travail, l’accès à la formation, aux avantages sociaux, mais aussi aux fonctions de direction, et aux instances de gouvernance. Ces principes sont consacrés et rendus opposables aux entreprises – quels que soient leur taille, leur secteur et leur lieu d’activité -, par les conventions de l’ONU et de l’OIT , ainsi que par les principes directeurs de l’OCDE, et les objectifs de développement durable de l’ONU, notamment l’objectif n°5 sur l’égalité des sexes. Ce principe est de même affirmé par les codes de gouvernance d’entreprises de plusieurs pays qui, à défaut de parité, fixent des quotas de femmes dans les Boards (Conseils d’Administration / de Surveillance).
La notation de Vigeo/Eiris porte sur la visibilité, l’exhaustivité, la précision, et le portage des engagements, puis sur les processus et les moyens dédiés à leur réalisation, et sur les indicateurs de résultats. L’objectif de la notation est de mesurer le degré auquel les entreprises et les équipes qui les dirigent entendent intégrer à leur stratégie et leurs opérations des règles claires de prévention des discriminations à l’égard des femmes, et à viser l’égalité des droits et la parité entre les deux sexes dans l’exercice des fonctions de direction, dans la gouvernance, les revenus, les conditions de travail, et les relations professionnelles.
Si le thème de l’égalité entre les sexes a beaucoup gagné en termes de visibilité parmi les engagements affichés par les entreprises dans leurs codes de conduite, dans les faits les inégalités demeurent prégnantes et l’information reste limitée sur les mesures concrètes destinées à les réduire. Le thème de l’égalité entre les sexes relève encore davantage, dans de nombreux cas, du gender-washing que d’un exercice concret de responsabilité sociale.
Le constat clé est que, à l’échelle mondiale, avec moins de 20% de femmes parmi les structures dirigeantes, les entreprises et leur gouvernance restent encore une affaire d’hommes. Les principes de non-discrimination et de promotion de l’égalité avancent lentement, principalement en Europe et en Amérique du Nord. Ce progrès reste marginal dans le reste du monde.
Principaux constats :
• Moins d’une fonction de direction sur cinq est occupée par une femme : elles ne représentent que 18% des membres de conseils d’administration et/ou de surveillance, et 16% des postes de direction exécutive sont occupés par des femmes. Ces constats justifient l’insistance des instances internationales (ONU, OIT, OCDE, G20) et de plusieurs codes nationaux de gouvernance d’entreprises en faveur de l’augmentation de la représentativité des femmes dans les instances de direction.
• Avec 24% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance, les entreprises européennes enregistrent un taux moyen de féminisation qui reste médiocre, même s’il est plus élevé que chez leurs homologues cotées dans les autres régions du monde. Une proposition de directive de la Commission européenne visant à instaurer un quota de 40% de femmes dans les CA a été rejetée en 2012, mais une nouvelle proposition en ce sens a été introduite en 2017 . Le taux moyen de femmes administratrices est de 19% dans les entreprises nord-américaines, il est 10% dans les entreprises asiatiques et de 9% dans celles des pays émergents.
• S’agissant de la représentativité des femmes au sein des équipes dirigeantes, les entités cotées en Amérique du Nord prennent la tête du classement avec 17% de femmes dirigeantes en moyenne dans cette zone, contre 16% en Europe. Les entreprises cotées en Asie ou dans les pays émergents sont loin derrière leurs consœurs avec 10% et 12% respectivement.
• Des disparités significatives s’observent au sein des régions : les femmes représentent 41% des membres des conseils d’administration ou de surveillance en Norvège, 39% en France, 34% en Suède. Ces niveaux résultent d’obligations légales de quotas pour les deux premiers pays, ce qui n’est pas le cas pour la Suède . Le Chili (29%) et l’Afrique du Sud (28%) sont les pays en développement où la part des femmes aux fonctions de direction atteint des proportions moyennes comparables à celles de pays comme la Norvège, la Suède et la Pologne (25%).
• Les secteurs des Biens de luxe et cosmétiques (28%), de l’Edition (27%) et de l’Audiovisuel (26%) comptent les taux de femmes les plus élevés au sein de leur conseil d’administration ou de surveillance. Les secteurs de l’Automobile (24%), des Equipements de santé (24%) et de l’Edition (23%) comptent les taux les plus élevés de femmes dans des fonctions de direction.
• L’hétérogénéité des niveaux de participation des femmes aux instances de gouvernance et de direction selon les pays illustre l’impact inégal des dispositions règlementaires (politiques de quotas, et législations spécifiques) sur ce thème. Si les politiques de quotas exercent bien une influence sur la composition des conseils d’administration et de surveillance, elles ne suffisent pas à agir sur la composition des équipes dirigeantes des entreprises. La participation des femmes aux fonctions de direction reste, pour une grande part, conditionnée à la volonté discrétionnaire des hommes.
Note méthodologique : le document est un focus issu de la notation par Vigeo Eiris de plus de 3 800 entreprises cotées dans le monde, sur la période 2014-2017. Il porte sur l’accès des femmes aux conseils d’administration et aux fonctions dirigeantes, dans 60 pays et 41 secteurs d’activité.
Photo : ©theconversation.com